« J’ai choisi de me diversifier sur d’autres choux et d’autres légumes »
Déjà producteur de chou-fleur, Julien Le Gléau a fait le pari de la diversification en chou et sur d’autres légumes.
Déjà producteur de chou-fleur, Julien Le Gléau a fait le pari de la diversification en chou et sur d’autres légumes.
« Mes parents, qui produisaient du chou-fleur, testaient déjà avant leur lancement les variétés de l’OBS encore sous numéro, explique Julien Le Gléau, maraîcher Prince-de-Bretagne à Plougonvelin, à la pointe du Finistère. Cela me plaisait. C’est agréable de voir que des variétés que l’on a testées sont retenues et commercialisées. » Pendant 10 ans, avec ses parents, Julien le Gléau a continué à produire des légumes et du lait. « Mais en 2021, à la retraite de ma mère, j’ai arrêté le lait, qui prenait du temps et était contraignant, et j'ai augmenté la surface en légumes. Et parce que j’ai toujours aimé ce qui sort de l’ordinaire, le changement, un travail varié, j’ai choisi de me diversifier sur d’autres choux et d’autres légumes. » La diversification a été rendue possible par la réorganisation logistique de la Sica Saint-Pol-de-Léon à laquelle adhère le maraîcher. « Avant la création de la station de Vilar Gren, les négociants ramassaient les légumes dans les stations. Mais la station la plus proche de l’exploitation est à 1h15 de Saint-Pol-de-Léon. Les négociants ne voulaient pas se déplacer pour des produits de diversification qui représentent de petits volumes. Depuis la réorganisation logistique, c’est la Sica qui collecte, ce qui a donné accès à la diversification à toutes les zones de production. »
Chou Sarmello et Romanesco blanc
L’exploitation compte aujourd’hui 50 ha de plein champ, dont près de 40 ha en légumes, avec par ailleurs des céréales, du maïs et des prairies. « Je vends les céréales et le maïs à un éleveur et du foin pour des chevaux, explique Julien. Et surtout, ces surfaces sont indispensables pour les rotations. » L’essentiel des surfaces est consacré aux choux. En 2022, le maraîcher a cultivé 15 ha de chou-fleur, 2,5 ha de mini chou-fleur et 8 ha de chou Romanesco vert, orange et blanc. « L’exploitation produit du Romanesco vert depuis longtemps. J’ai commencé le Romanesco orange en 2019. Et en 2021 et surtout 2022, j’ai commencé à produire du Romanesco blanc. » « Le but est de diversifier l’offre en Romanesco, explique Patrick Guivarch, responsable innovation Prince-de-Bretagne. Le Romanesco blanc semble bien parti. 10 négociants en ont acheté cette année. » Une autre diversification en 2022, après un essai en 2021, est le chou Sarmello, variété de chou plat de Syngenta, aux feuilles fines et croquantes, légèrement sucré, qui se consomme cru ou cuit. « Il y a de la demande pour ce type de chou », assure Patrick Guivarch.
