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Pomme : segmenter l’offre par des marques

Les variétés marketées ont pris place dans les rayons. Variétés clubs ou libres de droits, elles assurent une typicité de goût aux consommateurs. Devenues incontournables pour les producteurs, elles ne sont pour autant pas accessibles à tous.

Dans les allées de Fruit Logistica, à Berlin, les stands de pommes fleurissent depuis quelques années. Kanzi®, Caméo®, Evelina®, Yellow®… Leurs noms s’affichent en lettres capitales sur des fonds colorés : les variétés sont devenues des stars. La pomme générique s’efface derrière des marques. « La première a été, bien sûr, Pink Lady® dans les années 1990. Cette démarche a été une rupture dans le développement variétal, se rappelle Daniel Sauvaitre, président de l’Association nationale pomme poire (ANPP). Pink Lady® est LA référence ». La démarche, c’est celle de la création de club. L’objectif derrière, c’est la maîtrise de l’offre et de la demande pour garantir un prix rémunérateur au producteur. « Après plusieurs crises des prix sur des variétés libres de droits, l’idée était de ne pas retomber dans ce marasme avec de nouvelles variétés, en maîtrisant le marché », poursuit le professionnel. La démarche club, avec une offre planifiée et une forte publicité, permet de garantir un prix élevé, peu volatil, qui paye la publicité et le producteur. « Pink Lady® est une des composantes du succès du verger français, analyse Josselin Saint Raymond, directeur de l’ANPP. Elle a permis à des producteurs de conserver une rémunération quand sur d’autres variétés les marges étaient faibles, voire négatives ».

Des variétés à l’ampleur mondiale

Depuis, le nombre de variétés clubs s’est multiplié. « Une douzaine de clubs de variétés produites et vendues en France ont pignon sur rue », précise Vincent Guérin de l’ANPP. En quinze ans, la proportion de pommes clubs dans la totalité des volumes produits a été multipliée par cinq (voir graphique). « En 2002, il n’existait que Pink Lady® qui représentait 3 % des volumes. Aujourd’hui, les pommes clubs, c’est 16 % des volumes produits en France », complète le responsable des affaires économiques de l’ANPP. « La France a été précurseur dans ces initiatives clubs, ajoute le directeur de l’ANPP. Le résultat est une plus grande diversité variétale dans les vergers. C’est un atout ! Nous avons une meilleure résilience par rapport aux aléas du marché mondial ». Mais les clubs explosent aussi partout dans le monde. Ces nouvelles marques visent souvent un marché mondial et la production se fait a minima à l’échelle européenne. « Mais des clubs existent aussi à des échelles plus petites, comme Antarès® produite seulement dans le Val de Loire », nuance Sandrine Codarin du Ctifl.

Des réussites mais aussi des échecs

Tous les nouveaux clubs appliquent les deux éléments du succès de Pink Lady® : un démarquage par l’aspect et le goût, garanti par un cahier des charges, ainsi qu’un marketing poussé. « La qualité gustative est indispensable. Sans elle, le marketing ne peut pas tout », insiste Josselin Saint-Raymond. Et ces attributs correspondent à la demande gustative des consommateurs. Aujourd’hui, les clubs cherchent à mettre en avant d’autres éléments, en plus du goût. Pour certaines, c’est leur mode de production en agriculture biologique, comme pour Juliet® ou Choupette®. Pour d’autres, c’est leur résistance aux maladies, comme pour Swing® (voir page 56). D’autres encore ont choisi de cibler un groupe de consommateurs (voir page 55). « Mais ces éléments ne sont pas suffisants, nuance Nicolas Lambert. Les clefs du succès résident aussi dans la bonne réponse agronomique de la variété, son positionnement sur le marché et la réponse de celui-ci ». Ainsi, toutes les tentatives de clubs n’ont pas eu le succès de Pink Lady®. « Malgré le volontarisme énorme pour développer certains clubs, la rentabilité n’a pas été au rendez-vous au verger. Si les calibres produits ne correspondent pas au marché français ou si la variété n’est pas assez productive, le club peut péricliter », rappelle Daniel Sauvaitre. « A l’inverse, d’autres variétés libres et vendues en France uniquement, fonctionnent très bien, souligne Nicolas Lambert. Pour la variété Chantecler®, par exemple, l’offre se structure autour de régions de prédilection où la variété colle au marché français. Il n’y a donc pas de recettes toutes écrites ».

