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Prix des pommes : « il faut encore 10 centimes au kilo pour apporter de la sérénité au verger »

Lors du lancement de la campagne pomme-poire, l’ANNP a estimé les besoins en chiffre d’affaires pour un verger de pommes et l’a mis en perspective du prix payé au producteur. Conclusion : il manque encore environ 10 centimes au kilo, constate l’ANPP.  Explications. 

Station de conditionnement de pommes du Limousin
L'ANPP a souhaité mesurer cette année les coûts de station pour les pommes destinées au marché du frais mais aussi pour celles réorientées vers la transformation.
© Claire Tillier

Le traditionnel lancement de la campagne de pommes et poires françaises fin août a été l’occasion d’analyser les coûts de production du verger. Deux nouveautés par rapport aux années précédentes : l’Association national Pomme Poire (ANPP) a souhaité cette année inclure à son analyse les coûts de station et a insisté sur le fait que les écarts de tri qui partaient à la transformation coûtaient aussi chers à produire que les pommes vendues sur le marché du frais.

Lire aussi : Comment la poire française peut redynamiser le rayon poire ?

Jusque-là, l’ANPP s’appuyait sur 3 composantes pour analyser ses coûts de production :  

  • L’amortissement « qui a beaucoup évolué depuis ces 4 ou 5 dernières années », estime Pierre Venteaux, directeur de l’ANPP ;
  • Les charges peu variables (phytos, fertilisants, carburant, matériel et travaux par tiers, les autres charges de gestion courante et la main-d'œuvre récurrente*) « dont la valeur moyenne est plutôt très représentative ». 
  • La main-d'œuvre de récolte qui, elle, varie vraiment en fonction de la charge en fruits. 

Cette année, les coûts de station (hors emballage) aussi bien pour le frais que pour le transformé, ont donc aussi été mesurés. 

« Aujourd’hui implanter un hectare de verger entièrement équipé (plants mais aussi paragrêle, irrigation, antigel, palissage… nécessaires pour faire face aux aléas et garantir un certain rendement) et l’entretenir pendant deux ans avant d’avoir une première récolte coûte déjà plus de 75 000 €/ha (75 310 €) », a rappelé le directeur de l'Association nationale Pomme Poire au début de son exposé. Ce montant avait été obtenu l’an dernier par l’ANPP par sondage et par recoupement et a été confirmé par la dernière étude (décembre 2023) des coûts de production de la chambre d’Agriculture du Tarn-et-Garonne. Pour donner une idée de l’évolution des coûts, Pierre Ventaux rappelle que dans son étude en 2018-2019, la chambre d’Agriculture du Tarn-et-Garonne estimait ces mêmes coûts à 58 000 €.

Le montant moyen d’amortissement plantation par hectare est calculé par l’ANPP à 2 615 €/ha. 

 

L’inflation sur certains coûts de production tend à se régulariser

Sur les charges peu variables, le directeur de l’ANPP décèle une bonne nouvelle : les pics de coûts de production subits depuis 2022 notamment sur les fertilisants et sur les carburants, « qui avaient pesé fortement », sont en train de se régulariser. « On est en régression d'une année sur l'autre », note Pierre Venteaux. L’effet guerre en Ukraine se tasse un peu : finie la folie des prix sur l’énergie par exemple. Les phytos continuent eux à augmenter par rapport à 2023. « Et surtout la main-d'œuvre augmente aussi de 5 % ! », insiste le directeur de l’ANPP. Au total, les charges « peu variables » s’élèvent à 17 278 €/ha en 2024.

Sur une exploitation qui produit 45 tonnes de pommes à l’hectare (moyenne nationale), la main-d’œuvre variable (éclaircissage et récolte) est calculée par l’ANPP pour 2024 à 6473 €. 

Conclusion : le chiffre d’affaires à l’hectare pour que le producteur puisse couvrir tous ces postes en 2024 est de 26 366 €/hectare pour 45 tonnes de pommes à l’hectare (2 615 €/ha d’amortissement plantation + 17 278 €/ha pour les charges peu variables + 6 473 €/ha pour les charges opérationnelles variables). L’année dernière à la même date, ce chiffrage s’établissait à 26 253 €.

