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Pédagogie
Pourquoi inscrire l’éducation à l’alimentation dans les programmes scolaires ?

Dans une table-ronde organisée par Medfel, les organisateurs du “Manifeste pour une éducation à l’alimentation pour tous et partout” ont expliqué les enjeux de l’éducation à l’alimentation, le bien-fondé de leur démarche, les soutiens dont ils disposent et (tout) ce qu’il reste à faire.

La transmission des savoirs intrafamiliaux s'est perdue. Aujourd'hui, le temps en famille n'est plus un temps de transmission de savoir, encore moins alimentaire et culinaire.
© Claire Tillier - FLD

« Et merde, la bouffe c’est la vie ! » Le journaliste Olivier Dauvers, connu pour son franc-parler, a dit tout au ce qu’on pense tous tout bas. « Et en ce sens, savoir comment manger est aussi important voire plus que de savoir que 1+1=2 ! » Apprendre à s’alimenter : aussi important que d’apprendre à lire et à écrire et à compter.

Le 24 mai, à l’occasion des Mardis de Medfel et de la présentation en visio des prévisions de récolte européenne des pêches nectarines, Medfel a ainsi proposé une table-ronde sur l’éducation à l’alimentation, avec Olivier Dauvers et Florence Dupraz, directrice de l’Open Agri Food.

Se battre pour une éducation à l’alimentation est tellement une évidence de nombreuses organisations en ont fait leur combat.

 

 

 

Pourquoi c’est du bon sens de vouloir remettre l’éducation alimentaire au cœur des préoccupations ?

Comme l’explique Olivier Dauvers, il convient, primo, de prendre acte de la déconnexion entre la société et son agriculture. Comment retricoter ce lien ?

Deuxio, sociologiquement, la transmission des savoirs intrafamiliaux s’est perdue. Choisir, cuisiner, savourer… « Les prises alimentaires ont changé, le repas se prend de plus en plus devant le frigo, debout à l’américaine. La famille n’est plus ce temps à l’éducation. Les repas à table, c’est à la cantine qu’ils se passent », regrette Florence Dupraz.

Tertio, le lien avéré entre alimentation et santé. C’est donc aussi une question de santé publique et de son coût. « Les dépenses de santé liées à une mauvaise alimentation sont estimée à une vingtaine de milliards d’euros par an ! L’éducation à l’alimentation n’est donc pas un coût mais un investissement ! », revendique Olivier Dauvers.

 

Pourquoi maintenant ?

Le confinement et ses restrictions ont accéléré ces tendances. « Lors de la fermeture des restaurants, on a vu des jeunes qui ne savent pas s’alimenter autrement qu’avec des fast-foods faire la queue devant les Crous ! Car ils ne savent même pas qu’avec une pomme de terre et une carotte on peut se nourrir ! C’est un exemple, ce n’est pas une généralité, mais c’est une réalité et une dynamique négative », témoigne, alarmée, Florence Dupraz.

 

Pourquoi dans les programmes scolaires ?

Parmi les projets, un Manifeste pour une éducation à l’alimentation pour tous et partout, a été présenté le 3 mars dernier au salon international de l’Agriculture. A l’initiative de ce projet : Olivier Dauvers, fondateur du think tank Agroalimentaire – Les Echos ; Open Agri Food ; l’association du frais alimentaire Acofal (Interfel, CNIPT, Interbev et France Filière Pêche) ; et l’association Euro-Toques. L’objectif de ce projet est de (re)mettre l’alimentation au cœur des programme scolaires, de la maternelle à la terminale, afin de rappeler dès le plus jeune âge l’importance de bien manger.

Si bien des initiatives ont été mises en place, à droite, à gauche, par des enseignants impliqués, par la Semaine du Goût…, elles ne sont pas généralisées partout, et pas tous les enfants et adolescents y ont donc accès. Rien de tel, donc, que des programmes scolaires pour graver dans le marbre cette obligation.

