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Agriculture biologique : quels sont ses avantages environnementaux et sanitaires, d’après une étude de l’Itab ? 

L’Institut de l’agriculture et de l’alimentation biologique (Itab) a tenu une conférence le 25 juin 2024 mettant à jour son étude de 2016 « Externalités de l’agriculture biologique ». Basée sur l’analyse de près de 800 articles scientifiques, elle fait le point sur les pratiques mises en œuvre en agriculture biologique qui favorisent ou au contraire dégradent différentes dimensions environnementales et sanitaires.  

Parcelle d'agriculture bio
Parcelle de culture bio protégée par des bandes enherbées et des haies.
© S. Leintenberger/Réussir SA

Réunis le 10 juin à Paris, plusieurs chercheurs de l'Institut technique de l'agriculture biologique (Itab) ont présenté l’actualisation d’une première analyse, commanditée en 2016 par Stéphane Le Foll, sur les externalités positives du bio, s'appuyant sur près de 800 articles scientifiques.  

 

Quels sont les bienfaits de l’agriculture biologique sur les sols ?  

L’agriculture biologique pour des sols plus propres   

En Europe, les sols sont largement contaminés par des résidus de PPP (Les produits phytopharmaceutiques) du fait des activités agricoles.   

Interdit dans le cahier des charges de l’agriculture biologique, les intrants et les PPP, ne sont pas utilisés. L’agriculture bio contribue de facto beaucoup moins à la pollution de l’eau, selon l'étude « Externalités de l’agriculture biologique » mise à jour de l’Itab. 

Cette différence avec l’agriculture conventionnelle s’incarne par une baisse importante des résidus de pesticides (-30 à -55%) et des teneurs moindres de PPP (70 à 90%). 

La présence restante des pesticides est causée par leur persistance dans les sols. Cela se produit quand le terrain était utilisé en agriculture conventionnelle avant le bio. 

Des pesticides sont toujours utilisés même en agriculture biologique. Certains traitements peuvent rester nécessaires pour prévenir les maladies et les ravageurs. 

En interdisant les engrais azotés de synthèse et le recours à des acides de phosphates miniers, le bio limite les apports de nutriments dans les sols et propose un modèle abaissant les pertes en nitrate de 30 à 60 % par rapport aux grandes cultures. Les indicateurs de la biologie des sols sont améliorés dans 70 % des cas par rapport à l’agriculture conventionnel, rapporte la synthèse de l’Itab. 

Lire aussi : Plus de pesticides trouvés à proximité des champs bio selon une étude 

 

L’agriculture biologique pour une meilleure résistance des sols aux sécheresses 

Si les effets positifs de l’agriculture biologique sont nets pour les grandes cultures, ou les vergers, ils ne dessinent pas de tendance univoque pour les prairies permanentes où les conduites diffèrent peu entre les deux types d’agriculture. La mise en œuvre de cultures en rotation plus diversifiées en agriculture bio, avec 2,4 fois plus de CIMS (Cultures Intermédiaires Multi-Services), est le levier principal d’amélioration de la porosité et de la prospection racinaire du sol. L’enrichissement en matière organique des sols, et l’action de la biomasse du sol sont également bénéfiques.  

La filière bio montre un effet positif sur la qualité physique des sols. La stabilité structurale est souvent améliorée, et elle a un effet « bio positif » qui est observé sur l’infiltrabilité dans la moitié des études pour lesquelles l’effet varie de +50 % à +256 %.  

L'agriculture bio améliore le potentiel de résistance face aux sécheresses par rapport à l’agriculture conventionnelle avec une disponibilité de l’eau pour les plantes généralement améliorée (un effet positif de +4 % à +45 % dans la moitié des études, et qui n’est jamais négatif dans les 44 % d’études restantes) Ces éléments sont également susceptibles de permettre de diminuer le risque d’érosion des sols

 

Gare à la teneur en cuivre et à la lixiviation des nitrates 

Il faut toutefois noter que 13 % des masses d’eau superficielles présentent une qualité dégradée par les teneurs en cuivre ; l’agriculture biologique, autorise l’usage du cuivre spécialement dans les zones viticoles.   

