Agroforesterie et grandes cultures : les quatre atouts des arbres sur le sol et les cultures selon une expérimentation normande
L’agroforesterie fait l’objet d’un suivi expérimental en Normandie depuis une dizaine d’années. Présentation de quelques résultats par Yann Pivain, chargé de mission agroforesterie et biodiversité à la chambre d’agriculture de Normandie.
L’agroforesterie fait l’objet d’un suivi expérimental en Normandie depuis une dizaine d’années. Présentation de quelques résultats par Yann Pivain, chargé de mission agroforesterie et biodiversité à la chambre d’agriculture de Normandie.
Treize agriculteurs du GIEE Agroforesterie en Normandie et l’association de la dynamique agroforestière en Normandie (Adan) participent à un suivi expérimental de parcelles gérées en agroforesterie.
Les atouts des arbres agroforestiers par rapport aux arbres de forêt
Les arbres s’enracinent plus profondément qu’en forêt, ce qui leur donne une meilleure résistance au vent et une meilleure alimentation hydrique. Ils poussent donc plus vite. Les billes sont plus grosses mais plus courtes. À trente ans, les noyers agroforestiers sont trois fois plus volumineux que les noyers forestiers, selon une étude (Dupraz et Liagre, 2008). Par ailleurs, le taux de mortalité des arbres est plus faible en agroforesterie qu’en forêt.
Les arbres amortissent les stress climatiques
En dix ans, la présence des arbres ne présente pas d’effet négatif sur les différentes cultures menées en production biologique dans un essai dans l’Eure. Mais il ne faut pas avoir une densité d’arbres trop importante dans la parcelle. « Dans les projets suivis, nous sommes entre 30 et 45 arbres par hectare, pour minimiser l’impact sur le rendement », précise Yann Pivain. En année chaude, l’impact peut être positif comme nous l’avons constaté en 2022 sur des orges de printemps, plus productives dans la partie agroforestière de la parcelle ». Les arbres amortissent les stress climatiques en cas de forte chaleur. Jusqu’à 6 °C d’écart en moins au sol ont été enregistrés dans une parcelle agroforestière en été, comparé à un champ classique.
L’agroforesterie favorable au taux de matière organique et au captage du carbone
Pour la fertilité des sols, les arbres fournissent jusqu’à 40 unités d’azote fournies par la matière organique (MO). Il y a, du reste, un effet positif sur le taux de MO du sol qui se met en place sur la durée. Les arbres contribuent à la captation de carbone pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Un arbre agroforestier capte deux fois plus de carbone qu’un arbre forestier. Par son enracinement, l’arbre injecte dans les horizons profonds du sol une quantité non négligeable de carbone. « Sur une parcelle de 6,6 hectares avec 46 arbres/ha, nous avons mesuré sur l’espace de dix ans, une captation de 0,45 t/ha/an de CO2, ce qui équivaut à 146 l/ha/an de fioul (GNR) », avance Yann Pivain. Les bandes enherbées constituées sur la ligne d’arbres limitent le ruissellement érosif et fixe des éléments comme le phosphore et les molécules phyto tout en favorisant leur dégradation.
Une biodiversité favorisée avec un effet « hôtel à insectes »
Via la bande enherbée et les arbres, l’agroforesterie génère un milieu plus favorable à la biodiversité. Il y a un effet « hôtel à insectes ». « Nous avons mesuré une légère augmentation de 5 % des coléoptères auxiliaires (carabes) et une diminution de 4 % des coléoptères ravageurs du colza (méligèthes, charançons) », chiffre le conseiller. Chez les carabes, il y a une nette augmentation de diversité d’espèces en agroforesterie avec 50 % des effectifs représentés par cinq espèces alors qu’en openfield, les trois quarts des carabes sont constitués de deux espèces seulement. Il y a aussi nettement plus d’oiseaux selon des mesures effectuées au printemps.