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Laitue : que faut-il savoir sur la fusariose ?

Deux races de champignon pathogène responsables de la fusariose de la salade sont présentes sur le territoire métropolitain. Le projet Actifol propose de mieux connaître ce pathogène pour espérer mieux lutter contre, alors que la pression exercée par cette maladie tellurique est de plus en plus forte.

La forme vasculaire de la fusariose de la salade induit des retards de croissance et des jaunissements.
La forme vasculaire de la fusariose de la salade induit des retards de croissance et des jaunissements.
© Réussir Fruits&Légumes

Les fusarioses sont des maladies fongiques courantes des végétaux. Elles sont causées par certains champignons décomposeurs présents dans le sol du genre Fusarium. Ces maladies se développent ces dernières années de plus en plus en culture de salade, avec un impact économique important. L’espèce Fusarium oxysporum comprend des formes pathogènes et non pathogènes. Sous la forme pathogène du sol, elle est omniprésente et capable d'infecter plus de 150 espèces végétales, avec des souches hautement spécifiques à leur hôte.

Une forme dite « spéciale » est capable d'infecter un ou plusieurs hôtes spécifiques et peut être subdivisée en races selon leur virulence. « Dans le cas des laitues, c’est une forme vasculaire de la maladie qui induit des retards de croissance, des jaunissements et, dans les cas les plus graves, la mort des plantes. Les F. oxysporum sont des pathogènes de conditions plutôt chaudes, avec un optimum de croissance compris entre 25 et 28 °C. Leur croissance décroît pour des températures supérieures à 32 °C et inférieures à 17 °C », mentionne un article paru dans Infos CTIFL de juillet-août 2022. Les F. oxysporum dépendent de leurs hôtes pour subvenir à leurs besoins en nutriments. En présence d'un hôte, le cycle d'infection peut commencer : les spores fongiques germent et s'allongent vers les racines de la plante hôte en réponse à des signaux spécifiques de la plante.

Des variétés résistantes à double tranchant

La pénétration dans les racines se produit par les ouvertures naturelles aux jonctions intercellulaires ou par des blessures. Une fois à l'intérieur de la racine, les hyphes (composants du mycélium) envahissent le cortex racinaire, pénètrent dans l'endoderme et atteignent les vaisseaux du xylème. Ensuite, le champignon progresse verticalement dans le xylème. À la mort de la plante, le champignon commence une sporulation abondante à la surface de la plante, dispersant des conidies sur le sol pour le prochain cycle d'infection, tandis que les chlamydospores représentent une possibilité de conservation longue durée dans les sols. F. oxysporum lactucae (FOL), forme spéciale spécifique à la salade, est un agent constitutif des communautés microbiennes du sol.

Une fois à l'intérieur de la racine, le mycélium atteint les vaisseaux du xylème et le champignon progresse verticalement dans le xylème.

Il est capable de survivre dans le sol pendant plusieurs décennies en l'absence d'hôte, son éradication est donc impossible. Il ne peut être contrôlé que par l'intégration de plusieurs mesures de gestion de la maladie. L’un des premiers leviers de protection actionné correspond à la recherche de variétés résistantes. « Mais la mise en œuvre d’un matériel végétal moins sensible, en provoquant une pression de sélection sur le pathogène, risque d’induire l’apparition de nouvelles races », commentent les auteurs. Aujourd’hui, quatre différentes races de FOL ont été identifiées. La race 1 est la plus largement répandue dans le monde (Asie, Amérique du Nord et du Sud, Europe), les races 2 et 3 semblent pour le moment inféodées au Japon.

Des symptômes indépendants de la période de plantation

La race 4, plus récemment décrite, n’a été pour le moment signalée qu’en Europe : Pays-Bas, Belgique, Royaume-Uni, Irlande, Italie et France. Une cinquième race aurait été mise en évidence en Égypte en 2021. La situation exacte en France et en Europe n’est pas précisément connue, ce qui a conduit à la mise en place du projet Actifol (voir encadré). « Les travaux menés dans le cadre de ce projet ont permis de confirmer que le F.o. lactucae est un pathogène présent dans les principaux pays européens producteurs de laitues, y compris en France où deux races sont identifiées, la race 1 et la race 4 », informe l’article.

 

Leur présence dans les salades symptomatiques ne semble pas particulièrement dépendante de la période de plantation, les résultats indiquant qu’aucune saison n’est plus favorable à une race qu’à une autre. Pour guider le choix du matériel végétal, compte tenu qu’il n’existe pas de moyens simples et fiables pour connaître le profil des races présents dans une parcelle, il est préférable de choisir des variétés de salade ayant des résistances à FOL1 et à FOL4. Dans les souches isolées dans le cadre du projet Actifol, certaines sont difficilement classables en race 1 ou race 4. Dans ces souches, il y a des vitesses de croissance qui semblent plus faibles, mais qui n’empêchent pas les dégâts même à des températures plus faibles. De plus, il existe une variabilité non négligeable dans l’agressivité des souches à l’intérieur de chaque race.

Deux races souvent présentes simultanément

Cette variabilité peut expliquer les différences de réponses des variétés de salade présentant une résistance intermédiaire : face à une souche agressive, les symptômes peuvent être importants si les conditions pédoclimatiques sont particulièrement favorables au pathogène. Des travaux complémentaires de caractérisation sont nécessaires pour clarifier la situation française. En termes de meilleure compréhension des conditions de développement de ce pathogène, les résultats du projet Actifol ont confirmé que les contaminations à un stade précoce de la culture induisent largement plus de symptômes que des contaminations plus tardives. Ce point est plus marqué pour la race 1 que pour la race 4.

Les dégâts dès la plantation peuvent être importants si les conditions pédoclimatiques sont particulièrement favorables au pathogène.

