Kiwi : des producteurs cultivent sous serre pour se protéger contre la bactérie PSA
Pour limiter les dégâts liés à la bactériose, des producteurs de kiwi de variétés à forte valeur ajoutée, jaune ou rouge, misent sur une production sous serre. Un outil de production qui nécessite d’apprendre un nouveau métier.
Pour limiter les dégâts liés à la bactériose, des producteurs de kiwi de variétés à forte valeur ajoutée, jaune ou rouge, misent sur une production sous serre. Un outil de production qui nécessite d’apprendre un nouveau métier.
La bactériose du kiwi causée par la bactérie Pseudomonas syringae pv actinidae (PSA) est la principale cause des pertes économiques sur ce fruit. Pour s’en protéger, des producteurs s’essayent à produire à couvert. Serres plastique ou serres verre équipées de photovoltaïque : l’objectif principal est d’éviter les éléments qui favorisent cette maladie (voir encadré). Olivier Sabathie, arboriculteur dans le Tarn-et-Garonne, fait partie des producteurs précurseurs de Blue Whale qui ont décidé de produire des kiwis sous serre plastique. « J’ai commencé le kiwi en 2008 en plein champ sous filet avec la variété de kiwi jaune Horth16 A, très sensible à la bactériose. Il y a quatre ans, j’ai dû couper toute la parcelle et la surgreffer avec la variété G3, la Sun Gold de Zespri, explique l’arboriculteur. Cette variété est aussi tolérante à la PSA qu’Hayward mais les filets ne sont pas suffisants pour la protéger contre la bactérie. D’où l’idée des serres. » Blue Whale est partenaire avec Zespri. Entre 150 et 200 ha de kiwi Sun Gold sont aujourd’hui installés chez les producteurs adhérents à Blue Whale avec un objectif de 400 ha. Près de 40 ha sont sous serre plastique.
Des serres maraîchères à bâches diffusantes
Les 4 ha de serres plastiques d’Olivier Sabathie ont été installés il y a deux ans. Elles ont été conçues par l’entreprise A2Z distribution. Pour le producteur, cette structure, 100 % étanche, a comme principal avantage de protéger ses vergers de la pluie, du vent, du gel et de la grêle. « Mais on espère aussi une montée en production plus rapide, un gain d’un an par rapport au plein champ », indique l’arboriculteur. Plantés ce printemps, il pense obtenir dès l’automne prochain de ses parcelles entre 10 et 20 tonnes par hectare. Les kiwis devraient aussi arriver plus précocement, une quinzaine de jours avant ceux de plein champ du fait des températures plus élevées sous la serre. La serre, inspirée d’une serre maraîchère, est recouverte de bâches de 250 microns, elles sont donc déjà opacifiées pour éviter les brûlures mais diffusent mieux la lumière. « Cet été seuls les actinidias des bordures, exposés directement au soleil ont eu des brûlures malgré les très fortes chaleurs », continue-t-il. Les extrémités sont fermées par des filets sur enrouleurs. « En plus du vent, cela permet d’éviter l’entrée de la punaise diabolique », un ravageur émergent sur kiwi (voir Réussir Fruits & Légumes n°397). L’infrastructure de la serre a coûté 10 € le mètre carré avec les monteurs, soit 400 000 € les quatre hectares. Mais la bâche n’est garantie que huit ans. Son changement coûte 10 000 €/ha.
Revoir sa fertilisation en passant à la fertirrigation
La principale contrainte est l’irrigation. « Il faut éviter le stress hydrique des arbres, or la température est supérieure à 3°C par rapport à l’extérieur, souligne Olivier Sabathie. Avec les températures de cet été, les 45°C ont été atteints sous la serre. » L’irrigation est assurée par des microaspersseurs sous frondaison, qui servent aussi à préserver du gel en hiver quand les températures sont très basses en hiver. L’investissement a été de 550 000 € pour les quatre hectares, sans la main-d’œuvre. Autre point de vigilance : la fertilisation. Sans pluie, les sols ne sont plus lessivés et la minéralisation se fait très vite lors des fortes chaleurs, il y a donc un risque de salinisation des sols et de reliquats azotés trop importants, dangereux pour les actinidia. « Jusqu’à maintenant je fertilisais en début de saison mais j’ai décidé de passer en fertirrigation de mars à juin pour éviter ces problèmes, continue-t-il. Ces installations ne demandent pas beaucoup plus d’investissement mais surtout un savoir-faire, peu commun dans le milieu de l’arboriculture française. » Pour le trouver, Blue Whale se tourne vers des partenaires italiens. Les arboriculteurs transalpins utilisent en effet depuis plusieurs années la fertirrigation, même en plein champ. L’entreprise va aussi chercher des compétences auprès des serristes. La production sous serre nécessite aussi de penser sa pollinisation. « Nous ouvrons les filets des bouts de rang pendant la période de floraison et nous installons des ruches à bourdons », explique le producteur.
