Kiwi
Innovation : le kiwi retrouve des couleurs
Développement de la gamme basé sur la couleur avec le kiwi rouge et en plus du jaune, et élargissement vers les baies avec le kiwaï, nouvelles variétés plus précoces, utilisation du greffage, emballages “Agec compatible”, itinéraires techniques en verger repensés… Petit tour d’horizon des innovations en kiwi.
Développement de la gamme basé sur la couleur avec le kiwi rouge et en plus du jaune, et élargissement vers les baies avec le kiwaï, nouvelles variétés plus précoces, utilisation du greffage, emballages “Agec compatible”, itinéraires techniques en verger repensés… Petit tour d’horizon des innovations en kiwi.
Le kiwi. Petit, oval, poilu, marron, d’une jolie couleur verte à points noirs coupés en deux… Et terriblement identique d’un fruit à l’autre. Longtemps cantonné à la variété Hayward, le kiwi retrouve enfin des couleurs en rayon et en verger, avec le développement des variétés jaunes depuis 10 ans et l’arrivée imminente du kiwi rouge.
Les relais d’innovations sont bien sûr dans les variétés, tant en termes de type de couleurs que de calendrier. Les innovations dans emballages sont aujourd’hui dynamiques, loi Agec et segmentation obligent. En vergers, les techniques culturales continuent leur bout de chemin : greffage, matériel plus respectueux des ressources, itinéraires sans phyto…
La couleur, une vraie différenciation pour le consommateur
« Il y a encore peu de variétés sur le marché du kiwi, c’est donc une vraie différenciation et une vraie identification pour le consommateur », confirme Maxime Gil, directeur général de Cancel Fruits. La vraie nouveauté du marché, c’est l’arrivée du kiwi rouge. Les entreprises françaises ont débuté des projets de plantation, les volumes vont gagner en puissance, les premières commercialisations commencent à peine.
Le kiwi jaune est limité à Dori, Soreli en Italie, et Gold3, la variété de Zespri, qui prédomine. Chez Primland, c’est l’obtention jaune italienne AC 11778 (Soreli) qui se récolte fin septembre-début octobre et une bientôt une tardive qui est en démarrage chez Primland, une variété d’origine coréenne qui se récolte fin octobre-début novembre. La commercialisation du kiwi jaune s’étale sur six mois, de novembre à mai. 120 ha sont déjà installés et 100 ha sont en cours de mise en œuvre pour la nouvelle variété tardive. Les premiers volumes sont attendus pour dans cinq ans et seront commercialisés sous Oscar Gold.
Primland avait débuté l’aventure du kiwi jaune avec la variété Jingold, mais qui était très sensible au PSA. « 70 ha de Jingold ont été détruits en 2011-2012, un véritable accident industriel, se souvient François Lafitte, président de la Scaap Kiwifruits de France et de Primland. Nous sommes reparties sur cette nouvelle variété AC11778 en 2013-2014 et nous commençons à récolter le fruit de notre variété. Ce sont 500 t qui se vendent aujourd’hui. »
Nergi, le mini-kiwi qui peine à décoller en France mais qui réussit dans le Nord
A cette trilogie colorée s’ajoute le mini-kiwi ou kiwaï. Primland en commercialise sous la marque Nergi. Il s’agit de deux variétés (une très légère différence de forme peut être observée et on les plante l’une ou l’autre selon le terroir) cousines du kiwi, d’obtention néozélandaise, par l’institut de recherche Plant & Food Research. La conduite en verger se fait en extérieur, en tonnelle, en pergola ou T-barre. Le kiwaï a une très forte rusticité et est peu sensible au gel et aux maladies, dont une belle tolérance à la PSA ce qui permet une absence de traitement phyto. La récolte se fait très tôt. La conservation est en revanche faible comparée au kiwi, le kiwaï ne se conserve pas en chambre et s’affine uniquement sur quelques jours. Les coûts de production sont beaucoup plus élevés : selon François Lafitte, 3€/kg en paiement producteur sur les qualités premium pour une barquette de 125g vendue à 1,20-1,30 € prix grossiste. « Mais cela reste une culture rentable avec un très faible risque technique. »
Primland a choisi de développer le projet Nergi sur une échelle globale, au niveau de l’Europe. La production se situe en France mais aussi au Portugal, en Espagne, en Italie et sur un verger pilote en Ukraine, sur un total de 450 ha, afin de pouvoir largement fournir les marchés et d’échelonner les récoltes, des précoces au Portugal début août à la France et l’Italie en septembre et l’Ukraine en octobre, permettant ainsi quatre mois de vente.
Primland a commercialisé 4 millions de barquettes sur l’Europe cette saison, sur l’Europe du Nord, 5 millions sont à venir. « On n’a pas assez de volumes pour fournir le marché français », précise Jean-Baptiste Pinel, directeur de Primland. Et le marché français reste moins dynamique que les marchés du Nord, sans doute plus sensibilisés à la consommation de fruits snacking et de type baies.
La production est stable à légèrement croissante, les vergers entrant progressivement en pleine production. Des projets de plantation pourront être envisagés plus tard, l’objectif dans un premier temps étant de conforter les bassins actuels. « Le Portugal et l’Italie sont de très belles zones de production, souligne François Lafitte. En France, on pourrait envisager d’élargir les zones de production, concentrées aujourd’hui sur la Vallée de l’Adour et la Vallée des Gaves. Pourquoi pas le Val de Loire ? Le verger pilote en Ukraine a été installé à la base pour fournir les marchés de l’Est mais le décalage de calendrier présente un avantage non négligeable. »
Précocité : arrivée imminente du vert Hayone chez Primland ?
