L'oignon botte, une culture difficile à maîtriser
S’il est commun à l’étalage, l’oignon de consommation en frais, souvent commercialisé en botte, est pourtant une culture difficile à maîtriser.
S’il est commun à l’étalage, l’oignon de consommation en frais, souvent commercialisé en botte, est pourtant une culture difficile à maîtriser.
Culture emblématique des légumes bottes, de la fraîcheur et des ceintures vertes, l’oignon frais est souvent vendu avant sa bulbaison. Appelé « cébette » dans le sud de la France, il se consomme entièrement. Après formation du bulbe, l’oignon peut également être vendu frais en bottes ou en vrac sans les feuilles. Ces trois modes de commercialisation permettent ainsi un échelonnement des récoltes pour une même culture.
Graines, mottes, plants, bulbilles…
Le semis direct, la plantation de mottes ou de plants en racines nues et la plantation de bulbilles sont les trois principales méthodes de mise en place. Les cultures se font sous abri ou en plein champ pour les oignons frais botte, en plein champ pour l’oignon de conservation. « On peut planter sur paillage micro et macro-perforé pour les bulbilles et les mottes », précise une fiche technique réalisée par la Chambre d’agriculture des Bouches-du-Rhône (disponible sur www.aprel.fr). En semis direct, il est conseillé de réaliser le semis en ligne éclatée, les oignons sont plus homogènes et mieux formés qu’avec un semis en ligne simple. Mais l’utilisation de paillage est impossible et la maîtrise de l’enherbement est plus difficile. La plantation en motte est réalisée avec des mottes de 4 cm de côté avec environ trois bulbes par motte ou avec des bouchons de deux bulbes par bouchon. La durée d’élevage des plants est de 30 jours environ en été, 60 jours en hiver. La plantation de bulbilles présente l’avantage de permettre un développement plus rapide de la culture et une récolte plus précoce, elle facilite également le désherbage. La mise en place sur planche surélevée est recommandée pour le ressuyage et le réchauffement du sol.
Attaques de botrytis et maîtrise de l’enherbement
Les oignons blancs et les oignons rouges sont les deux principaux types d’oignon rencontrés en oignons frais botte (rarement les oignons jaunes). La fiche technique de la Chambre d’agriculture des Bouches-du-Rhône mentionne des exemples de variétés d’oignon frais (d’après les résultats des essais 2012 et 2013 du Groupe de recherche en agriculture biologique (Grab) et des observations réalisées en culture). Certaines variétés de « cébettes » ne forment pas de bulbe et présentent un fût droit. Ces variétés cultivées uniquement pour la production de « cébettes » sont appelées des oignons bunching (Allium fistulosum). Différents créneaux de semis ou de plantation permettent de produire toute l’année des oignons pour une récolte en bottes. Les semis directs de janvier à août permettent des récoltes de juillet à février, les plantations en motte sous abri de septembre à mars produisent de janvier à juin. Les plantations à racines nues d’octobre à avril couvrent la période d’avril à août. « Pour les récoltes de printemps en avril-mai issues de semis de fin d’automne début d’hiver, les oignons doivent avoir trois feuilles à l’entrée de l’hiver pour mieux résister au froid. Les risques de mildiou en fin d’hiver sont plus élevés », précise la fiche. Le forçage sous des bâches perforées ou des voiles non tissés est possible pour des semis précoces de fin d’hiver (février-mars). Il assure une levée régulière rapide et un gain de précocité mais avec le risque d’attaques de botrytis et de difficulté de maîtrise de l’enherbement. L’oignon est également sensible à la mouche de l’oignon. Le retrait de désherbants a aussi augmenté les problèmes d’enherbement. La protection de l’oignon frais est donc très (trop) aléatoires. « On ne sait pas quelles dérogations on va avoir. L’an dernier, un producteur a perdu 30 % de sa récolte à cause de premiers vols de mouches très précoces entraînant la présence de larves dès la fin mars », témoigne Valérie Ginoux, technicienne légumes à la Chambre d’agriculture de Haute-Garonne, dans une région très concurrencée par l’oignon d’Espagne.
Avis d’expert
Valérie Ginoux, Conseillère agricole référente Ecophyto/Maraîchage Chambre d’agriculture de Haute-Garonne.
Trois grosses problématiques : le désherbage, la mouche et le mildiou
La production d’oignon frais est devenue particulièrement compliquée depuis le rattachement de l’oignon de printemps au poireau dans le catalogue des usages. La réglementation concernant les usages des produits phytosanitaires a, de fait, été modifiée. Pourtant, toutes les molécules autorisées sur poireau ne le sont pas forcément sur oignon. Et même s’il y a autorisation, nous préconisons l’utilisation du produit seulement si la firme a validé cet usage sur oignon, ce qui n’est pas toujours le cas. Trois grosses problématiques sanitaires sont à résoudre : le désherbage, la protection contre la mouche et le mildiou. Le désherbage est très délicat car il n'y a quasiment plus de molécules disponibles. En 2017, hors dérogation, il n'y avait aucun produit homologué et dont l'usage a été validé par la firme. Les uniques solutions sont le paillage, le binage mécanique et le binage manuel sur le rang. Cette année, l’usage de Cent 7 a été validé par la firme (Dow AgroSciences). Son usage est donc acquis pour 2018. Nous sommes également en attente d’une autorisation du Prowl 400 par BASF. En 2017, nous disposions d’Ortiva et Acrobat M DG en dérogation pour lutter contre le mildiou. Contre la mouche, des dérogations 120 jours ont été accordées l'an dernier dont Benevia, utilisable du 30 janvier au 30 mai 2017, mais ce créneau s’est avéré trop limité par rapport aux vols de juin et début juillet.
Une spécialité francilienne
La région parisienne est la grande zone de production d’oignon blanc. Stéphane Rolland, technicien à la Chambre d’agriculture d’Ile de France, estime ses surfaces à 400 ha, avec une quinzaine d’entreprises spécialisées produisant 40 à 70 ha par an. La production francilienne s’étale d’avril à octobre. « Elle est réalisée essentiellement en plein champ à partir de deux périodes de semis. D’août à mi-octobre pour des récoltes d’avril à juin et de mars à mi-juin pour des récoltes de juin à octobre », précise le technicien. « C’est une culture délicate car une partie passe l’hiver au champ », mentionne-t-il. Mais le problème le plus important est la protection de la culture avec une règlementation qui a restreint les substances autorisées avec le rapprochement des usages de l’oignon frais au poireau. « Le mildiou peut entraîner des pertes importantes de production qui se soldent par des retournements de parcelles notamment en fin de culture », témoigne Stéphane Rolland. Culture coûteuse à la production mais néanmoins rémunératrice, la réussite de l’oignon blanc est devenue beaucoup plus aléatoire avec les écueils posés par le manque de solutions phytosanitaires. Les professionnels sont en attente avec beaucoup d’intérêt d’améliorations génétiques de variétés, notamment la tolérance au mildiou.