Azote et produits phytosanitaires : adapter ses pratiques pour réduire les pertes dans l’air
L’azote sous forme d’ammoniac et certaines molécules phytosanitaires se retrouvent dans l’air. Des équipements agricoles permettent d’en diminuer la présence, de même que des bonnes pratiques et la prise en compte de la météo au moment des applications.
L’azote sous forme d’ammoniac et certaines molécules phytosanitaires se retrouvent dans l’air. Des équipements agricoles permettent d’en diminuer la présence, de même que des bonnes pratiques et la prise en compte de la météo au moment des applications.
Réduire l’ammoniac de l’air de 13 % en 2030 par rapport à 2005. La France a pris cet engagement en transposant les objectifs d’une directive européenne (NEC II). Si cet objectif n’est pas atteint, l’État s’expose à des pénalités. Précurseur de particules fines, l’ammoniac provient des activités agricoles pour l’essentiel. « En cas de pic de pollution, la préfecture peut imposer des mesures de restrictions d’épandage, même si cela n’est quasiment jamais arrivé en France, et inciter à des pratiques agricoles réduisant les risques de volatilisation », précise Léa Hermier, conseillère à la chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais. En outre, l’ammoniac volatilisé représente une perte d’azote pour la nutrition des plantes et donc une perte économique pour l’agriculteur.
Les engrais azotés apportés aux cultures ont leur part de responsabilité dans cette pollution de l’air. « On peut porter son choix sur les formes d’engrais les moins émissives en ammoniac. Les pertes d’azote par volatilisation sont les plus importantes avec l’urée (13 % en moyenne), devant la solution azotée (7,9 %) et l’ammonitrate (1,9 %) », rapporte la conseillère. Malheureusement, « il y a une forte augmentation des achats d’engrais les plus émissifs ces derniers mois, notamment de l’urée, car ce sont les moins chers », remarque Sophie Agasse, de l’Unifa.
On peut agir sur les conditions d’épandage pour baisser fortement la volatilisation. « Des essais réalisés dans le cadre du projet Épand’air avaient montré que des pluies survenues trois jours après les apports d’engrais avaient complètement stoppé la volatilisation, se souvient Léa Hermier. L’épandage en prévision de pluies est une bonne solution pour réduire efficacement l’émission d’ammoniac. C’est confirmé par d’autres essais. »
Une aide pour les équipements d’épandage réduisant la volatilisation
Autre moyen de diminuer ces émissions : l’enfouissement de l’engrais aussitôt après son apport, via un travail du sol. « Les émissions d’ammoniac peuvent être réduites jusqu’à 65 % avec cette pratique, voire 85 % si l’engrais est localisé dans la raie de semis ou injecté dans le sol », selon les résultats d’Épand’air.
L’enfouissement fonctionne aussi pour les épandages d’engrais organiques : fumier, lisier, digestat… « La volatilisation est la plus faible avec les matériels qui permettent de déposer le lisier au plus près du sol, voire de l’enfouir, limitant ainsi le contact entre le lisier et l’air », selon la même étude. Des enfouisseurs à disques ou à dents installés au niveau de la rampe d’épandage remplissent cette fonction. « Nos essais ont montré également que le prétravail du sol, l’enfouissement immédiat ou l’épandage sur un couvert végétal permettent de limiter significativement la volatilisation », ajoute Léa Hermier.
Enfouir au plus vite après l’épandage permet aussi de réduire la volatilisation : si l’enfouissement est immédiat, la baisse de volatilisation sera de 70 % ; s’il est fait dans les 12 heures, elle sera de 50 % pour les engrais organiques liquides. Les équipements d’épandage permettant de limiter la volatilisation de l’azote peuvent bénéficier d’une aide financière via le PCAE, plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations.