Le producteur a également mis en culture 0,7 ha de chou-tige, chou-fleur dont on coupe l’apex pour stimuler la pousse de tiges latérales ensuite récoltées à la main. « Le chou-tige, qui ne nécessite pas de préparation et se mange entièrement, répond aux attentes des consommateurs, estime Julien. Techniquement, je maîtrisais la culture. Mais comme il nécessite beaucoup de main d’œuvre, il se retrouvait en rayon à 14-15 €/kg en vrac, ce qui est beaucoup trop coûteux dans le contexte actuel. » Prince-de-Bretagne a donc décidé d’abandonner le chou-tige. « Quand on est le premier à se lancer dans une culture, même si on bénéficie d’appui technique, on prend des risques, admet le maraîcher. La coopérative nous demande d’aller jusqu’au bout de la culture et de récolter. Mais si le produit ne se vend pas, elle nous apporte des compensations financières. »
Répartir les risques et le travail
Julien Le Gléau cultive aussi 1,5 ha de patate douce, 4,5 ha de pomme de terre primeur, 4 ha de potimarron et 3,5 ha d’artichaut Cardinal. « Je produis beaucoup de crucifères, analyse-t-il. Il est important que j’ai des légumes d’autres familles, pour les rotations et pour lutter contre les maladies. J’ai augmenté le potimarron et introduit la patate douce il y a 4 ans dans cet objectif. La diversification a toutefois des limites, car certains légumes demandent des matériels spécifiques. » Dans son cas, les investissements pour la diversification ont été limités. « J’ai dû acheter des palox pour les potimarrons. Mais la remorque et le tapis de récolte que j’avais pour le chou-fleur servent pour tous les choux. Pour la patate douce, j’ai acheté une récolteuse dont je pensais me servir pour la pomme de terre et la patate. Mais elle ne fonctionne pas pour la patate douce. J’utilise donc l’ancienne souleveuse à pomme de terre pour soulever les patates, puis nous les ramassons à la main. »
La diversification permet aussi de varier et d’étaler le travail pour lui et son salarié. Les choux-fleurs sont récoltés d’octobre à mai, la pomme de terre d’avril à juin, les Romanesco à partir d’avril et en été, les artichauts en été, la patate douce en août-septembre, les potimarrons en octobre… « Et bien sûr, la diversification permet d’aller chercher de la valeur ajoutée et de limiter les risques techniques et économiques, souligne Julien. Le climat breton permet de produire beaucoup d’espèces. Et avec le changement climatique, la région aura sans doute encore beaucoup d’atouts. »
Parcours
2005 : Bac pro horticole
2006 à 2009 : salarié sur l’exploitation de ses parents et chez un voisin
2009 : installation
2021 : arrêt du lait et développement des légumes
2022 : diversification en chou Sarmello et Romanesco blanc
Appui technique des stations expérimentales
Pour limiter le risque lié à la diversification, Julien Le Gléau, comme les 60-70 producteurs Prince-de-Bretagne très investis dans la diversification, bénéficie de l’appui technique des coopératives, des stations expérimentales Caté et Terre d’essais et de l’OBS. En même temps qu’il testait le chou Sarmello chez lui en 2021 et 2022, des essais ont aussi été menés au Caté en 2021 et 2022. « En 2021, j’ai planté le chou Sarmello à 60 cm d’écartement sur le rang, indique-t-il. Mais les choux étaient beaucoup trop gros par rapport à la demande qui porte sur des choux d’environ 1,3 kg. En 2022, j’ai planté à 50 cm d’écartement, mais les choux pèsent encore 2,5 kg. Les essais du Caté ont montré que pour récolter des choux de 1,3 kg, l’idéal est une plantation à 30-33 cm d’écartement. »
La diversification, préoccupation majeure à Prince-de-Bretagne
« Dans les années 70, le chiffre d’affaires de Prince-de-Bretagne reposait sur quatre légumes, rappelle Thomas Quillévéré, vice-président de Prince-de-Bretagne. Aujourd’hui, ces produits ne représentent que 30-40 % du chiffre d’affaires et la marque vend 47 légumes. L’innovation est essentielle pour répondre aux attentes du marché et nous différencier de la concurrence. » Il y a trois ans, une cellule innovation régionale dotée d’un budget de 250 000 € par an a été créée pour structurer les recherches de diversification. « Chaque année, nous testons le lancement de 3 à 5 nouveaux produits, précise Patrick Guivarch. Nous recherchons des produits qui interpellent les consommateurs et que l’on puisse proposer en quantité suffisante, assez longtemps sur l’année et au bon prix pour le producteur et le consommateur. »
Une diversification réussie a été le potimarron, lancé en 2010, avec aujourd’hui 6 000 à 7 000 t/an produites par 200-250 maraîchers. La gamme de choux a été élargie aux choux-fleurs de couleur, Romanesco vert, orange et blanc, mini choux-fleurs, chou Sarmello. A la demande des négociants, la marque relance aussi en 2023 le chou chinois, déjà produit de 2008 à 2010. Elle abandonne par contre le chou-tige et renonce au brocoli-tige, qui devait être lancé en 2023 mais n’a pas convaincu ses clients. Mais elle continue de développer la patate douce, la rhubarbe, les fruits exotiques, la myrtille…