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Cameline : une interculture valorisée à 600 euros la tonne pour le marché des carburants d’aviation durables

Dès 2024, Saipol va rémunérer des agriculteurs pour une production attendue de 2 000 tonnes de graines de cameline, avec un objectif de multiplier par cinq les volumes en 2025. Pour saisir cette opportunité, l’introduction de la cameline dans les rotations se réfléchit dès aujourd’hui.

Abeille butinant une fleur de cameline
La cameline est une interculture aux multiples bénéfices, agronomiques, économiques, environnementaux et esthétiques
© Philippe Montigny @philagri

Le modèle économique de la cameline se construit avec les organismes collecteurs

Saipol travaille aujourd’hui avec une dizaine d’organismes partenaires qui sont équipés pour trier, nettoyer et sécher la graine de cameline. Mais Guillaume de la Forest, chargé de développement cameline chez cette filiale du groupe Avril, indique que les agriculteurs pourront travailler en direct avec Saipol, s'ils ont la capacité de trier et sécher les graines et en l’absence de collecteurs disposant des équipements nécessaires sur leur territoire. Il révèle aussi que « le prix conseillé par Saipol est de 600 €/t net payé à l’agriculteur, pour une graine propre (2 % d’impureté maxi) et sèche (9 % d’humidité), avec des variations possibles selon les structures de collecte ». Et si le producteur ne peut pas récolter de graine, « Saipol apporte une garantie commerciale de 100 €/ha si le cahier des charges a été respecté ». Parmi les conditions, figure l’obligation de cultiver la cameline en interculture pour ne pas entrer en concurrence avec une culture alimentaire. La cameline répond donc à la fois à des objectifs agronomiques (couverture, structuration du sol), économiques, puisqu’elle est rémunérée, et environnementaux car seulement 25 % de la biomasse aérienne est récoltée, les 75 % restant (soit 3 tonnes de matière sèche) sont restitués au sol sous forme de matière organique.

Tout se joue au semis pour la cameline

Le cahier des charges comporte des règles de conduite établies avec les instituts techniques. Parmi celles-ci, l’obligation de semer avant le 10 juillet, car pour réaliser son cycle, la plante a besoin d’environ 90 jours. Domitille Jamet de Terres Inovia et Sylvain Marsac d’Arvalis insistent tous deux fortement sur ce point car passé la mi-octobre, les conditions de récolte deviennent très compliquées. Il faut donc un précédent qui se récolte tôt et semer la cameline (à 8 kilos par hectare) dans les 24 à 48 heures qui suivent la moisson. Un pois d’hiver est le meilleur précédent, analyse Domitille Jamet : « Il ne laisse pas de résidu de paille qui gênerait la levée de cette petite graine qu’est la cameline et il lui fournit un reliquat d’azote ». L’orge d’hiver est aussi une possibilité, mais il faut gérer les pailles (donc plutôt utiliser un semoir à dent) et apporter 40 unités d’azote au semis de la cameline.

Autre point important, la cameline a besoin d’eau à la levée et à la floraison. 130 millimètres (mm) lui sont nécessaires pour atteindre son potentiel de rendement à savoir 17 quintaux à l’hectare (q/ha), mais elle se contentera de 50 mm bien positionnés pour un rendement de 6 à 7 q/ha. Pour cette raison, Sylvain Marsac indique qu’elle se plaît mieux dans la moitié nord de la France, notamment le quart nord-ouest. Il faudra faire attention également à la rémanence des herbicides, notamment ceux utilisés lors des rattrapages de printemps du précédent, prévient Domitille Jamet. Pour limiter les risques de phytotoxicité et chercher la fraîcheur aussi, on sèmera à 2-3 cm de profondeur. De façon générale, « on privilégiera les parcelles propres car si on dispose d’anti-graminées, il n’existe pas de solution anti-dicotylédones bien adaptée sur cameline », prévient la chargée d’étude chez Terres Inovia. Et pour finir, le risque ravageur et maladie est quasiment nul en dérobée estivale.

Des possibilités aussi en interculture d’hiver

Jusqu’à présent Saipol a travaillé principalement sur la cameline en interculture d’été, avec une variété très précoce, Vera, proposée par le semencier espagnol Camelina Company. Mais Sylvain Marsac indique que la cameline peut être conduite également en interculture d’hiver, semée en octobre pour être récoltée fin mai. Le spécialiste d’Arvalis insiste dans ce cas sur le choix variétal de la cameline, pour pouvoir la récolter le plus tôt possible et semer derrière un soja, sorgho ou tournesol très précoce. « Un semis d’automne sera plus adapté aux secteurs sud et ouest de la France, car il faudra un hiver doux pour qu’elle fasse son cycle ». Guillaume de la Forest indique que cette solution hivernale est également en cours d’étude chez Saipol.

Un débouché durable et de long terme

Pour proposer aux futurs producteurs un itinéraire technique robuste, limitant au maximum le risque d’échec, Saipol mène depuis cinq ans des expérimentations avec Arvalis, Terres Inovia et des coopératives. 2024 est une année d’expérimentation sur 2 000 ha, avec des agriculteurs qui vont être rémunérés pour produire un volume estimé à 2 000 tonnes de graines. À très court terme, c’est-à-dire 2025, l’entreprise souhaite multiplier par cinq la production, pour répondre aux besoins du marché des carburants d’aviation durables « qui ne va cesser de croître dans les prochaines années », avertit Guillaume de la Forest.

Ce dernier précise qu’il existe peu de cultures qui cochent toutes les cases, ce qui n'empêche pas Saipol d'étudier d'autres espèces à cultiver en dérobé. Les besoins en biokérosène pour l’aviation européenne sont estimés « entre 20 et 28 millions tonnes », besoins qui ne seront pas uniquement couverts par les intercultures. « Mais c’est une vraie opportunité pour les agriculteurs français de s’insérer dans cette filière » estime Guillaume de la Forest, qui insiste sur le fait que la cameline est une culture qui s’anticipe au même titre qu’une culture principale. Les agriculteurs qui veulent en produire en 2025 peuvent y réfléchir dès aujourd’hui.

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