Salade : la lutte contre la fusariose à l’essai
Les premiers essais pour contrer la fusariose de la salade ont été conduits en 2016 et renouvelés en 2017. La solarisation tire nettement son épingle du jeu.
Les premiers essais pour contrer la fusariose de la salade ont été conduits en 2016 et renouvelés en 2017. La solarisation tire nettement son épingle du jeu.
La fusariose de la salade est due à un champignon vasculaire, Fusarium oxysporum f. sp lactucae, qui colonise les vaisseaux de la plante et bloque ainsi la croissance des salades (voir encadré et RFL avril 2017). Originaire du Japon, la fusariose de la salade est une maladie émergente diagnostiquée en Italie en 2002 (en Lombardie, Piemont et Emilie-Romagne), au Portugal en 2004, puis en Europe du Nord (Pays-Bas, Belgique) en 2013. Les premières détections ont été faites en France en 2015 dans les Alpes-Maritimes, et la maladie s’est très vite propagée avec 16 cas recensés dans différentes régions en 2016. Les cas ont été observés en Corse, en Paca, en Occitanie, en Auvergne-Rhône-Alpes, en Bourgogne-Franche-Comté et en Ile-de-France. En 2017, différents échantillons analysés par le Ctifl de Lanxade confirment la présence de cette fusariose dans différentes zones de production française. Les symptômes peuvent être facilement confondus avec d’autres pathogènes en particulier les dégâts de Pythium. Alertées dès 2015 par l’observation des premiers cas dans les Alpes-Maritimes, l’Aprel et la chambre d’agriculture du département ont lancé dès 2016 des expérimentations. Trois essais ont donc été menés.
Echelle de note de 0 (absence de symptôme) à 5 (plante presque morte), utilisée pour l’appréciation du niveau de pression de la maladie dans les parcelles d’essai
Solarisation : des résultats intéressants
Une solarisation a été mise en place afin de permettre une désinfection des premiers centimètres du sol via une augmentation de la température sous la bâche. Au préalable, un travail du sol avait été réalisé puis le sol arrosé abondamment avant la couverture à l’aide d’un paillage plastique transparent. La solarisation a été laissée en place 38 jours (du 8 juillet au 15 août). L’effet a ensuite été évalué sur une culture de laitue sensible feuille de chêne rouge et une laitue beurre. Les résultats obtenus en 2016 sont encourageants puisque 95 % des variétés a été commercialisable. Après analyse, 3 % des plantes a présenté des symptômes de fusariose. « La solarisation semble avoir un effet bénéfique contre la fusariose. Les résultats 2017 devraient apporter de nouveaux éléments positifs sur cette méthode de protection », confie Corinne Pons, chambre d’agriculture des Alpes-Maritimes qui a conduit les premiers essais.
Moins affectées mais non commercialisables
Le second essai visait à évaluer l’efficacité de l’incorporation d’un charbon actif issu de la pyrolyse d’essence de bois dur. L’objectif était la réduction de l’inoculum sur des parcelles présentant des pressions assez fortes. Il met en évidence des différences significatives de mortalité des plantes entre les parcelles où le charbon actif a été incorporé et les parcelles témoin. Néanmoins, la pression de la maladie reste importante et les effets du charbon actif sur la pression d’inoculum sont loin de suffire à enrayer la maladie.
« La solarisation semble avoir un effet bénéfique contre la fusariose »
CORINNE PONS, chambre d’agriculture des Alpes-Maritimes
« Plusieurs effets potentiels étaient attendus : un effet fongistatique, avec réduction de l’inoculum par piégeage des chlamydospores ; un effet sur l’amélioration du sol à retenir l’eau ; et un effet sur l’amélioration de la biodisponibilité des nutriments pour la plante », a détaillé Benjamin Gard, ingénieur Ctifl/Aprel, lors des rencontres techniques phytosanitaires qui se sont déroulées sur le centre Ctifl de Balandran, dans le Gard. Le charbon actif a été incorporé à raison d’une tonne par hectare, une semaine avant plantation. Compte tenu du mode d’action du charbon (piégeage), il est possible que le délai entre l’incorporation et la mise en place de la culture (un jour) ait été trop court pour permettre une action suffisante. « Les deux prochaines années d’essai seront nécessaires pour confirmer les différences observées », précise Corinne Pons, dont les essais 2017 sont en cours.