Du fait de la réduction des apports d’azote, si le bio propose un modèle abaissant les pertes en nitrate de 30 à 60 % par rapport à l’agriculture conventionnelle en grandes cultures, son mode de production peut parfois amener à une lixiviation accrue des nitrates, notamment au moment des retournements de luzernières.  

Lire aussi : Azote : les agriculteurs bio cherchent de nouvelles ressources pour la fertilisation 

 

Quels sont les bienfaits de l’agriculture biologique sur la biodiversité ?  

Plus de biodiversité sur les parcelles biologiques 

Entre 1970 et 2018 à l’échelle mondiale, 69 % des populations d’espèces sauvages (mammifères, poissons, oiseaux, reptiles et amphibiens) auraient été perdues. La perte de biodiversité dans les écosystèmes terrestres a été fortement influencée par la dégradation et la perte d'habitats terrestres, rappelle la synthèse de l’Itab. L’expertise scientifique collective pointe l’implication majeure des produits phytopharmaceutiques (PPP) dans le déclin de nombreuses populations. 

Concernant les substances naturelles, autorisées dans la filière biologique, les résultats existants indiquent que si la grande majorité d’entre elles présentent une faible écotoxicité, d’autres ont une toxicité équivalente ou supérieure à celle de leurs homologues de synthèse.  

L’agriculture biologique est un mode de production qui présente des impacts moindres sur la biodiversité associée des parcelles agricoles. Les parcelles bio hébergent davantage de biodiversité que les autres parcelles. Les parcelles conduites en agriculture biologique ont en moyenne une abondance et une richesse spécifique respectivement supérieures de 32 % et 23 %. Par rapport à une fertilisation minérale, la fertilisation organique a un effet positif sur la biodiversité du sol.   

Selon l’étude  « Protéger les cultures en augmentant la diversité végétale des espaces agricoles », toutes les pratiques de diversification végétale à l’échelle de la parcelle sont bénéfiques à la biodiversité associée. En Europe, les rotations plus longues, plus diversifiées en agriculture bio contribuent donc à l’amélioration de la biodiversité associée pour les cultures en rotation, l’effet sur les organismes du sol étant le plus documenté.  

La quantification de l’effet de l’agriculture biologique dépend de la complexité du paysage autour des parcelles, qui peut masquer l’effet de pratiques de gestion plus intensives à l’échelle de la parcelle.  

Des bienfaits moindres à l’échelle de la ferme que sur la parcelle  

Une étude à l’échelle de l’Europe sur 200 fermes a montré une surface en éléments semi-naturels équivalente entre modes de production. En conséquence, à l’échelle de la ferme, l’effet de l’agriculture biologique sur la richesse spécifique est moins important (+4,6 %) que ceux observés à l’échelle de la parcelle (+10,5 %). Ces habitats naturels étant en revanche sous l’influence des pratiques agricoles sur les parcelles (phénomène de adjacentes dérive, ruissellement), les habitats à proximité de parcelles conduites en bio sont de meilleure qualité.  

 

Impact positif de l’agriculture bio sur la pollinisation   

Les parcelles conduites en agriculture biologique ont des niveaux de service de pollinisation et de régulation naturelle supérieurs aux parcelles conduites en agriculture plus conventionnel, souligne la synthèse de l’Itab

Les niveaux d’infestations d’insectes ravageurs et de pathogènes dans les parcelles biologiques sont en moyenne respectivement équivalents ou inférieurs, ce qui témoigne que la filière biologique permet d’atteindre des niveaux de régulation équivalents aux niveaux permis par des pratiques de protection des cultures en agriculture conventionnelle ; à l’exception des adventices où les niveaux d’infestations sont supérieurs en bio.  

