Les auxiliaires s’installent dans les fraisiers
La protection biologique intégrée se généralise en culture de fraisier sous abri. Mais les stratégies d’introduction d’auxiliaires testées à l’Aprel ne suffisent pas encore à maîtriser les populations de pucerons.
La protection biologique intégrée se généralise en culture de fraisier sous abri. Mais les stratégies d’introduction d’auxiliaires testées à l’Aprel ne suffisent pas encore à maîtriser les populations de pucerons.
La Protection biologique intégrée (PBI) est la principale piste explorée en fraise pour diminuer les insecticides. L’introduction d’auxiliaires pour contrôler les principaux ravageurs du fraiser est maintenant largement utilisée en production de fraise sous abri hors-sol. « La PBI donne de bons résultats mais qui sont encore insuffisants face aux nombreux ravageurs à maîtriser », souligne Anthony Ginez de l’Aprel, en introduction de son exposé lors de la rencontre Ecophyto fraise, mi-novembre à Avignon. Le principal problème reste la maîtrise des pucerons. « On observe jusqu’à sept espèces de pucerons sur fraise, avec chacun des parasitoïdes spécifiques, ce qui complique la protection », analyse le chargé d’expérimentation. Dans le cadre du projet Dephy Expe fraise, la station d’expérimentation légumière des Bouches-du-Rhône, l’Aprel, teste depuis 2013 des stratégies de PBI contre les principaux ravageurs du fraisier, dont les pucerons. « Malgré un panel fourni d’auxiliaires disponibles, nous n’avons pas pu valider de stratégie PBI complète pour maîtriser ce ravageur dans nos conditions d’essai », note Anthony Ginez. Sur Gariguette, Clery et Ciflorette, la partie validée de la stratégie consiste en un insecticide en début de saison dès l’observation des pucerons. Puis, lors de leur réapparition, dix larves de chrysope par plante sont déposées au niveau des foyers. « Si nécessaire, nous réintroduisons une à deux larves par plant de façon généralisée », complète le technicien.
Les larves d’Aphidoletes ne complètent pas la stratégie
Les lâchers de larves de chrysopes restent délicats en culture hors-sol sur gouttières, car placées sur les pains, elles peuvent facilement tomber au sol. Elles ne peuvent alors pas rejoindre les cultures. « C’est pourquoi il est important de déposer les cosses de sarrasin dans lesquelles sont livrées les larves au plus près des plants », indique Anthony Ginez. Les larves ont une activité nocturne et se cachent dans la journée. Mais ne pas les voir ne signifie pas qu’elles ont disparu de la culture. « Ces prédateurs de toutes les espèces de pucerons sont efficaces. Mais souvent vers fin mai début juin, elles ne suffisent pas, explique le spécialiste de l’Aprel. Nous avons donc cherché des solutions complémentaires ». Le premier complément de stratégie consistait à introduire de façon hebdomadaire des larves d’Aphidoletes aphidimyza (un insecte proche des moustiques). Les lâchers étaient préventifs et ont débuté en avril. « Nous n’avons pas retrouvé de larves d’Aphidoletes dans les foyers de pucerons et ceux-ci se sont fortement développés, constate l’expérimentateur. Le conditionnement sous blister, des boîtes plastiques contenant de la vermiculite, collées sur une plaque cartonnée, ne semble pas adapté à la culture de la fraise. Les pupes ont besoin d’humidité pour se développer. Or nous pensons qu’avec ce conditionnement, elles se sont desséchées et les adultes n’ont pas pu émerger ».