Des variétés tolérantes identifiées
Dans un troisième essai, un screening de 22 variétés a été fait sur différentes typologies : batavia blonde, laitue beurre, feuille de chêne blonde et rouge, romaine. La parcelle d’essai a présenté une forte pression homogène sur toute la parcelle. Les variétés ont été plantées le 23 juin et récoltées le 26 juillet. Les résultats font émerger quatre variétés de batavia tolérantes sur les 12 testées, une variété de romaine tolérante, mais aucune tolérance identifiée dans les autres typologies (feuille de chêne, laitue beurre). Pour l’année 2017, les essais sont reconduits avec une seconde collection variétale prévue ainsi que des essais d’efficacité de différents biofongicides. Ils devaient être présentés lors d’un après-midi technique organisée par la chambre d’agriculture des Alpes-Maritimes début septembre. « Un partenariat a également été lancé avec l’université de Turin, l’Inra d’Avignon et Agroinnova », précise Corinne Pons.
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Un blocage marqué de la croissance
Les premières contaminations de la fusariose se font par pénétration des chlamydospores par des blessures naturelles au niveau des racines secondaires. Après contamination, les feuilles âgées jaunissent et flétrissent, puis c’est au tour des jeunes feuilles. On voit alors brunir les vaisseaux et le pivot devient rougeâtre. Quatre races ont été identifiées jusqu’ici : la race 1 est la plus fréquente en Italie et à travers le monde. En France, les premiers résultats tendent à montrer que la race présente est la 1, mais un besoin existe pour faire des analyses sur un nombre plus important de souches. Les races 2 et 3 sont présentes en Asie et la race 4 a récemment été découverte en Belgique et aux Pays-Bas. Le phénomène le plus marquant est le blocage marqué de la croissance du plant qui parfois s’apparente au phénomène de montaison. Plusieurs facteurs favorisent le développement de cette maladie : la température du sol, avec une température optimale autour de 28°C. Mais sa présence en Belgique et aux Pays-Bas prouve aussi que le champignon est capable de se développer dans des sols froids. L’âge du plant est également à prendre en compte, les plants infestés jeunes étant les plus sensibles. Les types de salade (laitue et mâche sont les plus touchées) ainsi que la variété sont également des facteurs de variation.
AVIS D’EXPERT : Elie Dunand, consultant
Etre dans un modèle de prévention du risque
Consultant dans la production et la filière maraîchère depuis de nombreuses années, Elie Dunand estime que la fusariose de la laitue est sûrement présente depuis au moins une quinzaine d’années dans certaines parcelles, peut-être depuis les années 2000. « Les symptômes de blocage de volume de plante, avec des salades ne dépassant pas le stade "rosette moyenne", constatés en période chaude et que l’on a attribués souvent par erreur au stress hydrique, pourraient être l’expression de la présence de fusariose. Celle-ci est une maladie qui se développe préférentiellement l’été, qui s’exprime sur des sols à défaut de drainage à l’occasion de fortes pluies ou d’irrigations cumulées dès fin juin sur les plantations de mi-mai et jusqu’à mi-août », précise le spécialiste.
Année après année, le technicien a vu apparaître et se renouveler ces symptômes « presque de manière héréditaire sur certaines parcelles alors que d’autres ne sont pas affectées ». Elie Dunand estime que la dégradation de la structure du sol est un facteur d’apparition et de développement plus rapide de la maladie, notamment en sol limoneux dont les structures sont plus fragiles. L’intensification des rotations est aussi un élément déterminant. « Dans les systèmes maraîchers actuels, les producteurs de salades reviennent au moins une fois par an avec cette culture sur une parcelle alors que les rotations préconisées dans le cas des fusarioses sont en général de cinq à dix ans », commente-t-il.
Le spécialiste mentionne également le matériel végétal. « La priorité a été donnée à l’acquisition de résistances contre le mildiou de la laitue, puis tout récemment, mais à plus petite échelle, à la bactériose. La fusariose commence à être prise en compte par les sélectionneurs avec l’ampleur que prend la maladie », précise-t-il en concluant : « Contre la fusariose, il faut être dans un modèle de prévention du risque en évitant les tassements de sol. L’objectif n°1 est de préserver la structure de sol par tous les moyens possibles : introduire des engrais verts à effet structurant, respecter un délai de rotation de culture de salade et limiter dans la mesure du possible tous les agents potentiels de contamination (eau, semences, plants, outils de travail du sol contaminés) ».