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Olive : comment l'Espagne est devenue un géant de l'oléiculture

L’olivier est une culture majeure en Espagne pour la production d’huile ou d’olive de table. Principalement localisée en Andalousie, l’oliveraie espagnole fait face à des défis majeurs, notamment l’adaptation au changement climatique.

L’Espagne est le plus grand producteur au monde d’huile d’olive et possède la plus grande oliveraie avec 24 % de la surface mondiale. La culture de l’olivier en terres ibériques, comme dans l’ensemble du bassin méditerranéen, remonte à l’Antiquité. L’héritage oléicole a pourtant subi un grand changement ces 50 dernières années, qui a bousculé cette culture jusqu’alors très traditionnelle. L’Andalousie, première région oléicole d’Espagne avec plus de 1,52 million d’hectares, soit 30 % de sa surface agricole utile totale, comporte deux principales zones de production : le triangle Jaen-Cordoue-Grenade, spécialisé dans la production d’huile ; et la région de Huelva-Séville, plus spécialisée dans l’olive de table. Dans cette grande province, l’oliveraie reste très majoritairement traditionnelle avec plus des deux tiers des surfaces avec des densités inférieures à 140 oliviers par hectare. Avec des densités comprises entre 150 et 400 arbres/ha, l’oliveraie qualifiée « d’intensive » est en progression. Apparue dans les années 1990, la production récente en mur fruitier reste encore très minoritaire.

Un nouvel essor depuis les années 1980

Dans les années 1970, les salaires des récolteurs ont été multipliés par 2,5 en cinq ans : de 200 pesetas par jour en 1970 à 550 pesetas par jour en 1975, mais le prix de l’huile n’a pas augmenté dans les mêmes proportions et est passé de 7 à 14 pesetas/kg. En conséquence, la superficie d’oliviers s’est effondrée de près de 10 % pendant cette décennie. Un plan de reconversion et de restructuration productive de l’oliveraie espagnole a été mis en place entre 1972 et 1979, suivi d’un autre plan de restructuration dans les années 1980, ce qui a permis de limiter cette déperdition. Mais ce sont surtout les aides européennes des années 1980 et l’avènement de l’irrigation qui ont relancé l’oléiculture espagnole.

En vingt ans, celle-ci a vu sa surface augmenter de plus de 25 %. Cet essor s’est ressenti également dans la production qui, sur cette même période, est passée de 400 000 tonnes à 1 400 000 tonnes ! Le développement de l’irrigation a largement contribué à la relance de la culture d’olive. 30 % des surfaces espagnoles sont aujourd’hui irriguées. Très variables d’une année sur l’autre, les rendements sont plus élevés dans les vergers irrigués que dans les vergers pluviaux avec une moyenne de 5 t en irrigué et 3 t en sec sur la période 1996-2018. À cela s’ajoute l’impact des températures diurnes qui ont fortement augmenté durant la période chaude.

Cordoue, épicentre de la recherche oléicole

La grande réussite de la mutation oléicole ibérique s’appuie en premier lieu sur la multiplication de l’olivier. C’est dans la ville de Cordoue, épicentre de la recherche et de l’expérimentation oléicole, que les techniques optimales de production de plants ont été développées dans les années 1980 par l’université de la ville et l’IFAPA (lnstituto de lnvestigacion y Formacion Agraria y Pesquera). Ces recherches ont été un atout majeur dans l’explosion des plantations avec une mise à disposition rapide de plants homogènes et à forte croissance. Le développement de l’oliveraie espagnole repose aussi sur la prise en compte de la gestion de la lumière et donc du volume du houppier en fonction de la densité.

La conduite en monotronc (maximum 15 500 m2/ha en sec et 18 000 m2/ha en irrigué) permet une meilleure optimisation de la surface foliaire que la conduite traditionnelle en multitroncs, en valorisant au mieux l’ensoleillement avec une densité adéquate. Les expérimentations passées ont montré que la superficie foliaire est supérieure avec 300 oliviers/ha en monotronc par rapport à 100 oliviers/ha constitués de trois troncs. Troisième pilier de l’oliveraie espagnole, le facteur eau et la gestion de l’irrigation dépendent de la densité de plantation et donc de la superficie. C’est en subissant des épisodes de sécheresse de plus en plus marqués et fréquents que l’irrigation a été préconisée sur une culture jusqu’alors cultivée en sec, doublant ainsi les rendements.

