MARAÎCHAGE
La punaise aux deux visages
Nesidiocoris tenuis, utilisé comme auxiliaire en culture de tomates sous serre, se révèle être un redoutable ravageur quand ses proies font défaut.
Nesidiocoris tenuis, utilisé comme auxiliaire en culture de tomates sous serre, se révèle être un redoutable ravageur quand ses proies font défaut.
Un nombre important de punaises de la famille des Miridés jouent un rôle dans l’agriculture. Un rôle parfois profitable, parfois nuisible, et parfois les deux à la fois, comme Nesidiocoris tenuis. N. tenuis est considéré comme un auxiliaire important contre différents ravageurs comme les aleurodes et Tuta absoluta en culture de tomate dans le bassin méditerranéen. Il est très utilisé dans le sud de l’Espagne contre les aleurodes Trialeurodes vaporariorum et Bemisia tabaci, alors que dans le reste de l’Europe, Macrolophus pygmaeus remplit ce rôle. En France, N. tenuis est connu depuis 1986 sous le nom Cyrtopeltis tenuis mais en tant que ravageur.
L’intensité des dégâts liée au nombre d’individus par plante
Découvert pour la première fois en basse vallée du Rhône, sa présence se généralise depuis 1988, d’abord en Provence et dans le Var, puis en Languedoc-Roussillon et dans le Sud-ouest, surtout sur les cultures de tomate. En l’absence de proies, il s’attaque aux végétaux. Il cause des dégâts considérables par l’injection de sa salive toxique lorsqu’il se nourrit sur les plantes.
Sur tomate, cela provoque la déformation de l’apex, la chute des fleurs (suite aux piqûres dans le pétiole) et des anneaux caractéristiques sur la tige. N. tenuis est connu pour être nuisible à plusieurs cultures comme le sésame, le tabac et plusieurs curcubitacées. L’intensité des dégâts est liée au nombre d’individus par plante. L’accroissement des populations de N. tenuis en France depuis la fin des années 1980 pourrait être dû à l’augmentation de la température moyenne, qui rend des territoires, jusque-là pratiquement exempts, plus adaptés à son développement. Mais son introduction volontaire dans les serres en tant qu’auxiliaire pourrait également être en cause. C’est à partir de 2009 qu’il est proposé aux serristes français pour maîtriser les aleurodes et Tuta absoluta. C’est aussi à ce moment qu’il est appelé Nesidiocoris tenuis et non plus Cyrtopeltis tenuis, ce nom étant trop associé à son action de ravageur. L’extension géographique de N. tenuis ne se limite pas au pourtour méditerranéen. En 2007 des populations établies ont été trouvé en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas et en Finlande. N. tenuis est également soupçonné d’être vecteur d’au moins un phytoplasme, Phytoplasma asteri, responsable de la jaunisse de l’aster (Aster yellows). Ce pathogène affecte plus de 350 espèces de végétaux dont la laitue. Les symptômes sont assez divers : nécroses marginales du limbe, chloroses diverses, dépôts de latex, perturbation de la croissance. En 2012 des nécroses apicales inhabituelles ont été observées sur salade sous abri, d’abord dans la région Paca puis dans le Roussillon. Sur les salades atteintes, la présence de N. tenuis a été confirmée. Ces dégâts se sont étendus les années suivantes avec parfois 10 à 20 % de laitues invendables. Une régulation biologique de N. tenuis est pour le moment impossible, faute de données. Sur le plan de la régulation chimique, plusieurs auteurs citent des produits testés contre d’autres mirides (Lygus sp, M. pygmaeus) comme potentiellement efficaces. D’autres substances actives sont également testés dans le Roussillon (voir ci-dessus).
Des produits à l'essai contre N.tenuis
La Sica Centrex, centre expérimental des fruits et légumes du Roussillon, a lancé en 2012 des essais en conditions contrôlées pour identifier des produits phytosanitaires potentiellement efficaces contre N. tenuis. Aucun insecticide n’est homologué pour cet usage pour l’instant mais certains antipucerons ont des effets secondaires importants, par exemple l’Actara (thiametoxam) à 0,2 kg/ha (60 % d’efficacité à sept jours) ou encore le Supreme (acetamipride) à 0,25 kg/ha (56 à 65 % d’efficacité à sept jours). L’Oikos (azadirachtine) n’a pas montré d’efficacité contre N. tenuis. D’autres essais ont été réalisés avec des solutions de biocontrôle comme le pyrèthre ou le spinosad. Utilisées séparément, ces deux substances n’ont pas montré d’effet contre N. tenuis. Mais appliquées ensemble, elles ont montré une bonne efficacité de 70 à 80 % à sept jours.