En vert, Hayward reste la seule et l’unique variété qui satisfait le marché et qui se conserve très longtemps, jusqu’à six mois. Elle est complétée par Summerkiwi, la variété verte précoce, qui commence autour du 10 octobre pour la récolte. Summerkiwi présente « un bon goût » mais un petit calibre (souvent en dessous du 46, non commercialisable) et un aspect désesthétique poilu, selon Marie-Pierre Durpaire, responsable technique auprès de la coopérative Kiwifruits de France.
Une nouvelle variété pourrait faire son apparition : Hayone, variété coréenne elle aussi précoce, avec « un goût similaire » à celui du Summerkiwi mais des calibres normaux. « On est en train de développer les greffons, pour greffer en 2023, glisse Marie-Pierre Durpaire. Sur une greffe, les premiers volumes arrivent en trois ans au lieu de cinq. »
De l’intérêt du greffage
« Les premières variétés de jaunes se sont développées dans les années 2000 mais en raison de leur sensibilité extrême au PSA, elles ont aujourd’hui disparu, relate Marie-Pierre Durpaire, responsable technique auprès de la coopérative Kiwifruits de France. D’autres variétés sont apparues, dont Sorelli qui est celle développée par la Scaap. » Les variétés jaunes ont été développées à la base avec des plants-mères mais en raison du risque face aux sols chlorosants, l’itinéraire par porte-greffe Hayward, plus tolérant au PSA, a été adopté. « Autre problème : le dépérissement lié à des sols pas assez drainants. Des porte-greffes plus résistants à l’asphyxie racinaire sont en test depuis l’année dernière avec des premières plantations en 2022 pour des tests en champs réels. »
Emballages : stickers home-compostable et barquettes carton au programme
« La loi Agec correspond à une demande de fond des consommateurs, nous la voyons donc plutôt comme un challenge à relever », tient à préciser Jean-Baptiste Pinel.
A la station de conditionnement de la coopérative, à Labatut (Landes), on a commencé à tester les alvéoles en papier pour les plateaux (en remplacement des alvéoles plastique) dès l’année dernière. Une solution de stickers home-compostable a été trouvée mais doit encore être affinée, notamment en termes de colle (les poils du kiwi vert limite la bonne adhésion).
Les entreprises vont néanmoins devoir investir dans des machines adaptées à ces nouvelles technologies : machines fermeuse des rabats en carton, stickeuses, et en parallèle quid des flowpackeuses/ensacheuses plastique, sans doute vouées à disparaître ?
Brebis, greffage et parasitoïdes… Innovations en verger : encore et toujours
Les innovations en verger portent surtout sur les variétés. Les itinéraires techniques (conduite du verger en T-barre ou pergola) et les innovations de matériel (micro-aspersion, filets paragrêles) sont déjà des classiques. Le kiwi rouge est testé sous serre photovoltaïque, un modèle adéquat pour cette variété mais inadapté sur le vert et en test chez Cancel Fruits pour le jaune.
Les techniciens concentrent aujourd’hui leurs efforts sur les phytos. Un verger de kiwis n’est quasiment pas traité. Le point compliqué : se passer d’herbicides. Sur le verger de la coopérative Kiwifruits de France, sur l’île de la Sorde-l’Abbaye, des techniques mécaniques sont testées et ce mois de février, un troupeau de brebis va être installé.
Autre point de blocage : les insecticides. Le kiwi est touché par la cochenille blanche du murier et la punaise diabolique est une menace qui se rapproche. « Sans insecticide, c’est très risqué, ce qui explique que les nouvelles variétés -jaune et rouge- sont pour le moment conduites en conventionnel », explique Stéphane Limousin, responsable technique chez Cancel Fruits. « D’autant plus qu’il n’y a pas encore de demande de certification de la part de la GMS sur ces nouvelles variétés. A voir quand le marché du conventionnel sera suffisamment pourvu en volumes, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui, précise Maxime Gil. En revanche les exploitations Cancel sont Global Gap et HVE (le site de Boé le sera sûrement dès l’année prochaine). »
La filière kiwi teste les auxiliaires de culture et les parasitoïdes mais se heurte à la réglementation française : l’Anses bloque d’introduction en France de ses parasitoïdes, déjà homologués et produits en Italie.
La culture de kiwi, mode d’emploi
François Idiart, responsable des vergers de la Scaap Kiwifruits de France et kiwiculteur, et Marie-Pierre Durpaire, responsable technique auprès de la coopérative, expliquent les points principaux de la culture du kiwi. Le kiwi demande des terres drainantes et riches, un climat tempéré (pas trop froid, pas trop de vent), et a de forts besoins en eau (en particulier pour la lutte anti-gel. En termes de nutrition : 120 unités d’azote (principalement sous forme organique, en particulier avec les bois de taille, les feuilles et l’herbe, de moins en moins d’apports sous forme minéral), 40 unités de phosphore et 150 à 200 unités de potasse. En termes de ravageur, un peu de prophylaxie au cuivre l’hiver. Pas d’acaricide, pas d’insecticide. Des pièges à phéromones pour lutter contre la punaise sur le kiwi jaune (les Italiens ont développé la guêpe samouraï qui est un prédateur de la punaise et présent en Italie). Côté main d’œuvre, le kiwi demande environ 600 h/ha/an. Les exploitations de la coopérative font en moyenne 2,5 ha, soit une personne nécessaire l’hiver. L’année commence avec la taille d’hiver, jusque fin février, avec les étapes de palissage et d’attache en janvier-février jusque fin mars. L’éclaircissage se fait d’avril à juillet. La récolte a lieu en novembre. En parallèle, le cycle de l’arbre : le débourrement mi-mars, la floraison mi-mai avec la pollinisation mi-mai/début juin, et la récolte début novembre.