« La pomme destinée à la transformation coûte la même chose à produire ! »

Dans son exposé, Pierre Venteaux a aussi insisté sur le fait que les écarts de tri dont la destination sera finalement la transformation « coûtent la même chose à produire » que les pommes destinées à la vente en frais. 

« Si on pose la question à un arboriculteur de ce qu’il attend de ces pommes destinées à la transformation (écarts de tri), a-t-il développé, la réponse est que « cette pomme paye a minima tous les frais de main-d'œuvre, sinon je ne la cueille pas » surtout dans un contexte de tension sur la main-d'œuvre ».

« Le producteur s’attend donc à avoir 300 € nets la tonne pour ces pommes qu’il va cueillir et envoyer à la transformation », poursuit le directeur. Pour rappel, le coût de main-d’œuvre de cueillette à l’hectare est de 6 473 €, celui de la main-d’œuvre récurrente à 6 695 €/ha. Le montant de 300 € (292,62 € la tonne exactement) est obtenu par l’addition de ces deux coûts de main-d’œuvre divisés par 45 tonnes (rendement moyen à l’hectare). 

Concernant les frais de station, pour les écarts de tri sont estimés à 20 % sur 45 tonnes, soit 9 tonnes à 300 € la tonne. Le producteur doit donc obtenir 2 700 € de chiffre d'affaires pour ses pommes qui partiront à la transformation. Sur la partie destinée à la vente en frais, le producteur attend un chiffre d’affaires à 657 € la tonne (26 366 € - 2700 € (9 t transformation) = 23 666 € ÷ 36 t pour le frais = 657 €). 

D’après les observations de l’ANPP, les frais de station s’élèvent à 141 €/t pour les pommes destinées à la transformation et 348 €/t pour celles destinées au marché du frais. 

Le besoin de chiffre d’affaires moyen par tonne sur l’année s’élève donc, selon les calculs de l’ANPP, à 441 €/t pour les pommes pour la transformation (300 + 141) et à 1005 € (657 + 348) pour les pommes destinées au marché du frais. Pierre Venteaux cite deux éléments de repère en comparaison : le marché du libre « qui n’est pas forcément le mieux-disant pour la récolte 2023 sur l'industrie » (on était à 342 €) et l'indicateur nu départ station frais tenu par l’ANPP (930 €). 

 

10 centimes par kilo de pommes pour assurer la sérénité au verger

« Il manque donc encore 80 à 100 € par tonne pour trouver un point d’équilibre globalement sur la production », conclut Pierre Venteaux. « C’est-à-dire environ 10 centimes au kilo », traduit le président Daniel Sauvaitre. « Est-ce qu’il est illusoire d’aller chercher ses 80 à 100 €/tonne ? », interroge Pierre Venteaux devant un parterre constitué en partie d’acteurs de la distribution. 

En regardant le dernier observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM), le directeur de l’ANPP constate que le prix payé pour les pommes « est sur une phase relativement ascendante » et entre la moyenne des campagnes entre 2017 et 2022 (hors 2020) et le prix 2023-2024, le kilo de pommes a été payé à 0,14 € de plus. L’ANPP avait demandé que cet écart soit de 20 centimes. « Même si on n’y est pas, on constate que l’effort a été fait et c’est bien, souligne Pierre Venteaux. Néanmoins, dans le même temps, le prix du kilo de pommes au stade consommateur, toujours selon l’OFPM, a augmenté de 0,32 € ». Il y a donc peut-être encore des efforts à faire de la part de la distribution, résume en substance Pierre Venteaux. D’autant que si l’on regarde en parallèle aussi l’évolution l’indicateur de marge brute agrégée aval GMS de l’OFPM sur les mêmes périodes, il n’a augmenté que de 0,18 €. « Donc ça ne nous paraît pas tout à fait déconnecté de dire qu’il y a encore quelques centimes à aller chercher pour apporter de la sérénité aux vergers. Encore plus qu’en 2023, les pommes n’ont jamais coûté aussi cher à produire », conclut le directeur de l’ANPP. 

 

* Main-d’œuvre récurrente = toute la main-d'œuvre sauf la main-d'œuvre de récolte, variable. 

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