Approfondir la piste des plantes relais
Autre échec : l’introduction de syrphes Sphaerophoria rueppellii. Ce nouvel auxiliaire commercialisé depuis 2016 a été lâché en préventif à partir de mai à trois fois la dose préventive recommandée. Mais les larves de syrphes n’ont pas été retrouvées et les populations de pucerons ont explosé. « Une autre piste explorée a été l’introduction de parasitoïdes spécifiques des pucerons présents dans la culture, associée à des plantes relais ». L’utilisation de ces auxiliaires nécessite l’identification des espèces de pucerons présents afin d’introduire les bonnes espèces de parasitoïdes. « Des mélanges existent mais le nombre de parasitoïdes par espèce est alors moindre. Si une seule des espèces est compatible avec le ou les pucerons présents dans la culture, le lâcher sera moins efficace qu’un lâcher spécifique », fait remarquer Anthony Ginez. En supplément de ces introductions de parasitoïdes, une céréale a été semée dans la serre comme plante relais. Infestée par des pucerons, elle hébergeait des prédateurs et parasitoïdes des pucerons qui étaient prélevés pour les mettre sur les foyers de pucerons dans les fraisiers. « Cette stratégie combinant parasitoïdes et plantes relais, n’a pas non plus été suffisamment efficace pour contrôler les pucerons », note le spécialiste. Mais l’équipe de la station d’expérimentation souhaite réitérer l’expérience avec les plantes relais. Une problématique à régler avec cette méthode est celle du traitement anti-puceron en début de culture qui tue les pucerons des plantes relais. « Mais cette méthode est peu coûteuse et demande peu d’entretien. L’objectif serait que le transfert des auxiliaires de la plante relais aux fraisiers se fasse naturellement. Dans les années à venir nous voulons les forcer à migrer en fauchant les céréales ».
Les thrips se maîtrisent
L’introduction d’acariens prédateurs des thrips a permis de gérer ce ravageur dans les essais de l’Aprel depuis 2013. La stratégie consiste à poser un sachet pour deux mètres linéaires de Neoseiulus cucumeris mi-février, puis à la même densité, des sachets d’Amblyseius swirskii en avril avec des températures diurnes entre 20°C et 22°C. En cas de fortes pressions, des Amblyseius swirskii et des Orius sont apportés en vrac sur les foyers, les points chauds et les entrées. Le coût de cette stratégie a été estimé à 0,26 €/m².
Une stratégie contre les acariens à affiner
Pour contrôler les populations d’acariens tétranyques, des acariens prédateurs, les Phytoseilus persimilis ont été introduits en deux à trois lâchers sur les attaques déclarées. « Les P. persimilis ont été très actifs mais leurs lâchers n’ont pas permis de maîtriser les populations d’acariens tétranyques », regrette Anthony Ginez, Aprel. Leur installation nécessite d’anticiper car ils ont besoin de deux à trois semaines avec 60 % d’hygrométrie minimum pour bien s’installer. En 2018, l’Aprel testera l’installation généralisée d’un autre acarien prédateur, le Neoseiulus californicus en février-mars avec un complément dans les foyers avec P. persimilis.
Avis de spécialiste
Sylvie Valbuzzi, ingénieure réseau Dephy ferme fraise hors sol
Le nombre d’intervention chimique dépend des années plus que de la stratégie
Au sein du réseau Dephy ferme fraise hors-sol, nous suivions douze producteurs en Dordogne et Lot-et-Garonne. Le cœur des stratégies de baisse des phytosanitaires est la substitution par des produits de biocontrôle et des auxiliaires. Sur les trois premières années, nous avons réussi à diminuer d’un quart les applications de produits phytosanitaires de synthèse. Mais nous rencontrons pas mal de difficultés récurrentes ou des enchaînements de problèmes. Par exemple, chez un des producteurs qui utilisait déjà la PBI avant d’entrer dans le réseau, la maîtrise des pucerons restait encore aléatoire. Nous avons aussi observé des attaques d’aleurodes devenues systématiques et certains lots de plants sont contaminés par les acariens Tarsonème. Malgré la diversification des auxiliaires introduits, notamment contre le puceron et l’augmentation du nombre de lâchers, le nombre d’IFT chimique n’a pas pu être réduit tous les ans par rapport à l’année 2013, l’année de référence. Le nombre d’intervention dépend des années et de la qualité sanitaire des plants, beaucoup plus que de la stratégie mise en place. Nous avons aussi constaté que la qualité des auxiliaires varie beaucoup d’un lot à l’autre, ce qui peut expliquer en partie l’échec de certains lâchers.
Pour en savoir plus : Protection Biologique intégrée du fraisier sous abri (Aprel, Grab)
Fraise Sud-ouest protection biologique intégrée (chambres d’agriculture de Lot-et-Garonne et de Dordogne, Invenio)