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Légumes de plein champ : pour désherber, le binage seul ne suffit pas

La Serail a testé pendant trois ans des itinéraires de désherbage alternatifs sur légumes de plein champ pour proposer des références technico-économiques aux maraîchers de Rhône-Alpes. Techniques d’épuisement du stock d’adventices, de binage pendant la culture et de gestion de l’interculture ont été combinées.

En légumes de plein champ, le binage avec ou sans doigts Kress est pratiquement la seule technique alternative utilisable en cours de culture. Mais seule, elle n’est pas assez efficace.
En légumes de plein champ, le binage avec ou sans doigts Kress est pratiquement la seule technique alternative utilisable en cours de culture. Mais seule, elle n’est pas assez efficace.
© Serail

Dans un contexte de diminution progressive des solutions de désherbage chimique disponibles, le nombre de solutions alternatives augmente. « Mais nous constatons que les producteurs disposent de très peu de références technico-économiques pour orienter leur choix selon le contexte rencontré sur leurs exploitations », explique Maxence Desmul de la Serail (Rhône-Alpes). Pour pallier ce manque, la station d’expérimentation a lancé un programme d’expérimentation sur trois ans croisant deux rotations de cultures, cinq itinéraires de désherbage et trois modes de gestion des intercultures. « Les deux rotations sont représentatives des assolements pratiqués en Auvergne-Rhône-Alpes », détaille le technicien. Le binage avec ou sans doigts Kress est pratiquement la seule technique alternative utilisable en cours de culture en maraîchage de plein champ. Mais seule, elle n’est pas assez efficace.

L’objectif était donc d’évaluer plusieurs grands types de techniques alternatives de gestion des adventices, en anticipation et en cours de culture. Solarisation, occultation et faux semis ont été positionnés avant la mise en culture, précédant des binages et buttages en cours de culture. L’efficacité de ces modalités a pu être comparée à celle du binage seul ou du désherbage chimique + binage en cours de culture. « Aucun des itinéraires testés n’est aussi efficace que le désherbage chimique. Cette solution reste encore à ce jour la plus intéressante économiquement, constate l’expérimentateur. Toutes les stratégies alternatives sont plus chronophages soit dans leur mise en place, soit par le désherbage manuel nécessaire en rattrapage. »

 

 

La solarisation, probante sur des cultures d’automne

La solarisation a été testée avant les cultures de courges, de chou, de poireau, d’épinard. Son efficacité est plus probante sur des cultures d’automne, les conditions climatiques étant plus facilement réunies durant l’été pour son bon fonctionnement. « Combinée au binage, elle a été efficace sur culture de poireau dans les conditions de l’année, comparé à un binage seul sans anticipation, détaille-t-il. Il y avait 15 fois plus d’adventices sur la modalité binage seul. Sur épinard, je suis plus mitigé. Il y a eu des relevées d’adventices qui ont nécessité un passage de cultirateau par la suite. Elle a eu beaucoup moins d’efficacité sur les cultures implantées sur la fin de printemps, du deuxième assolement. »

L’application de la méthode est délicate, notamment du fait de la nécessité d’anticiper des conditions météorologiques favorables à sa mise en place. Elle présente aussi plusieurs contraintes. La première est la nécessité d’avoir recours à de la main-d’œuvre pour la pose et la dépose du film. Les adventices présentes dans les passe-pieds et les bourrelets de bâches doivent être gérés autrement, par un passage de bineuse d’allées par exemple. Le prix de la bâche de solarisation s’élève à 900 €/ha, elle n’est pas réutilisable. Le coût de pose et de dépose s’élève entre 1000 à 1 500 €/ha.

L'occultation, efficace mais chère

L’occultation a été testée uniquement sur un type d’assolement : carotte, courge, chou. « Le coût de la bâche et le temps de pose expliquent ce choix. A 6 500 €/ha, réutilisable trois ans, il n’est pas raisonnable de l’envisager sur des cultures produites à plus grande échelle comme c’était le cas pour l’assolement 2. » Cette technique a été efficace sur carotte et sur chou avec respectivement 4 fois et 5,5 fois moins d’adventices que sur la modalité avec bineuse seule dans les conditions annuelles de l’essai.

Avant la culture de courge, ses résultats sont plus mitigés. « Cette technique est moins dépendante du climat et donc peut avoir une efficacité même sans ensoleillement, souligne Maxence Desmul. Elle demande moins de technicité que la solarisation pour obtenir des résultats probants. » Son utilisation a tout de même nécessité un désherbage manuel tous les ans en rattrapage : 327 h/ha sur carotte, 148 h/ha sur courge et 95 h/ha sur chou.

