Agriculture bas carbone : adoptez les bonnes pratiques pour stocker du carbone !
L’apport de produits résiduaires organiques et la couverture végétale avec restitution de biomasse au sol constituent les moyens les plus efficaces de stocker du carbone. Mais d’autres leviers existent.
L’apport de produits résiduaires organiques et la couverture végétale avec restitution de biomasse au sol constituent les moyens les plus efficaces de stocker du carbone. Mais d’autres leviers existent.
Une quantité de 42 tonnes à l’hectare de carbone : « c’est ce que contient un sol sans cailloux sur 25 centimètres d’épaisseur quand il présente un taux de matière organique (MO) de 2 % », présente Thibaud Deschamps, ingénieur Arvalis spécialiste des sols.
Des cultures intermédiaires avec restitution de biomasse au sol
Accroître cette teneur en matière organique est le moyen le plus efficace d’augmenter le stockage de carbone dans le sol, notamment en y apportant de la biomasse via la restitution de matière sèche (MS) produite par les végétaux. « Avec les couverts végétaux d’interculture, plus il y a de MS produite et restituée au sol, plus il y a de stockage de carbone », explique Thibaud Deschamps.
À travers des méta-analyses d’expérimentations réalisées dans divers pays, des chercheurs Inrae ont calculé le stockage moyen de carbone généré par différentes pratiques agricoles. L’étude a fait l’objet de l'ouvrage "Stocker du carbone dans les sols français : quel potentiel et à quel coût ?", dans lequel les auteurs indiquent que « la séquestration de carbone par les cultures intermédiaires avec la biomasse restituée au sol peut être conséquente, avec une moyenne de 313 kg de carbone par hectare et par an (kgC/ha/an) en moyenne sur cinq ans de pratique. Mais cet apport de matière organique est très variable. Le stockage additionnel de carbone lié aux couverts d’interculture dépend principalement de la biomasse produite, peu de leur nature. »
Apport de carbone avec produits résiduaires organiques
Le carbone peut également provenir d’apports extérieurs avec l’épandage de produits résiduaires organiques (PRO) tels que les effluents d’élevage, les digestats de méthanisation, les boues… La quantité de carbone stocké varie selon le type de PRO et elle est inversement proportionnelle à sa valeur fertilisante. Ainsi, des fumiers ou des composts sont plus riches en carbone stable propice à son stockage que du lisier, mais plus pauvres en azote assimilable.
L’étude Inrae a quantifié ce stockage. Pour des apports de PRO de 10 à 40 t/ha de matière brute tous les deux à trois ans, le stockage additionnel moyen est le plus élevé pour les composts (+ 500 kgC/ha/an), devant les fumiers (+ 300 kgC/ha/an), les lisiers (+ 100 kgC/ha/an) et les boues d’épuration (moins de 100 kgC/ha/an).
L’option très efficace des prairies temporaires
L’étude Inrae met en avant l’atout des prairies temporaires (dont la luzerne), qui concernent surtout les situations de polyculture élevage. « La vitesse de stockage de carbone peut être élevée après l’implantation d’une prairie temporaire, suite à une phase de culture, et se maintenir à un niveau de 500 kgC/ha/an sur au moins une dizaine d’années, indiquent les chercheurs. Mais la destruction de la prairie avec un retour aux cultures engendre une perte rapide de carbone, de 20 à 30 % du stock de l’horizon 0-30 cm. »
La pratique des rotations prairie-culture constitue un levier majeur pour accroître le stockage du carbone des sols agricoles. « Mais la prairie temporaire doit rester en place au moins trois ans pour avoir un impact significatif sur le stockage de carbone », selon l’Inrae
Moins de CO2 émis avec les économies de carburant
Outre le stockage, l’agriculture bas carbone peut s’appuyer sur la réduction de l’émission des gaz à effet de serre. « La réduction du travail du sol, et donc de passages, est un levier efficace pour diminuer l’émission de CO2 liée à la consommation d’énergie fossile. On peut aussi jouer sur l’efficience des passages avec l’écoconduite ou l’autoguidage, explique Baptiste Soenen, Arvalis. Les installations de stockage et de séchage consomment aussi de l’énergie. »
Contrairement à certaines idées reçues, le non-labour à lui seul génère peu de stockage de carbone. « Il concerne l’horizon de surface (0-30 cm) avec un stockage additionnel de carbone limité (60 kg/ha/an), » selon l’étude Inrae.
Réduire ou optimiser sa fertilisation azotée
Lié au cycle de l’azote, le protoxyde d’azote (N2O) est un gaz à effet de serre puissant. « Tout ce qui contribue à améliorer l’efficience de l’azote compense les émissions de gaz à effet de serre, souligne Baptiste Soenen. Cela implique d’apporter de l’azote plus efficace en moindre quantité avec l’aide d’outils de pilotage et dans des conditions climatiques propices à l’assimilation. »
Introduire dans la rotation des cultures faiblement consommatrices permet de réduire les besoins azotés. C’est notamment le cas des légumineuses qui, en plus, apportent de l’azote aux cultures suivantes. « D’autre part, selon les formes d’engrais azotés, on aura plus ou moins de pertes d’azote dans l’environnement. L’ammonitrate ou des engrais avec inhibiteurs de nitrification limitent ces pertes par rapport à des urées ou des solutions azotées », ajoute l’expert d’Arvalis. Les conditions d’apports et l’enfouissement influencent également la volatilisation.
Mettez des arbres !
Le développement de l’agroforesterie intraparcellaire accroît les stocks de carbone du sol en grandes cultures, mais ce stockage est très limité les premières années. « Pour les systèmes sylvo-arables, le stockage moyen est estimé à 250 kgC/ha/an avec 182 arbres à l’hectare et un âge moyen de 16 ans », précise l’Inrae sur la base d’une méta-analyse. Quant aux haies, on ne peut faire la mesure que sur leur emprise : + 750 kgC/ha de haie par an, pour un âge moyen de 27 ans et une densité moyenne de 739 arbres/km.