Les phytos non réglementés sur leur présence dans l’air
Des molécules phyto se retrouvent également dans l’air. Mais au contraire de l’ammoniac, il n’y a pas de réglementation à ce jour imposant des objectifs de réduction ni même leur surveillance. La présence de ces molécules constitue pourtant un facteur de pollution de l’air et peut être mise en avant pour justifier des restrictions de certains usages ou mettre en place des ZNT extra-larges, comme le désireraient certaines ONG environnementales.
Les transferts de phytos dans l’atmosphère se font surtout par dérive au moment des applications et par volatilisation à partir des sols et plantes traités. Les mécanismes de dérive et de volatilisation dépendent en partie des conditions météorologiques (vent, température, humidité…) lors de l’application. Il s’agit donc de choisir les conditions optimales pour appliquer les produits phyto : faible vent ou absence, hygrométrie élevée, température modérée. Ces conditions sont réunies tôt le matin ou en soirée.
« Le projet Repp’Air qui s’est déroulé entre 2017 et 2020 a permis de préciser les bonnes conditions d’application, expose Laëtitia Prévost, de la chambre d’agriculture Grand Est. Des fiches pratiques ont été conçues à cet effet. » Elles indiquent par exemple qu’il ne faut pas traiter par vent fort et que c’est même interdit par vent au-delà de 19 km/h. Les transferts augmentent avec la température, en particulier au-dessus de 25 °C. Les températures optimales varient entre les produits mais, en règle générale, elles se situent entre 15 et 22 °C. Quant à l’hygrométrie, c’est un critère essentiel contre le desséchement de la goutte et pour les produits à action systémique pour bien pénétrer dans la plante. Une hygrométrie supérieure à 60 % répond à ces besoins, de même qu’une rosée sous forme de buée (non ruisselante).
Bien utiliser son pulvé avec des buses antidérives
Le réglage du matériel de pulvérisation joue sur le niveau de dérive des gouttelettes appliquées. Le type de buse influence la taille des gouttelettes et donc le niveau de dérive. « Les buses à injection d’air divisent par trois la dérive à 5 mètres par rapport à des buses à fente classique, est-il précisé dans la synthèse des résultats Repp’Air. Leur efficacité est identique à condition de respecter des volumes minimums de bouillie. »
La hauteur de rampe et la vitesse d’avancement du pulvérisateur sont deux paramètres importants. « La hauteur devra être de 65 à 70 cm pour des buses 110° et 85 à 90 cm pour des buses 80°. La vitesse ne devra pas dépasser idéalement 8 km/h avec des buses classiques et 10 km/h avec des buses à injection d’air. »
Il y a encore des inconnues sur les mécanismes de transfert des molécules dans l’air. « Sur les vingt matières actives suivies et connues pour leur transfert par volatilisation, les préconisations d’usage ont permis de réduire leur présence dans l’air pour dix d’entre elles. Mais pour quatre autres molécules, il n’y a pas de lien entre les bonnes pratiques et la diminution de volatilisation », constate Laëtitia Prévost. L’amélioration des connaissances est donc indispensable pour donner les moyens d’agir aux agriculteurs. Enfin, la réduction de la pollution de l’air passe par la diminution de l’usage des phytos, tout en préservant l’efficacité de la lutte contre les bioagresseurs.
Beaucoup d’herbicides dans l’air
L’ammoniac de l’air provient à 93 % de l’agriculture, selon le Citepa (1), dont une bonne partie des épandages d’engrais azotés (25 %) et d’effluents d’élevage (19 %). Il se combine avec d’autres composés issus du transport notamment, pour former des particules fines nocives pour la santé.
Les herbicides, avec au premier chef le prosulfocarbe et la pendiméthaline, sont les principaux produits phyto se retrouvant dans l’air en zones de grandes cultures, selon les différents rapports des Atmo régionales qui fédèrent les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (Aasqa).
Le lindane reste en tête des insecticides en dépit de son interdiction en culture depuis 1998. C’est lié à la rémanence de la substance active. Très présent en fréquence d’analyses, il est nettement plus faible en quantité que les herbicides cités.