Pomme : accélérer la sélection variétale, l'objectif d'un programme de recherche suisse
En Suisse, un programme de recherche vise à accélérer la sélection variétale pour proposer plus facilement et plus rapidement de nouvelles variétés de pommes résistantes aux maladies.
En Suisse, un programme de recherche vise à accélérer la sélection variétale pour proposer plus facilement et plus rapidement de nouvelles variétés de pommes résistantes aux maladies.
La sélection variétale des pommes est un processus chronophage qui prend environ vingt ans entre le croisement proprement dit et l’introduction de la variété. La méthode de la « voie rapide » ou « fast-track », a été mise au point au centre de recherche suisse Agroscope pour le croisement de la résistance au feu bactérien à partir de pommiers sauvages. Elle a pour but de raccourcir le cycle générationnel du pommier, c’est-à-dire l’intervalle entre un croisement et la floraison des descendants pour réaliser de nouveaux croisements, qui passe de quatre-six ans à environ deux ans et demi. Ce changement de pas de temps est rendu possible par une conduite ciblée des cultures en serre et un repos hivernal artificiel. « Le croisement avec des résistances connues des pommiers sauvages exige quelque cinq rétrocroisements avec des variétés de qualité pour éliminer les propriétés indésirables des pommes sauvages. En comptant quatre à six ans par génération en plein champ, la sélection classique prend 25 à 30 ans. La « voie rapide » permet de ramener la durée de 12 à 15 ans », indiquent les membres du programme de sélection variétale suisse AZZ, dans un article (1) paru dans Les fruits suisses, le magazine de l’interprofession du secteur fruitier suisse.
Au terme du processus pour les premières lignées
La sélection de pommiers avec la « voie rapide » a débuté en 2008 dans le cadre du projet suisse Zuefos (dont le nom complet se traduit en français par « Sélection de variétés fruitières rustiques vis-à-vis du feu bactérien »), un an après un épisode de feu bactérien catastrophique. « L’inspiration est venue d’une visite à l’institut de recherche et de sélection Plant and Food Research en Nouvelle-Zélande, où une méthode similaire était à l’essai dans des chambres climatisées pour anticiper la floraison des semis de pommier. Nous avons essayé de mettre au point une méthode moins énergivore en serre », évoque Giovanni Broggini, du groupe de sélection végétale moléculaire de l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), qui dirige le programme AZZ (« Apfelzukunft Dank Züchtung », soit « la pomme du futur grâce à la sélection »). Ce programme de sélection fruitière est réalisé en collaboration avec Agroscope et les programmes de sélection privés Poma Cuita et Lubera. « Comme nous avons commencé en 2008, nous arrivons au terme du processus avec les premières lignées », poursuit-il dans l’article paru dans Les fruits suisses. Il existe désormais plusieurs descendants de cinquième ou sixième génération dotés de résistances au feu bactérien issues de pommiers sauvages. D’autres lignées avec d’autres résistances sont en développement.
Des résistances combinées
« Dans de nombreux descendants, on combine désormais la résistance au feu bactérien avec des résistances aux maladies fongiques que sont l’oïdium et la tavelure. La prise en considération d’autres sources de résistance est possible à tout instant, assurent les chercheurs. Contre le feu bactérien, nous avons commencé par des résistances de Malus x robusta 5 et 'Evereste', puis nous avons ajouté des résistances issues de Malus fusca et Malus baccata. En ce moment, nous combinons les résistances robusta 5 et 'Evereste' ». Dans le cadre du projet AZZ, la sélection moléculaire pour la détection des gènes de résistance grâce à la sélection assistée par marqueurs (SAM) est complétée par la sélection génomique (voir encadré) pour les caractéristiques de qualité des fruits. Ces variétés résistantes avec une bonne qualité de fruit seront disponibles plus rapidement grâce à la sélection optimisée en « voie rapide ». Les différentes obtentions doivent encore faire l’objet d’observations à large échelle pour évaluer notamment les qualités des fruits et leur aptitude à la conservation.
La pourriture lenticellaire visée
Outre le feu bactérien, l’oïdium et la tavelure, le programme AZZ travaille aussi sur la résistance à la maladie des chutes de feuilles due à Marssonina coronaria, ou encore à la pourriture lenticellaire, provoquée par le champignon Neofabraea spp. Cette dernière est l’une des principales maladies de conservation en Europe occidentale et cause jusqu’à 30 % de perte en entrepôt principalement en culture biologique. Contrairement à la pourriture grise (Botrytis cinerea) et à la pourriture à Pénicillium (Penicillium expansum), qui nécessitent des fruits déjà endommagés pour l’infection, Neofabraea spp. infecte des pommes par ailleurs saines via des lenticelles intactes. La sensibilité à cette maladie varie considérablement parmi les variétés de pommes connues, mais aucun facteur de résistance génétique n’a encore été découvert. En inoculant artificiellement une grande variété de variétés et de nouvelles races, la différence de sensibilité doit être étudiée et la génétique sous-jacente rendue utilisable pour la sélection.
Valider la sélection génomique pour la pomme
Le projet AZZ utilise la sélection génomique afin de valider son intérêt dans la sélection variétale de pomme et permettre son application dans le programme de sélection d’Agroscope et dans les programmes privés Lubera et Poma Culta. La sélection génomique, utilisée en sélection animale, permet de prédire des propriétés déterminées par de nombreux gènes, comme la qualité fruitière. À cet effet, le matériel reproductif est caractérisé génétiquement, c’est-à-dire qu’il est intégralement génotypé sur une forte densité de marqueurs avec une description phénotypique aussi précise que possible. Les données génotypiques et phénotypiques recueillies servent à développer des modèles prédictifs qui permettent d’évaluer la valeur génétique des nouvelles obtentions d’après leurs données génétiques. Parmi les descendants résistants, seuls ceux qui présentent une qualité fruitière supérieure sont plantés. Cette présélection améliore l’efficacité du processus de sélection et les chances de mettre au point des variétés commercialisables.