« Les cantines scolaires, qui ferment à 14h, pourraient être des lieux à l’éducation, pour autant que l’on arrive à faire travailler ensemble les professeurs et l’éducation nationale, la RHD et les collectivités territoriales, estime Florence Dupraz. Déjà, commençons par utiliser l’heure du déjeuner pour apprendre à goûter, pour développer une palette des goûts et accéder à la diversité. »

 

La cantine est désormais parfois le seul moment où le repas est pris assis, à table, et donc un lieu à privilégier pour l'éducation à l'alimentation. (c) Julia Commandeur - FLD

 

Cultiver, cuisiner, goûter, choisir : un parcours éducatif en quatre piliers

Savoir réaliser les principaux plats et recettes de base de notre alimentation pour être ensuite en capacité de se débrouiller par soi-même avec des produits frais. Quelques sauces, une vinaigrette, une béchamel… Et apprendre à décoder les informations sur les emballages (liste d’ingrédients, pouvoirs sucrants, origine des ingrédients, impacts sur le produit fini…). Le rêve et l’ambition des rédacteurs et signataires du manifeste.

Les programmes scolaires ne sont malheureusement pas extensibles. L’alimentation est en compétition avec d’autres sujets d’importance comme le développement durable, l’éducation sexuelle, les activités physiques et artistiques… qui s’ajoutent aux bases que sont le français, les mathématiques, l’Histoire-géo… « On se donne une ambition d’une heure par semaine, en se concentrant sur les petites classes pour le côté ludique », explique Florence Dupraz. Quatre axes d’apprentissage sont revendiqués : cultiver, cuisiner, goûter. Et choisir !

« L’alimentation, ça s’apprend d’abord en cultivant, en faisant, en observant, pas dans les livres. On le voit très bien : les petits spots ne sont pas suffisants, Top Chef et autres émissions n’ont jamais poussé les gens qui ne cuisinaient pas à s’y mettre », estime Florence Dupraz. Quant à savoir ses aliments, les variétés, l’origine, les produits selon les ingrédients et les labels… Olivier Dauvers estime : « Si on sait ce qu’on achète, on donne plus de sens à son achat. Eveiller les consciences des futurs acheteurs consommateurs permettra de soutenir nos agriculteurs français. C’est donc une convergence d’intérêt. » Et de donner l’exemple confusant du melon charentais, variété et non pas origine.

 

Quid du “calendrier” ?

Les rédacteurs co-signataires du Manifeste sont, comme précisé plus haut, Open Agri Food, le think tank Agroalimentaire les Echos, l’Acopole, Euro-Toques, mais aussi l’association Les Enfants Cuisinent. Depuis le 3 mars, le manifeste a recueilli plus d’un millier de signataires : entreprises, institutionnels, parents, entreprises… « Les enseignants nous suivent. Je pense que les collectivités ne sont pas réfractaires. Il y a un soutien politique malgré tour exprimé », explique Forence Dupraz. Et avec les parents d’élèves ? Selon le cabinet d’études Mon Avis Citoyen, 80 % des parents d’élèves sont convaincus du bien-fondé de l’éducation à l’alimentation et certains sont même prêts à payer (50 € en moyenne) pour cela.

Mais le travail de conviction n’est pas si rapide que cela. Les nouveaux ministres vont avoir de nombreux dossiers à travailler. L’idée des parties prenantes du Manifeste : travailler avec le Conseil supérieur des programmes pour un pilote sur un niveau et une zone géographique.

« L’éducation à l’alimentation, c’est un véritable enjeu et ça fonctionne. La Finlande et le Japon, qui ont inscrit l’éducation à l’alimentation dans les programmes scolaires, ont vu une baisse de 50 % de l’obésité infantile en cinq ans. Je pense que si on arrive à mettre en place un pilote, le reste viendra facilement. Il y a une vraie attente et une vraie prise de conscience », conclut Florence Dupraz.

La pétition est à retrouver et signer sur le site de l’Open Agro Food. Avec 150 000 signatures, le Manifeste « pourrait saisir le CESE ».

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