Noix : comment gérer la nutrition pour optimiser la santé des noyers
Le groupe de producteurs Noix de demain (Lot) a lancé un programme d’expérimentation sur la nutrition de noyers en suivant les éléments nutritifs par des analyses de sève.
Le groupe de producteurs Noix de demain (Lot) a lancé un programme d’expérimentation sur la nutrition de noyers en suivant les éléments nutritifs par des analyses de sève.
« La moyenne de production de noix par hectare en France est de 2 t, quand elle peut atteindre 10 t/ha au Chili », débute Lydie Leymarie, ingénieure de recherche pour le groupe Noix de demain lors d’une conférence au RDV Tech & Bio de Montauban. Pour la nucicultrice, l’ennemi n°1, c’est la chute précoce. Pour trouver des éléments de réponse, un groupe de 28 producteurs de noix du Comité interprofessionnel des fruits à coques du Lot a développé depuis quatre ans un programme d’expérimentation sur la nutrition. « La nutrition seule ne peut pas résoudre tous les problèmes, mais plus on avancera dans la connaissance des besoins nutritifs de l’arbre, plus on aura des arbres à même de se défendre », continue l’animatrice du groupe. Depuis 2020, une dizaine de parcelles sont suivies par des analyses de sève. Elles reçoivent un programme de fertilisants, macroéléments et oligoéléments, établi à partir des besoins supposés des arbres. « Il est légèrement adapté à chacun, souligne-t-elle. Par exemple, en cas d’excès en potasse de certains sols, on fait l'impasse sur la potasse. » Trois rangs par parcelle ne reçoivent rien et servent de témoin.
Corriger les apports en cours de saison
« L’analyse de sève est comme une prise de sang chez les humains, compare Lydie Leymarie. Elle permet de faire un bilan à un instant T de 19 éléments présents dans l’arbre. Elle donne aussi le pH et la conductivité. » Les premières analyses de sève commencent dès que les premières feuilles se sont déployées. Deux analyses par mois sont faites jusqu’au grossissement du fruit puis une par mois. « Nous utilisons l’analyse de sève comme un outil de monitoring des vergers. Après chaque analyse, grâce aux références établies (voir encadré), on peut corriger les apports. » En cas de carence d’un élément, un apport est prévu dans les jours qui suivent. Il est foliaire si c’est un microélément. Il peut aussi se faire au sol si c’est un macroélément.
Des impasses sont faites sur les apports suivants si un élément est en excès. « L’autre solution en cas d’excès est de jouer sur les équilibres, explique l’ingénieure. Pour qu’un cation puisse jouer son rôle dans l’arbre il doit être en équilibre avec les autres cations. C’est le cas entre K (potassium), Ca (calcium), Mg (magnésium) et encore N (azote) et P (phosphore). » Ces rectifications des apports nutritifs en cours de saison permettent de contrer des déséquilibres qui n’étaient observés avant qu’une fois les effets visibles sur l’arbre. « Ces analyses nous ont aussi permis de constater que certaines variétés sont plus sensibles à certains éléments, c’est le cas de Chandler qui est sensible au magnésium ou Lara au rapport K/Ca. »
Bichonner son arbre sur plusieurs cycles
« Pour éviter la chute précoce des fruits, le travail de fond se fait en hiver et au débourrement », insiste Lydie Leymarie. Le noyer au débourrement a besoin d’une quantité importante de beaucoup d’éléments et de sucres en très peu de temps. « Pour les éléments qui se stockent, on peut jouer sur la mise en réserve de l’arbre en année n-1. Elle se vérifie par des analyses de rameaux pendant la période hivernale. Mais certains éléments comme le calcium ne se stockent pas, l’arbre a donc besoin d’importants apports de cet élément en début de saison. » Le groupe souhaite aller plus loin sur le sujet. « Nous aimerions travailler avec un physiologiste, lance Lydie Leymarie. Notamment sur la partie utilisation de la lumière par la plante. Contrairement à d’autres fruits comme la cerise, nous n’avons pas de référence de surface foliaire nécessaire par fruit. De plus, nous constatons que la nutrition a un impact sur le nombre de folioles et leur surface. Donc il serait intéressant de lier les deux sujets notamment pour établir des objectifs de nutrition. »
Un arbre en bonne santé en quatre points
1/Obtenir une photosynthèse totale : besoins en magnésium, fer, manganèse, azote sans excès et phosphore. Si la photosynthèse est incomplète, certains sucres se retrouvent dans la sève, ils favorisent le développement des pathogènes racinaires.
2/Obtenir une synthèse totale des protéines : besoins en magnésium, soufre, molybdène et bore. Si la protéosynthèse est incomplète, du nitrate et de l’ammonium restent dans la sève, ce qui favorise l’attaque des insectes suceurs.
3/Augmenter la synthèse des lipides : besoin d’un microbiome végétal très dynamique et agressif dans la rhizosphère. Le stockage de surplus d’énergie sous forme de lipide permet d’augmenter l’épaisseur de la cuticule, diminuant la sensibilité du végétal aux champignons de surface.
4/Augmenter la synthèse des métabolites secondaires : besoin de microorganismes adéquats dans la rhizosphère et sur les feuilles. Ces métabolites secondaires sont produits par la plante comme protection face aux attaques d’insectes et de maladies.
Evaluer l’efficacité des produits apportés
L’outil d’analyse de sève permet aussi au groupe de voir l’effet réel dans la plante des produits fertilisants apportés. « Avant et après chaque application d’un produit ou un mélange, on fait une analyse de sève sur les rangs traités et sur les rangs témoins, détaille Lydie Leymarie. Cela nous permet de vérifier que les éléments apportés sont bien entrés dans l’arbre en comparant la courbe des rangs traités et la courbe des rangs témoin. » Si l’élément apporté ne se retrouve pas dans la sève, le produit fertilisant est écarté.
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