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Tomate - La segmentation monte en gamme

«Tous les goûts sont dans la nature », l'adage caractérise une différenciation horizontale où, à prix égal, certains consommateurs préfèrent acheter un type de produits et d'autres un autre type (en opposition à la différenciation verticale où tous les acheteurs achètent le même). C'est le cas du marché de la tomate. Mais aujourd'hui, outre les tomates classiques et grappes, les « autres tomates » qui incarnent la segmentation représentent 20 % des volumes et 30 % du chiffre d'affaires de la tomate française. Et les « tomates anciennes » séduisent près de la moitié des consommateurs. Toutefois, il serait simpliste d'associer segmentation et valorisation, tant le risque de perte d'indentification et de fiabilité est important. D'autant que la segmentation doit aussi prendre en compte une dimension organisationnelle et une coordination entre les acteurs de la filière indispensables pour prévenir des « imitations » et des risques de « cannibalisme » entre segments.

De gauche à droite, ronde, grappe, Marmande, Albenga, coeur de boeuf, la segmentation a le mérite d’enrayer la baisse de chiffre d’affaires et de rendre la tomate moins sensible à la guerre des prix
© Réussir F&L

Après la « tomate ronde uniform color » des années 1980, puis l'arrivée de la « tomate grappe » dans les années 1990, il existe désormais d'« autres tomates ». Différents types de tomates, variables par leur taille, leur forme et leur couleur font tous valoir leur typicité. Cette évolution qui témoigne de la dynamique du marché de premier légume consommé en Europe, trouve sa source dans la « biodiversité » de la tomate, remarquable par la profondeur et la largeur de gamme. Aussi, selon les données européennes portant sur la production 2008-2011 et des estimations 2012, l'Italie se place comme leader incontesté de la diversification en consacrant 70 % de sa production à des tomates autres que la ronde et la grappe. Dans ce pays, toutes les formes, toutes les couleurs, toutes les présentations et usages culinaires paraissent possibles. La France, plus modestement, consacrerait 32 % à ce segment, 10 % pour les Pays-Bas, 2 % pour la Belgique. Ces données montrent également que 25 % de la production marocaine est aujourd'hui concernée par ces « autres tomates ».Même ci celles-ci sont essentiellement composées de tomates cerises et cocktail, la stratégie marocaine passe par sa présence dans ce segment de marché.

« Des niches, pas un chenil »
De manière plus précise, le panel Kantar Worldpanel 2011 montre qu'en France la segmentation représente 20 % des quantités de tomates achetées et 30 % des sommes dépensées. Dans cet ensemble, la tomate cerise représente, en valeur, plus de 40 % des achats, suivie de la tomate allongée environ 20 %. La même source donne le profil des acheteurs par segment. Pour ce qui est des tomates cerise et cocktail, il s'agit d'une famille avec enfant de la région parisienne. Pour les côtelées, c'est un couple de seniors parisiens ou vivants dans le Sud-est. Les différences de formes et de couleurs des tomates sont des exemples de différenciation horizontale. C'est-à-dire que, vendu au même prix, certains consommateurs préfèrent acheter un produit alors que d'autres en choisissent un autre. Dans le cas d'une différenciation verticale, au même prix, tous les acheteurs préfèrent acheter uniquement une des deux variantes. La segmentation a ainsi permis, sur ce marché mature, d'apporter de la valeur ajoutée. « Offrir un produit unique à prix unique est source de manque à gagner. Plusieurs variantes d'un produit à des prix différents permettent à la fois de capter les consommateurs qui ne sont pas prêts à payer un prix demandé trop élevé et créent de la valeur auprès de consommateurs prêts à payer plus », mentionne Emmanuel Raynaud, Inra Agroparistech(1). Les tomates cerises en sont l'exemple. Elles sont un produit « vagabond » pour certains, « convivial » pour d'autres ou « amusant » pour les plus jeunes consommateurs. Les tomates cocktail en grappe, s'appuient sur un subtil mélange d'une assurance gustative et d'un design attrayant, facilement identifiable par les acheteurs. Les tomates anciennes, aujourd'hui en plein essor, constituent une offre qui répond à la recherche d'un produit fondant. « Chez les distributeurs, la segmentation conduit à l'application de techniques de marchandising amenant le chef de rayon à favoriser ces produits qui apportent chiffre d'affaires et marges au détriment des rondes ou des grappes, au tonnage bien plus conséquent, mais dont le prix au kilo pénalise le rayon », constate Jean Lacroix, dans une enquête sur les enjeux et défis de la tomate réalisée lors du Medfel 2012. Pourtant, l'acheteur d'un filet premier prix peut aussi « s'offrir » une barquette de tomates cerises bigarrées, quelques tomates grappe cocktail ou tomates anciennes. « Mais attention à ce que trop de niches ne créent pas un chenil », image l'analyste en ayant observé dans un supermarché parisien 17 références de tomate. Un constat qui va à l'encontre de nombreux distributeurs souhaitant rationaliser leur assortiment en réduisant le nombre de références et de marques par segment.
Avantage concurrentiel, au début pour celui qui la déployait, une partie de cette segmentation se banalise en confortant différentes origines, comme pour la tomate cerise ou en étant victime de sa réussite comme la tomate grappe. « Forts du succès initial de la tomate grappe, les sélectionneurs ont alors créé des variétés avec une plus longue conservation au détriment de la qualité gustative. La caractéristique tomate grappes a alors perdu de sa pertinence pour le consommateur comme indicateur de qualité gustative. A moins qu'il existe une relation stable entre aspect visuel et qualité gustative quel que soit l'offreur, l'aspect visuel du produit ne peut être considéré comme un indicateur fiable des caractères d'expérience comme la saveur ou la texture reconnues après l'achat au moment de la consommation », explique Emmanuel Raynaud.
Lire notre dossier complet sur Réussir Fruits & Légumes n° 322
 
(1)
La segmentation par la qualité dans les filières fruits et légumes. Espoir et contraintes autour de la signalisation de la qualité gustative de l'offre de tomates.
 

 

Rédaction Réussir

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