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Agriculture urbaine
« L'agriculture en ville est surtout une vitrine pédagogique »

Jérôme Kohn, directeur du Cervia Paris Ile-de-France, pose un regard sans concession sur le développement de l'agriculture dans les grands centres urbains.

FLD : On parle beaucoup ces temps-ci d'installer des potagers et des vergers dans les villes. Comment analysez-vous cela en regard de l'agriculture d'une région comme l'Ile-de-France ?

JÉRÔME KOHN : Ma philosophie est que pour nourrir les villes une bonne gestion des surfaces agricoles régionales est déterminante. Celle-ci suppose de préserver les terres agricoles et de les développer si cela est possible. Ainsi, on pourrait viser à convertir certaines terres, les friches industrielles par exemple, en zones de cultures hors-sol, mettant en œuvre l'hydroponie qui présente l'avantage de s'affranchir de la dépollution des sols. Enfin, dans la ville, l'agriculture a pour vocation essentielle d'être une vitrine pédagogique, permettant de recréer du lien avec le citoyen urbain qui, pendant plusieurs générations, a été dans un déni complet de la réalité agricole.

FLD : Quel est, à vos yeux, l'enjeu pour l'agriculture urbaine et périurbaine ?

J. K. : Du point de vue économique, l'important est de pouvoir sortir un produit de qualité, assurant un revenu au producteur et lui permettant d'amortir son outil de travail et donc d'investir. C'est un vrai process agricole à l'œuvre ici. Et trouver l'équilibre économique n'est pas possible partout, surtout dans les villes. De plus, certaines contingences, propres au milieu urbain, sont à prendre en considération : faire du miel sur les toits des villes, c'est bien mais qu'en est-il du risque sanitaire lié à la pollution des centres urbains ? Il ne faut pas se raconter n'importe quoi.

FLD : Est-ce à dire que les expériences menées aujourd'hui et les projets envisagés ne sont pas crédibles ?

J. K. : Je n'y suis pas opposé. Simplement, les éléments tangibles manquent. J'ai constaté l'expérience des Galeries Lafayette qui font pousser des fraises sur le toit de leur immeuble à Paris pour approvisionner leur magasin de détail alimentaire : mais il s'agit là d'un marché de niche. Un projet pionnier, en revanche, est celui mené sur Romainville (Seine-Saint-Denis) par Corinne Valls (cf. fld hebdo du 2 mars 2016). Son projet, qui marie la réalité de la ville et celle du maraîchage, est porté par une conviction et non un dogme politique. Ce qui rend ce projet particulièrement sain, c'est qu'il s'affranchit de toute propagande. Autrement, le seul créneau vraisemblable, ce serait un restaurant disposant de son potager sur le toit. A l'image de ce que fait Yannick Alleno avec son restaurant Maison de la Mutualité. Mais, en allant plus loin, qu'est-ce qui empêcherait un primeur de cultiver ses propres légumes ainsi pour les vendre ensuite dans son magasin ?

FLD : Quel serait le schéma alors à mettre en place ?

J. K : Mon credo est que le travail du producteur, c'est produire. Ensuite, il faut mettre à sa disposition les moyens pour assurer l'écoulement de son produit, dans un processus de mutualisation, vers le consommateur. Le Comptoir du carreau, à Rungis (cf. fld du 25 mai 2016) est un bon exemple. Certains producteurs ont su se regrouper, se structurer pour organiser leur offre. L'important est de garder un bon équilibre avec l'existant en termes de commerce. Et pour les projets évoqués ici et là, l'expérience des gestionnaires de marchés, qui savent trouver cet équilibre entre primeur et producteur, serait appréciable.

L'Ile-de-France fête ses produits locaux en septembre

Jusqu'au 25 septembre, les “Semaines du mangeons local”, organisées par le Cervia Paris Ile-de-France reviennent pour une quatrième édition. Primeurs, restaurateurs, boutiques à la ferme, cueillettes, distributeurs automatiques à la ferme, drives fermiers, sites marchands ou encore paniers fraîcheurs dans les gares SNCF : les Franciliens auront l'embarras du choix pour consommer des produits de la région. Les communes sont aussi parties prenantes à l'instar du marché de Réau (Seine-et-Marne) à l'occasion des Fêtes du patrimoine (17 et 18 septembre) ou l'opération “De la cagette à l'assiette” à Paris aux mêmes dates. En 2015, l'événement avait rassemblé plus de 200 points de vente, 200 restaurants et une douzaine d'événements.

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