Salade : un nouvel outil pour raisonner la fertilisation
L’OAD Reveil est un nouvel outil pour raisonner les apports de phosphore et potasse en cultures maraîchères, notamment pour la laitue. Il permet de raisonner les apports, limiter les coûts et les atteintes à l’environnement sans affecter le rendement.
L’OAD Reveil est un nouvel outil pour raisonner les apports de phosphore et potasse en cultures maraîchères, notamment pour la laitue. Il permet de raisonner les apports, limiter les coûts et les atteintes à l’environnement sans affecter le rendement.
Le contexte d’augmentation des coûts d’intrants et d’épuisement des ressources naturelles incite à améliorer plus largement les pratiques de fertilisation des cultures. Si des démarches existent aujourd’hui pour mieux raisonner l’azote (PILazo, nitratest, bilan azoté), ce n’est pas le cas pour les autres éléments fertilisants apportés aux cultures maraîchères, notamment le phosphore (P) et le potassium (K). Le projet Reveil (1) mené par l’Aprel a permis d’élaborer un référentiel technique simple pour le raisonnement de la fertilisation de ces deux éléments pour la laitue et la tomate. Après quatre années de travaux, ce projet, achevé en 2022, a débouché sur l’utilisation possible d’un outil d’aide à la décision (OAD) pour le raisonnement des apports d’engrais P et K pour la laitue. Il est également disponible pour la tomate.
Définir des situations de confort et de déficit
La méthode élaborée tient compte de la teneur en P2O5 ou K2O du sol et de l’exigence des cultures. « Les sols maraîchers de la région Paca sont généralement bien fournis en phosphore et en potasse mais leur disponibilité est peu connue, ce qui conduit souvent à des fertilisations de confort », explique Claire Goillon, Aprel. En effet, pour ces éléments, les teneurs dans la solution du sol (extrait à l’eau) ne représentent qu’une faible partie de ce que la plante peut avoir à disposition. L’évaluation des réserves de P et K doit donc se baser sur les éléments extractibles (biodisponibles) analysés en laboratoire sur la base d’un échantillon de sol. Un recensement de 68 analyses disponibles dans le réseau Aprel a permis de constituer un état des lieux des teneurs de ces éléments dans les sols, sur la base des valeurs de P2O5 assimilable par la méthode Olsen et K2O échangeable. « Il existe une forte variabilité des teneurs dans les sols pour ces deux éléments. Et des valeurs seuils permettant de définir des situations de confort et des situations de déficit ont été définies sur la base de références californiennes, d’Arvalis et d’INRAE d’Avignon », explique la spécialiste. Trois niveaux de teneur ont ainsi été déterminés :
T Renforcé : teneur dans le sol en dessous de laquelle la fertilisation doit être supérieure aux exportations de la culture
T réduit : teneur dans le sol à partir de laquelle la fertilisation peut être réduite
T impasse : teneur dans le sol à partir de laquelle l’impasse de fertilisation est préconisée
La disponibilité du potassium étant très dépendante de la teneur du sol en argile, l’indicateur « CEC » (Capacité d’échange cationique) a été intégré à l’outil pour définir les valeurs seuils de K2O.
Calculer les apports en fonction du sol
L’OAD Reveil tient également compte des exigences des cultures. Selon les grilles du Comifer (2007), les cultures maraîchères sont considérées comme très exigeantes, c’est-à-dire qu’elles exportent des quantités importantes d’éléments minéraux via leurs fruits et les organes végétatifs. Ces exportations dépendent essentiellement de l’espèce et du rendement et se calculent pour chaque élément (E) avec la formule : Exportations E (u/ha) = Rendement (t/ha) x Teneur en E (u/t). Le rendement y est estimé par rapport à la culture et aux conditions de production, les teneurs de chaque élément dans les plantes sont issues de références bibliographiques. Pour la laitue, avec un poids moyen de 350 g/salade et une densité de 14 salades/m², le rendement moyen est estimé à 49 t/ha. Les teneurs en P2O5 et K2O sont respectivement de 0,7 et 3,65 unités/t de matière fraîche. « Les valeurs d’exportations estimées pour la laitue sont donc 35 unités de P2O5 et 179 unités de K2O par hectare. Elles permettront ensuite de calculer les apports à effectuer en fonction de chaque situation de sol », précise Claire Goillon.
Validation sur le terrain
Plusieurs essais ont été réalisés entre 2019 et 2021 par l’Aprel, INRAE et le Grab pour valider les grilles de l’OAD Reveil sur cultures de laitue (six essais) et tomate (trois essais). Dans chaque essai, plusieurs variétés ont été testées pour tenir compte de la variabilité génétique (voir encadré). En laitue, sur des sols bien pourvus (Aprel) ou pauvres en P (INRAE, Grab), la réduction des apports selon l’OAD ne montre pas d’effet sur la production par rapport à une fertilisation témoin. L’application de la grille de l’OAD n’a pas impacté le rendement, quelle que soit la variété. Le bilan de ces résultats montre que l’outil proposé donne satisfaction sur le court terme en laitue et tomate.
« Les essais ne permettent pas de valider l’outil sur le long terme pour l’instant, et il faut notamment être vigilant sur la pratique des impasses à répétition dans les sols déficitaires », commente la spécialiste. Néanmoins, selon elle, « l’outil Reveil vient compléter les démarches de raisonnement de la fertilisation azotée pour permettre aux producteurs d’agir sur la réduction de leurs intrants NPK et leur impact environnemental ». Les partenaires du projet envisagent de poursuivre ce travail avec une validation dans différentes conditions pédoclimatiques et un élargissement à d’autres cultures. Des essais supplémentaires en station permettraient aussi d’ajuster au mieux les seuils et les doses d’apports définis dans cette première version.
3 étapes pour utiliser de l’OAD Reveil
1) Faire une analyse de sol avant la culture, comprenant au minimum les mesures suivantes :
- P2O5 assimilable par la méthode Olsen
- K2O échangeable
- CEC (Capacité d’échange cationique) du sol
2) Positionner la valeur de P2O5 et K2O mesurée (en ppm) par rapport aux teneurs seuil (T) indiquées dans le tableau.
3) Se référer aux apports préconisés dans le tableau en fonction des exportations théoriques
Le phosphore par la racine
Dans le cadre des travaux d’INRAE sur le projet Reveil, une étude plus ciblée sur la réponse de la laitue au phosphore a été réalisée lors d’un travail de thèse. Celui-ci a permis d’identifier les traits racinaires associés à l’efficience du phosphore. « Il a été montré que l’adaptation au faible niveau de phosphore reposait sur la capacité de maintien du potentiel de croissance de racine pivot, caractéristique davantage trouvée dans les génotypes sauvages, en comparaison aux variétés modernes », mentionne François Lecompte, INRAE.