Vers un verger plus intensif

Autres facteurs annexes, la gestion des coûts de production. L’introduction de la mécanisation du verger a permis de réduire considérablement les coûts de récolte avec l’utilisation de vibreurs de troncs afin de raccourcir le temps de cueille. Du buggy aux machines autonomes, la récolte a fortement évolué et s’affranchit de la main-d’œuvre de plus en plus rare ces dernières années.

L’harmonisation réglementaire européenne de l’usage des produits phytosanitaires, les forts problèmes d’érosion de sols et la tendance à la baisse de la consommation nationale préoccupent les acteurs de la filière olive. Dans un pays où domine encore fortement une oléiculture restée trop traditionnelle, le travail en coopération peut être une des solutions pour améliorer un peu plus la rentabilité des exploitations oléicoles andalouses.

Avec une ambition clairement affichée d’améliorer la production tout en diminuant les coûts de production, l’Espagne tend à reconvertir son oliveraie traditionnelle vers un verger plus compétitif, intensif ou superintensif. Car, avec des prix d’huile d’olive (moyenne des trois dernières années) qui varient de 2,09 €/kg (huile d’olive lampante) à 2,65 €/kg (vierge extra) et 3,25 €/kg (bio), voire 4,28 €/kg (AOP bio de la subbética), la rentabilité de certains types de vergers est remise en cause, avec pour conséquence l’arrachage de milliers d’arbres pluricentenaires. Ainsi, la mutation de l’oliveraie espagnole passe également par une déperdition du patrimoine oléicole andalou, grande menace à l’heure de la préservation de la biodiversité.

Hélène Lasserre, directrice du pôle Conservation et Recherche de France Olive - Article adapté du Nouvel Olivier n° 130

La coopérative Oleostepa regroupe 7 000 oléiculteurs

La coopérative Oleoestepa est installée au cœur de l’Andalousie sur un secteur de 60 000 ha d’oliviers qui regroupe 19 moulins à huile ou « Almazarras ». 23 techniciens accompagnent les 7 000 oléiculteurs, tous en production intégrée. La dynamique mise en place sur cette microrégion de monoculture a permis la création de l’AOP Estepa en 2004, qui a largement amélioré le volume et la qualité de l’offre, dans un souci toujours plus croissant de préserver un environnement jusqu’alors peu pris en compte. 35 000 à 38 000 t d’huile d’olive d’Oleoestepa sont produites chaque année dont 80 % déclarées en AOP.

En chiffres

2,77 millions d’hectares d’oliviers, soit 24 % de la surface mondiale, la plus grande surface oléicole au monde.

1,487 million de tonnes d’huile d’olive produites en 2021-2022, soit 65 % de la production européenne, la plus grosse production d’huile d’olive au monde.

11,2 L d’huile d’olive par habitant et par an, soit la plus grosse consommation au monde devant la Grèce (11 L/habitant), le Portugal (6,9 L/habitant) et l’Italie (6,7 L/habitant).

426 000 t d’huile d’olive exportées, soit le premier exportateur mondial avec 37 % des volumes totaux échangés.

L’avènement de l’irrigation

L’oliveraie espagnole a toujours été cultivée traditionnellement en sec et se suffit d’une pluviométrie annuelle valorisée par une majorité de bons sols comme ceux d’Andalousie, rive droite du Guadalquivir, argileux et profonds, à fort pouvoir de rétention. Certes, de nombreux écrits historiques décrivent les effets des sécheresses passées, souvent associées aux famines ou aux flambées du prix de l’huile (cas en 1567-1568 en Catalogne). Comme l’olivier dispose de mécanismes d’adaptation qui le rendent tolérant à ces conditions extrêmes, son excellente réponse productive aux apports d’eau en a fait la grande culture irriguée surtout en Andalousie (rendement de 100 kg/arbre irrigué contre 60 kg/arbre en sec).

 

 

Réservoir de Giribaile, dans la province de Jaén. © DR

 

Ainsi, dès les années 1990, l’irrigation a été développée : tout d’abord avec la création de cuvettes aux pieds des arbres, puis avec le développement des équipements d’irrigation. Cette mise en eau d’une oliveraie andalouse très morcelée a obligé les oléiculteurs à se regrouper pour gérer des concessions d’eau récupérées en hiver dans de grands réservoirs. 25 ans plus tard, un tiers de l’oliveraie andalouse est irrigué (soit 650 000 ha) majoritairement en goutte-à-goutte.

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