Sachant que les deux races sont souvent présentes simultanément dans les parcelles, il peut être judicieux de renforcer dans tous les cas les stratégies de protection dans les premières phases de développement des laitues. « Le projet a également permis de définir plusieurs mécanismes de maintien du pathogène dans le sol. La formation de chlamydospores (spores de multiplication asexuée) est un facteur important compte tenu de leurs capacités à se maintenir en vie au moins une vingtaine d’années », relèvent les spécialistes. Leur conservation se fait soit au travers d’un état dormant, soit par germination et formation de nouvelles chlamydospores lorsqu'elles sont activées par des nutriments. Différentes études ont souligné la capacité des F. oxysporum à se maintenir dans la rhizosphère des plantes non-hôtes (cultures ou adventices), sans induire de symptômes.

Des travaux toujours en cours en 2023

Dans le cas de F.o. lactucae, les recherches ont montré des capacités de colonisation des racines de brocolis, de choux-fleurs et d’épinards et même de la matière organique fraîche enfouie en fin de culture. Le taux de colonisation de feuilles de trois variétés de laitues par F. oxysporum a été comparé à celui obtenu avec des feuilles de carotte, de flageolet, de haricot vert, de maïs et de morelle. Tous les supports ont été colonisés. La colonisation par la race 4 a été plus rapide que par la race 1. Cette colonisation ne semble pas se faire en fonction des niveaux de résistance des variétés de laitues, et la colonisation du maïs, du haricot vert et du flageolet est comparable et très proche de celle des laitues. Seules les feuilles de carotte semblent un peu moins colonisées. Néanmoins, la capacité de ce pathogène à coloniser la matière organique du sol reste à éclaircir, et en particulier lors d’apport d’amendements organiques. Des travaux plus précis sont nécessaires car certaines cultures ou certains couverts végétaux peuvent influencer les populations de F. oxysporum dans un sens favorable ou défavorable au travers de mécanismes divers. Ce sujet fera partie des travaux de la troisième année du projet Actifol, ainsi que des tests de méthodes alternatives pour mettre sur pied des stratégies de protection des cultures.

D’après La fusariose de la laitue – un pathogène tellurique en pleine expansion, Infos CTIFL juillet-août 2022, François Villeneuve, Carole Halgand, Enrick Georges, Antoine Maroteaux, Peter Prince, Sophie Perrot, Valérie Grimault

Le projet Actifol en détail  

Actifol est un projet Casdar Semences et sélection végétale labellisé par le GIS Piclég. Débuté en 2020, ce projet de trois ans rassemble douze partenaires dont le CTIFL, le Geves-Snes, l’Aprel, la chambre d’agriculture des Alpes-Maritimes et huit semenciers. Il se décline en quatre axes d’études. Le premier doit permettre d’explorer la variabilité des isolats de Fusarium oxysporum lactucae (FOL) présents dans les différents bassins de production européens à partir d’un échantillonnage de laitues potentiellement contaminées. Le deuxième axe doit permettre d’identifier l’influence des conditions pédoclimatiques favorisant le développement du champignon responsable de la fusariose de la salade, et en particulier celui de la température sur l’agressivité de la souche. Le troisième examine les possibilités de transmission et de conservation de l’inoculum, par les semences et par des plantes réservoirs (adventices et cultures représentatives des rotations). Le quatrième axe, enfin, est la recherche de méthodes alternatives de protection contre la fusariose vasculaire de la laitue.

La lutte en pratique  

La solarisation est actuellement l’une des deux seules méthodes utilisées contre la fusariose.

Il n'existe pas de moyen chimique pour protéger les cultures de laitues de Fusarium oxysporum lactucae.

Les variétés résistantes FOL1 ne présentent pas toutes le même niveau de résultat selon la pression du pathogène, la génétique permet de répondre aux objectifs de production. Cependant, tout miser sur le matériel végétal n’est pas la solution miracle. Compte tenu de la variabilité potentielle du champignon, les chances d’assister à des évolutions rapides des populations dans un sens dommageable pour le producteur sont très fortes. En conséquence, il est important de mettre en œuvre des pratiques complémentaires de protection afin de pouvoir gérer sur le long terme les risques liés à la fusariose de la laitue.

La solarisation est actuellement l’une des deux seules méthodes utilisées contre la fusariose avec les variétés résistantes.

La biofumigation avec une application de Brassica carinata (BioFence) incorporée pendant 14 à 21 jours a montré un intérêt dans des essais de la chambre d'agriculture des Alpes-Maritimes et de l'Aprel réalisés en 2017, mais des références plus précises seraient nécessaires pour affiner l'utilisation de cette méthode.

Des mesures à implanter au champ

Les caisses de transport des mottes doivent être désinfectées par le pépiniériste.

La contamination entre parcelles reste la première source potentielle de dissémination du champignon. Afin de limiter cette voie de diffusion, il est conseillé de prendre des mesures de prophylaxie. Pour le personnel circulant sur l'exploitation, le port de surchaussures ou la désinfection des chaussures doit être encouragé. Les outils de travail du sol doivent être nettoyés soigneusement et systématiquement entre chaque bloc de parcelles. Les caisses de transport des mottes doivent être désinfectées par le pépiniériste. L’observation régulière des parcelles de salade est également primordiale. Autant d’actions à mettre en place pour limiter la contamination interparcelles. En complément, il est préconisé de diversifier sa rotation et d'éviter de réaliser trois rotations de laitues sur la même parcelle. Il faut également veiller à éviter les espèces hôtes dans la rotation telles que le chou-fleur, le brocoli, l'épinard ou encore la mâche. En cas de présence avérée du champignon, il est souhaitable d'éviter les mauvaises conditions de plantation comme la chaleur et l'excès d'eau qui favorisent le développement de la maladie.

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