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« Plante et lumière  ont une relation complexe »

Les prochaines rencontres Lumière & Végétal se dérouleront à Carquefou (Loire-Atlantique) en novembre prochain. Entretien avec Soulaiman Sakr, enseignant-chercheur à Agrocampus Ouest qui interviendra sur le thème « le rouge lointain : une longueur d’onde à fort potentiel ».

La lumière est la principale source d’énergie de la plante, captée par la chlorophylle mais intervient aussi en tant que « signal » perçu par des photorécepteurs.  © RFL
La lumière est la principale source d’énergie de la plante, captée par la chlorophylle mais intervient aussi en tant que « signal » perçu par des photorécepteurs.
© RFL

La seconde édition des Rencontres Lumière & Végétal se déroulera le 24 novembre à Carquefou (Loire-Atlantique). Intitulée « Comment mettre en place un essai lumière avant d’investir ? », cette journée a pour objectif de donner les clefs de la technologie à tous les participants ainsi que de présenter les dernières avancées en la matière. Initiées par Red, Vegepolys Valley et le Cluster Lumière, les Rencontres Lumière & Végétal ont été créées pour permettre des temps d’échanges entre les secteurs de la technologie lumière et de la production végétale. Experts et utilisateurs témoigneront de leurs expériences et résultats à l’application de ces nouveaux systèmes au sein de leur culture, le CTIFL de Carquefou accueillera une visite des essais lumière artificielle et les technologies existantes seront présentées dans différents stands.

Entretien avec Soulaiman Sakr, enseignant-chercheur à Agrocampus Ouest qui interviendra sur le thème « le rouge lointain : une longueur d’onde à fort potentiel ».

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Comment la lumière agit-elle sur l’activité des plantes ?

Soulaiman Sakr : « La plante a besoin de la lumière mais les relations entre la plante et la lumière sont très complexes. Par son intensité, la lumière est la principale source d’énergie de la plante, captée par des pigments spécifiques (la chlorophylle et des caroténoïdes) et transformée en molécules organiques grâce au processus de la photosynthèse des feuilles sources. Par sa qualité, la lumière intervient en tant que « signal » perçu par des photorécepteurs hautement spécialisés (exemples photochrome, cryptochrome) qui interviennent dans la photomorphogénèse (contrôle du développement de la plante par la lumière). Par conséquent, la lumière interceptée par la plante sert à la photosynthèse et la photomorphogénèse. Les relations entre l’intensité lumineuse et la photosynthèse ne sont pas linéaires. Un excès de lumière est néfaste pour la plante car il peut conduire à l’inhibition de la photosynthèse (photo-inhibition), conduisant un arrêt de la production de la biomasse et parfois des symptômes de nécrose au niveau foliaire. Il en est de même pour sa composante qualité. L’exemple le plus connu est le rapport rouge clair et rouge lointain, considéré comme « les yeux de la plante ». Quand ce dernier est faible, cela signifie une forte compétition pour la lumière par des plantes voisines, ce qui va occasionner « une course vers la lumière » par un étiolement (allongement de la tige) de la plante. Il s’agit d’une des réponses de syndromes d’évitement d’ombre.

La lumière agit sur la plante par son intensité et sa qualité de manière complexe. Aussi lorsqu’on intervient sur l’apport de lumière, il faut prendre en considération les autres facteurs de production (eau, éléments fertilisants, température, CO2), qui ne doivent pas être limitants dans le système de production. »

Comment apporter de la lumière aux plantes et améliorer son efficience ?

Soulaiman Sakr : « Le développement de l’éclairage LED a apporté de très larges opportunités avec des systèmes économiquement performants. Les premiers apports de lumière LED se sont focalisés sur la lumière rouge et bleu qui intervient directement sur l’activité photosynthétique de la plante. Mais il a été montré qu’un apport de blanc rend le spectre lumineux plus performant. Ce qui démontre, une fois de plus, toute la complexité de la relation plante et lumière. Il en est de même pour le rouge lointain qui correspond aux longueurs d’onde au-delà de 700 nanomètres. Des résultats récents montrent que l’apport de rouge lointain augmente l’activité photosynthétique de la plante. Le rouge lointain qui a longtemps été décrié de par son rôle mentionné sur l’étiolement, agit aussi sur la photosynthèse en respectant le rapport entre le rouge clair et le rouge lointain. Il en est de même pour le vert, longtemps mis de côté car estimé comme inutile à la plante (les feuilles sont vertes car elles n’absorbent pas la couleur verte, contrairement au bleu et au rouge). La photobiologie est aussi un levier pour améliorer la qualité sanitaire du végétal. Dans ce cas, la lumière agit sur les bioagresseurs en bloquant la sporulation de certains champignons par exemple ou en activant les hormones de défense, les métabolites secondaires et les substances antioxydantes de la plante. Dans certains cas, un compromis entre effet positif sur la qualité sanitaire et effet négatif sur la croissance est à arbitrer. La lumière intervient aussi sur la qualité du produit (apparition de maladies, éléments nutritifs) et sur sa conservation post-récole. Il est donc nécessaire d’appréhender les besoins de la plante en temps réel pour apporter le bon spectre lumineux et la bonne intensité. La lumière peut alors s’intégrer dans une stratégie multifactorielle avec d’autres leviers. Ceci nécessite d’avoir une technologie capable de produire le spectre et l’intensité d’intérêt de façon dynamique et de disposer des outils permettant de caractériser la répartition de la lumière (intensité et qualité). »

Quelles sont les perspectives d’utilisation de la lumière ?

Soulaiman Sakr : « Améliorer l’efficience énergétique de l’éclairage LED est l’objectif principal de nombreux travaux de recherche qui prennent notamment en compte l’éclairement ciblé de la plante. La faible émission de chaleur des LED permet par exemple l’éclairage vertical LED intra-canopée alors que la modulation de la lumière permet un apport dynamique prenant en compte les besoins de la plante selon le développement de la plante. C’est par exemple le cas du projet Cascade qui vise à améliorer les performances de la plante en transformant et en adaptant la qualité de la lumière qu’elle reçoit. Dans le domaine horticole, le projet Irradiance (2018-2021) propose dans sa première étape, l’utilisation d’éclairages LED pour obtenir des jeunes plantes ramifiées, en moins de temps que les itinéraires classiques. Ce projet s’intègre dans le programme de l’Unité Mixte Technologique STRATège (récemment agréée) et mené au sein de l’équipe STRAGENE (STructure et RAmification pour différents Génotypes et ENvironnEments) de l’IRHS (Institut de Recherche en Horticulture et Semences). Mais la maîtrise des apports de lumière peut également permettre d’agir sur la synthèse des métabolites secondaires à haute valeur économique (par exemple plantes médicinales), moduler l’allocation du carbone au sein de la plante (qualité nutritionnelle) et également interagir avec des caractères génétiques sélectionnés dans de nouvelles variétés plus sensibles à la lumière avec une efficience photosynthétique importante ou une sensibilité à la lumière de leurs photorécepteurs. La modélisation de toutes ces interactions, qui manque aujourd’hui, pourrait permettre d’améliorer l’usage et l’efficience des apports de lumière. »

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