Un verger en pergola plus productif
Olivier Sabathie a aussi choisi de changer le mode de conduite de ses vergers. Sous serre ils sont en pergola. « En plein champ sous filet, nous ne pouvons par les conduire ainsi car les filets paragrêles doivent être pliés et dépliés et donc nous devons pouvoir passer au-dessus du verger. » Les cannes de production sont donc conduites sur des fils perpendiculairement la première année. Dans l’année à venir des câbles transversaux seront installés tous les trois mètres et neuf câbles parallèles au rang. Le tout permettra d’installer un verger en pergola de deux mètres de haut, un verger plus productif. Les traitements, si besoin, se feront avec un pulvérisateur traîné ou porté avec un tracteur bas sans cabine. En pleine production, Olivier Sabathie espère récolter de 50 à 60 t/ha. « Mais nous sommes loin de maîtriser entièrement le système. C’est un autre monde par rapport au plein champ, insiste l’arboriculteur. Nous allons certainement découvrir d’autres impacts de la serre sur le verger, tant négatif que positif, dans les années à venir. »
"Produire sous serre est un autre monde par rapport au plein champ. Nous allons certainement découvrir d’autres impacts de la serre sur le verger, dans les années à venir",
Olivier Sabathie, arboriculteur dans le Tarn-et-Garonne
La station Les trois domaines mise sur le kiwi
Les producteurs de la station fruitière Les trois domaines à Agen (Lot-et-Garonne), adhérente à Blue Whale, ont la volonté de structurer la station pour traiter le kiwi. La station travaille actuellement le vert mais doit s’équiper pour le jaune. « Pour rentabiliser les infrastructures kiwi, il est nécessaire de pouvoir traiter du kiwi sur presque six mois, détaille Olivier Sabathie. L’idée est d’avoir des installations qui puissent travailler du kiwi jaune de septembre à décembre et du kiwi vert de décembre à avril. » Le kiwi jaune a en effet un épiderme plus sensible, il ne doit être touché qu’une fois en station. Zespri travaillant sur des variétés de kiwi rouge, la gamme devrait s’étendre dans le futur.
Trois facteurs météorologiques qui favorisent la PSA
Le vent
Le vent provoque des frottements des branches les unes contre les autres ou contre la structure. Ces frottements causent des lésions au niveau des branches qui sont des portes d’entrée à la bactérie. Les serres plastique ou verre protègent les vergers complètement du vent. Les filets paragrêles peuvent atténuer ses effets s’ils sont complétés avec des filets brise-vent en bout de rang.
Le gel
Les hivers et les printemps froids avec des températures inférieures à -4°C et -6°C créent des microfissures dans le bois, invisibles à l’œil nu mais qui sont des entrées possibles pour la bactérie. La protection des vergers par des serres en plastique évite une grande partie des épisodes de gel car la température sous serre y est supérieure de trois degrés.
La grêle
Les impacts de grêle sur le bois des actinidia provoquent des blessures qui sont autant de portes d’entrée à la bactérie, spécialement au printemps. Couvrir ses vergers de kiwi avec des filets ou avec des serres évite les pertes économiques dues à la grêle et limite la propagation de la maladie.
François Lafitte, producteur de kiwi dans les Landes et président de Scaap kiwi fruit
"Miser sur des variétés tolérantes
« A la Scaap Kiwi fruit, nous avons fait le choix de miser sur des variétés tolérantes à la PSA plutôt que d’engager nos producteurs vers des investissements coûteux. Hayward, Oscar Gold et Nergi sont les trois espèces que nous produisons. Les deux premières sont faiblement sensibles et la dernière résistante. Nous maîtrisons la bactériose par l’agronomie en raisonnant la taille, la fertilisation et l’irrigation afin de rendre les pieds moins fragiles. Et nous avons un programme de traitement à base de cuivre, aussi utilisable en agriculture biologique. En revanche nous préconisons une couverture des vergers avec des filets paragrêles. Un tiers des vergers de la coopérative est sous filets. L’investissement n’est que de 10 000 € de plus par rapport à un verger sans filet : 60 000 €/ha contre 50 000 €. »