La herse étrille pour détruire les faux semis

Pour le faux semis, l’objectif était surtout de déterminer le meilleur moyen de destruction des adventices. « La herse-étrille a donné de meilleurs résultats que le cultirateau, détaille l’ingénieur. Le cultirateau provoque une levée plus conséquente de nouvelles adventices du fait de son travail plus profond et son action rotative. Son utilisation consiste à trouver un compromis entre la profondeur de travail pour former une belle butte sans faire remonter trop de graines. » La herse étrille ne travaille que sur les trois premiers centimètres du sol et donc fait peu remonter de graines. « Mais son utilisation bouleverse la conformation de la planche, la butte n’est plus très lisse », décrit-il.

Un second projet sur les cultures semées

« Sur culture plantée, la combinaison de plusieurs solutions alternatives a permis finalement une relative maîtrise du salissement du rang, notamment grâce au binage avec des doigts Kress », note le spécialiste. Cet outil présente une meilleure efficacité sur des adventices pas trop développées : entre stade cotylédon et le stade 4 feuilles. Sur culture plantée, la différence de stade de développement entre la culture et les adventices rend plus facile l’utilisation de ce genre de matériel. Mais sur culture semée, la dynamique de croissance de la culture est quasiment identique à celle des adventices : il est alors difficile de passer les doigts sans endommager la culture. « C’est pourquoi nous avons imaginé un second projet sur des combinaisons de techniques de désherbage pour les cultures semées. »

 

Les engrais verts diminuent les stocks de graines

 
Après trois ans, un effet dépressif des engrais verts sur le stock grainier des adventices automnales est constaté. © Serail

Trois modes de gestion des parcelles en interculture ont aussi été mis en place dans cet essai : des engrais verts, des passages de déchaumeur, aucune intervention. « Après trois ans, on constate un effet dépressif des engrais verts sur le stock grainier des adventices automnales, constate Maxence Desmul. Les zones déchaumées sont aussi moins sales que celles ou aucune intervention n’a eu lieu. » Les engrais verts ont été semés au lendemain de la récolte, ou en mars pour les cultures récoltées après octobre. Ils ont été détruits un mois avant la mise en place des techniques d’anticipation. Ils étaient généralement composés d’un mélange de seigle et vesce semé à 100 kg/ha.

« Un bon mélange qui a fait ses preuves et dont le développement permet d’étouffer les adventices », indique le spécialiste. Positionné sur la période hivernale, cet engrais vert a permis de limiter les adventices germant à l’automne et florissant début du printemps : mouron, lamier, véronique, pâturin. Son effet a donc été notable surtout pour les cultures automnales. « Mais il n’a pas eu d’effets sur les adventices d’été, souligne le technicien. Dans la suite du projet, nous souhaitons élaborer une rotation permettant de positionner au moins une fois un engrais vert en été afin d’estimer son intérêt sur la gestion des adventices estivales. »

Le déchaumage est une pratique courante chez les maraîchers. Il se fait au covercrop (déchaumeur à disques) ou au vibroculteur selon le moment. Il a pour effet de déchausser ou de recouvrir les jeunes adventices pour empêcher leur développement. « Il nécessite de passer régulièrement dans ses parcelles pour observer les levées d’adventices et d’intervenir rapidement, détaille-t-il. Mais la technique n’est pas très chronophage et son intérêt est réel sur la diminution du stock de graines par rapport à l’absence d’interventions entre deux cultures. »

 

Le désherbage thermique en pré-levée

 
Le désherbage thermique a aussi été testé comme méthode de destruction des faux semis. « Cette technique a une très bonne efficacité sur dicotylédones mais pas du tout sur les monocotylédones », constate Maxence Desmul. Les feuilles des graminées sont brûlées mais pas l’apex qui est protégé par une gaine résistante au feu. Le brûlage des parties aériennes induit un renforcement du plateau racinaire, rendant la plante plus difficile à biner car mieux ancrée. Son utilisation pour détruire les faux semis sur des parcelles avec une forte pression de graminées provoque une élévation des temps de désherbage manuel. « Pour moi, l’intérêt du désherbage thermique se situe au stade post-semis/pré-levée. Il s’agit d’un moment où on ne peut pas utiliser d’outils mécaniques. Et contrairement aux autres méthodes, le désherbage thermique n’est pas dépendant de la météo ou de l’humidité du sol. Après le dernier faux semis, des levées sont réinduites par arrosage, puis on attend cinq jours avant semis. Dès qu’on constate l’émergence des adventices, on passe le désherbeur thermique. » Ce nouveau positionnement est inclus dans le nouveau projet.

 

 

 
Le désherbage thermique a une très bonne efficacité sur dicotylédones, mais pas du tout sur les graminées. © Serail

 

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