Légumes
Les producteurs de légumes face aux choix de la protection alternative
Le CTIFL s’est intéressé aux facteurs de choix des méthodes alternatives de protection par les producteurs de légumes, via une enquête en ligne.
Le CTIFL s’est intéressé aux facteurs de choix des méthodes alternatives de protection par les producteurs de légumes, via une enquête en ligne.
Qu’est-ce qui motive les producteurs de légumes à utiliser des méthodes alternatives de protection des cultures ? C’est ce que le CTIFL a cherché à déterminer en lançant en juillet 2021 une enquête en ligne. « L’objectif de cette enquête était d’appréhender les facteurs d’acceptation, de refus, d’échecs et de réussites des méthodes alternatives aux produits phytosanitaires », décrivait lors du Sival 2022 François Villeneuve, du CTIFL*. L’enquête se présentait sous forme d’un questionnaire à choix multiples, reprenant la logique du catalogue des usages. Pour chaque culture, les répondants devaient indiquer les bioagresseurs qu’ils estimaient maîtriser, les méthodes mises en place pour les gérer, les points forts et points faibles de ces méthodes, s’ils étaient prêts à utiliser de nouvelles méthodes, et quels freins voyaient-ils dans l’usage de ces nouvelles méthodes. Parallèlement, les mêmes types de questions étaient posés pour les bioagresseurs qu’ils n’arrivaient pas à maîtriser.
La liste de méthodes de protection proposée reprenait de manière à peu près exhaustive tout ce qui peut être mis en place contre les bioagresseurs sur une exploitation légumière, sous abri et en plein champ, ainsi que quelques méthodes prospectives. De plus, les répondants pouvaient ajouter d’autres techniques s’ils ne les retrouvaient pas dans la liste. « Nous avons eu 101 réponses, 58 en plein champ et 43 sous abri, précisait François Villeneuve. C’est à la fois intéressant et peu, car une réponse a vite un poids important sur l’ensemble. »
Des impasses dans la protection
Une majorité de producteurs se disent prêts à mettre en place de nouvelles techniques de protection contre les bioagresseurs, que ce soit en plein champ (71 %) ou sous abris (74 %). « Il y a une prise de conscience des producteurs par rapport aux attentes sociétales, interprétait François Villeneuve. Le recours au chimique à tous crins, c’est dans le rétroviseur. Mais ce chiffre montre aussi que les producteurs sont dans des impasses et qu’ils s’interrogent sur les leviers à mettre en place pour continuer à produire. »
Plusieurs enseignements se dégagent de l’enquête. Tout d’abord, celle-ci a permis d’identifier les principaux critères intervenant dans le choix d’une méthode alternative de protection : le niveau d’efficacité et de reproductibilité de l’efficacité de la solution ; son coût, qui ne doit pas être prohibitif ; le niveau de connaissances nécessaire pour la mettre en place, qui souligne le besoin de formation et d’information ; la lisibilité des disponibilités de la solution ; et enfin le temps nécessaire pour la mettre en œuvre, et ce qu’implique sa mise en place sur l’organisation de l’exploitation.
Les principales méthodes de protection donnant satisfaction sont, en plein champ, les produits de biocontrôle, les variétés résistantes, le désherbage mécanique, la prévision ou le suivi des risques, les infrastructures agroécologiques et la rotation/diversification des cultures. Sous abris, les méthodes donnant satisfaction sont d’abord l’utilisation d’auxiliaires, de produits de biocontrôle, le recours au hors-sol, les infrastructures agroécologiques, la prévision ou le suivi des risques.
Des besoins de formation exprimés
Sous abris ou en plein champ, les points forts les plus cités des méthodes alternatives donnant satisfaction sont la facilité de mise en œuvre, l’efficacité, le faible impact sur l’environnement et la disponibilité sur le marché. Quand les bioagresseurs sont non maîtrisés, les causes évoquées sont en premier lieu l’absence de moyen chimique efficace autorisé, l’efficacité trop faible des techniques employées, l’absence de méthodes alternatives, le manque de nombre d’applications autorisé… « Le choix des techniques alternatives se fait la plupart du temps dans une logique de substitution aux produits phytosanitaires classiques, et non dans une logique de reconception du système de production », notait François Villeneuve. Il y a aussi des problèmes de résistance au changement de pratiques, qui peuvent être liés à des mauvaises expériences.
« Quand un producteur teste un produit de biocontrôle et qu’il présente une inefficacité, il peut être réticent à tester d’autres produits de ce type », illustrait le spécialiste. Les réponses au questionnaire montrent aussi des besoins importants autour de l’information, de la formation et de l’accompagnement des producteurs pour les sécuriser dans les prises de risque. De plus, elles exposent l’existence d’impasses dans les techniques alternatives, qui ne permettent pas de gérer l’ensemble des problèmes majeurs des cultures. Certains producteurs se disent même prêts à aller dans l’inconnu, en adoptant certaines techniques qui n’ont pas encore montré leur efficacité en production, comme l’utilisation de l’ozone. François Villeneuve ciblait également le problème de la valorisation des légumes « basiques » : sans valeur ajoutée, difficile d’augmenter les coûts pour rester compétitif…
Les principaux bioagresseurs non maîtrisés
Sous abris, le groupe cicadelles, punaises et psylles est arrivé en tête des réponses sur les bioagresseurs les moins bien maîtrisés (18 % des réponses). Mais à travers ce groupe du catalogue des usages, les producteurs visaient essentiellement les punaises. En deuxième, étaient mentionnés les pucerons (18 %), puis les thrips (13 %), les acariens (11 %), le désherbage (9 %), les mouches (7 %)… « Ce sont des réponses à peu près logiques par rapport à ce qu’on pouvait s’attendre, on retrouve aussi ces priorités dans les usages orphelins », soulignait François Villeneuve. En plein champ, le désherbage est mentionné dans 38 % des réponses. On retrouve ensuite divers bioagresseurs : thrips (13 %), bactéries (8 %)…, qui reflètent les spécificités de chaque culture. En production de carotte, le désherbage et les nématodes sont arrivés en tête ; sur concombre, ce sont les virus et les punaises ; sur fraisier, les pucerons, thrips et punaises ; sur melon, le mildiou et les bactérioses ; sur tomate, les punaises et l’aculops…