Tomate : Les débuts du chauffage infrarouge en serre hors-sol
La possibilité d’autoconsommer l’électricité des installations de cogénération a conduit le CTIFL à tester les potentialités du chauffage infrarouge en culture de tomate hors-sol. La technologie n’en est qu’à ses débuts.
La possibilité d’autoconsommer l’électricité des installations de cogénération a conduit le CTIFL à tester les potentialités du chauffage infrarouge en culture de tomate hors-sol. La technologie n’en est qu’à ses débuts.
En 2019, des travaux d’expérimentation réalisés au centre CTIFL de Carquefou près de Nantes ont concerné l’étude des potentialités d’un chauffage infrarouge en culture de tomate hors sol sous serre (voir encadré). « Cette expérimentation s’inscrit dans l’après contrat cogénération, avec la possibilité pour les serristes d’autoconsommer l’électricité produite et d’avoir un mix énergétique gaz/électricité », mentionnent les auteurs d’un article récemment publié dans Infos-CTIFL. En effet, alors que le système de chauffage par cogénération concerne 50 % des surfaces de serre chauffée, les contrats de cogénération sont amenés à évoluer (voir encadré). Cette expérimentation a été menée en collaboration avec les sociétés Verelec Technologie et Eiffage Energie Systèmes.
Augmentation importante de température de fruit
L’étude a permis d’évaluer les impacts du chauffage infrarouge sur le climat, la température de fruit, les consommations énergétiques, le développement et la physiologie des plantes, les résultats agronomiques et la qualité de production. « La particularité du rayonnement infrarouge est de chauffer les masses rencontrées sur une portée de 7 à 9 mètres. L’effet radiation est donc très important », explique Serge Le Quillec du CTIFL. Le chauffage infrarouge a permis une augmentation très significative de la température de fruit. Ce type de chauffage entraîne, sur l’ensemble de la période chauffée, une augmentation de la température de fruit de 1,2°C (+ 6 %) également répartie entre le jour et la nuit. L’évolution de la température de fruit moyenne montre des augmentations plus importantes en hiver-printemps et plus faibles en été, alors que le chauffage infrarouge est moins sollicité. « Ces augmentations importantes de température de fruit caractérisent bien l’effet de radiation du chauffage infrarouge. Il serait en effet impossible d’obtenir de telles augmentations avec un chauffage classique dont l’effet est majoritairement basé sur de la convection », commente le spécialiste. Toutefois, cette augmentation de la température de fruit qui devait se traduire normalement par une augmentation de la force de puits du fruit (capacité à attirer des assimilas) n’a pas eu d’effet positif sur le rendement, sur le poids moyen et la qualité du fruit. « Nous avons constaté une chute de poids moyen des fruits ayant subi le chauffage infrarouge de la floraison à la récolte à partir de la semaine 16, ce qui correspond au début de récolte du sixième bouquet », précise-t-il.
Un mix énergétique gaz naturel et électricité
Un délai floraison-récolte plus court et un nombre fruit récolté plus important n’ont fait que compenser cette baisse de poids moyen. A l’instar de la température de fruit, il a également été constaté une augmentation de 1,1°C (+ 6 %) de la température de la solution racinaire. Cet effet collatéral du chauffage infrarouge n’a cependant pas entraîné un emballement en végétation de la plante. L’expérimentation a mis en évidence l’action très intéressante du chauffage en végétation Forcas sur l’activité de plante, ce qui amène à penser que la combinaison chauffage infrarouge et chauffage haute température par rail au sol n’est peut-être pas la combinaison gagnante. « Il y aura un véritable intérêt à tester la combinaison chauffage infrarouge et chauffage en végétation Forcas. En bref, rien ne sert de chauffer les fruits sans chauffer la tête des plantes », mentionne Serge Le Quillec.
En termes d’expérimentation, plusieurs autres pistes mériteraient d’être explorées notamment une baisse de la consigne de température ambiante puisque la plante et le fruit sont maintenus au chaud par la radiation. Il pourrait y avoir des économies d’énergie substantielles en testant des émetteurs à infrarouge proche ou moyen, rayonnements qui font partie du spectre solaire à la surface de la terre, en comparaison au rayonnement infrarouge long. A terme, il serait également envisageable d’étudier la combinaison chauffage infrarouge et serre en verre basse émissivité (Low-E) qui a l’avantage de réfléchir l’infrarouge long. Selon ces premiers résultats, le trajet du chauffage infrarouge devrait aussi être piloté par un logiciel spécifique pour éviter une surconsommation énergétique du système. En effet, sur la période d’utilisation du chauffage infrarouge, la contribution de l’électricité au chauffage atteint 52,8 %, ce qui est proche de l’objectif du mix énergétique basé sur 50 % de gaz naturel et 50 % d’électricité. En revanche, le bilan total sur la campagne fait apparaître une surconsommation énergétique de 16 % pour le chauffage infrarouge. « Comme nous le voyons, la technologie de chauffage infrarouge appliquée à la serre n’en est qu’à ses débuts », conclut l’étude du CTIFL.
En dehors du spectre solaire
Le chauffage infrarouge est une technologie issue de la recherche CNRS que Verelec Technologie développe dans une gamme de radiateurs utilisés pour le chauffage des bâtiments. Le rayonnement utilisé est en dehors du spectre solaire naturel mesuré à la surface de la Terre (de 250 à 2 500 nanomètres) puisque celui-ci concerne des longueurs d’onde entre 4 000 et 14 000 nanomètres.
Evolution vers l’autoconsommation de l’électricité
L’enquête CTIFL 2016 sur l’évolution du parc des serres chauffées en tomate et concombre faisait apparaître que 50 % des surfaces étaient équipées en cogénération. La cogénération s’avère un système efficient qui permet de produire à partir d’un moteur fonctionnant au gaz naturel à la fois de l’électricité via un alternateur et de l’eau chaude issue du refroidissement du moteur. Cette eau chaude alimente les réseaux de chauffage de la serre. Ce système, qui a connu un développement important ces dernières années, a permis aux serristes d’atteindre un meilleur équilibre économique en comparaison au système classique de chaudière alimentée au gaz naturel. Cependant, les contrats actuels de cogénération entre le fournisseur de gaz naturel et l’acheteur d’électricité sont amenés à évoluer avec à terme la possibilité d’autoconsommer l’électricité produite sur l’exploitation. A l’instar de l’éclairage photosynthétique, le chauffage infrarouge peut être une solution économiquement intéressante pour les serristes afin de valoriser l’électricité produite.