Augmenter la part de la surface cultivée en agriculture biologique dans les espaces agricoles à un effet positif sur la biodiversité, que ce soit la diversité d’espèces, de plantes et de pollinisateurs. Des travaux complémentaires sont nécessaires pour quantifier l’importance de ce paramètre et la combinaison avec d’autres composantes de l’hétérogénéité des paysages.  
 

 

L'agriculture biologique, peut-elle limiter le changement climatique ?  

Le bio pour une réduction des gaz à effet de serre  

L’Agriculture Biologique contribue à la réduction des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) à l’échelle des parcelles cultivées. L’absence de fertilisants de synthèse est à l’origine d’émissions moindres à la parcelle de N2O et de CO2. En conséquence, les productions végétales bio, dont les émissions sont essentiellement composées de ces deux GES, présentent des émissions moindres par unité de surface. (de l’ordre de 50 %).  

 

Plus d’émissions de méthane dans l’agriculture biologique 

En revanche, les émissions de méthane (CH4), qui concernent principalement les élevages de ruminants, peuvent être plus importantes en agriculture biologique, souligne la synthèse de l’Itab

 

Le bio pour stocker plus de carbone dans le sol

Les pratiques de fertilisation via les PRO (produits résiduaires organiques et légumineuses) en agriculture biologique sont également à l’origine d’une accumulation de carbone organique dans les sols, plus importante qu’en agriculture conventionnelle.  

Les performances du bio sur l’atténuation du changement climatique et la quantification de l’écart d’émissions entre des systèmes biologique et conventionnel dépendent de l’unité fonctionnelle mobilisée.  

De récents travaux montrent que les productions végétales présentent, à quelques exceptions près, de meilleures performances GES quelle que soit l’unité fonctionnelle retenue. Pour les produits animaux, pour les GES par unité produite, les effets sont hétérogènes : empreinte biologique/conventionnelle légèrement meilleure en bovin viande, équivalente dans le cas du bovin lait, moins bonne en monogastrique. 

 

Quels bénéfices de l'agriculture biologique sur la santé humaine ?  

Du fait d’un différentiel d’intrants, et en particulier les PPP, de nombreux atouts pour la santé humaine de l’agriculture biologique par rapport à l’agriculture conventionnelle ont été identifiés notamment pour les populations professionnelles les plus exposées, ainsi que les populations spécifiques telles que les riverains des parcelles agricoles, les mères pendant la grossesse, et les enfants, souligne l’Itab

La population globale est aussi exposée aux résidus de PPP dans l’alimentation. Les résidus observés sont 100 fois inférieures à leurs équivalents conventionnels en fruits et légumes issu de l’agriculture bio.  

Les atouts de la consommation d'aliments biologiques par rapport aux aliments conventionnels sont également liés à des niveaux plus faibles de cadmium et de nitrates.  

Lire aussi : L’agriculture biologique réduit le nombre de pesticides dans le sang 

 

Un risque moindre d’antibiorésistance avec le bio 

Par moindre usage d’antibiotiques, l’agriculture biologique contribue moins au phénomène d'antibiorésistance, qui est un enjeu de santé publique croissant.  

La formulation des produits transformés bio pourrait également avoir un impact positif, par la limitation des additifs autorisés et par l’évitement de certains additifs problématiques, les produits bio ont des niveaux potentiellement plus élevés de composés phytochimiques et une composition en acides gras davantage favorables à la santé.  

 

Deux agricultures et des risques de maladie différents  

La synthèse de l’Itab établit que la consommation régulière d'aliments biologiques est associée à un risque réduit d'obésité, de diabète de type 2, de cancer du sein postménopause et de lymphome non-hodgkinien

Cette actualisation ne traite pas d’autres bénéfices de l’agriculture biologique établis dans l’étude de 2016, sur le bien-être animal ou la création d’emplois supérieurs en filière bio, souligne l’Itab. Par ailleurs, la mise à jour des chiffrages économiques des externalités doit se poursuivre, notamment dans le cadre d’un partenariat avec le méta programme bio d’Inrae

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