Les variétés se privatisent

Mais pour les organisations de producteurs, le choix est réduit. « Peu de variétés se développent hors club dorénavant, constate Sandrine Codarin. Pour renouveler son verger en accédant à des variétés avec des goûts modernes, de bonne tenue et parfois plus résistantes, l’entrée dans un club devient difficilement contournable ». La démarche reste risquée. Et les surfaces minimales de développement demandées par les obtenteurs, souvent à l’initiative des clubs, restreignent la démarche à de gros opérateurs. « Un metteur en marché de 50 000 tonnes de pommes est presque trop petit pour intéresser les obtenteurs porteurs de démarche club », regrette le directeur de Cooplim. Le système évolue vers de plus en plus d’intégration. Les premiers clubs se sont construits à l’initiative d’un obtenteur. Ils s’organisaient autour de plusieurs pépiniéristes, plusieurs OP et plusieurs distributeurs. Mais la tendance actuelle est à la gestion par des organisations de producteurs. La marque club devient alors propriété d’un metteur en marché qui peut proposer à ses clients un produit unique. « L’évolution la plus récente est l’objectif de distributeurs de créer leur propre club, ajoute l’ingénieure du Ctifl. Un distributeur aurait alors l’exclusivité d’une marque sur une courte durée. Ses magasins seront les seuls où cette marque de pomme pourra être achetée ».

Une quête permanente de variétés différentes

Pour contourner ce problème de droits de propriété tout en segmentant leur offre, des organisations de producteurs créent leurs propres marques de pommes avec des variétés libres de droits. La marque, comme pour la variété club, s’appuie sur un cahier des charges qui garantit une qualité gustative et un aspect (voir pages 52 et 54). « On pourrait penser que les étals vont être saturés de variétés mais on recherche toujours des variétés qui apportent un plus. Nous sommes dans une quête permanente de variétés pour séduire le consommateur. Une variété différente des autres », s’enthousiasme Daniel Sauvaitre. « L’avenir nous dira si la multiplication de ces variétés marketées créera de la confusion chez le consommateur ou si les variétés traditionnelles laisseront la place à ces nouvelles venues », avance prudemment Nicolas Lambert. Pour le président de l’ANPP, « la segmentation de l’offre par marque, label ou IGP est un des signes de performance de la pomiculture qui donne une vraie force à la production française ».

Une variété club est issue d’un partenariat d’acteurs privés

Une variété appelée « club » est issue d’une démarche privée. Généralement, un club est construit autour d’une variété dont il possède les droits de multiplication, de plantation et de commercialisation sur un territoire donné. Les protagonistes sont a minima un pépiniériste, des producteurs et un metteur en marché (soit une coopérative, soit un expéditeur privé). L’organisation entre ces acteurs est libre. Et donc, chaque club a son propre mode de fonctionnement. Le développement de la variété et sa mise en marché sont maîtrisés à travers ce collectif d’acteurs. La variété est identifiée par une marque. Derrière cette marque est construit un cahier des charges du produit fini, voire de l’itinéraire de production. Une démarche marketing appuie la promotion du produit.

 

AVIS D’EXPERT

Nicolas Lambert, Directeur de Cooplim

Nous devons vendre toutes les pommes même celles hors cahier des charges

« Le problème de toutes les variétés clubs, c’est l’écoulement des pommes qui ne répondent pas au cahier des charges de la marque. Bien sûr, l’objectif est de faire le maximum des volumes conformes. Mais, en fonction de la stratégie du club, le cahier des charges peut obliger le metteur en marché à écarter deux pommes sur cinq. Or, la coopérative doit vendre toutes les pommes. Mais comment valoriser des variétés qui n’ont parfois aucun nom sans leur marque associée ? Une autre des difficultés est de trouver des marchés pour tous les calibres. »

 

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