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Vergers de fruits à noyau : allier durabilité et performance

Les vergers étudiés dans le projet CAP ReD visent à allier moindre utilisation d’intrants et performance économique acceptable. Si le premier objectif a été atteint, les chiffres d’affaires des systèmes expérimentés doivent être améliorés.

Concevoir des vergers de fruits à noyau peu consommateurs de produits phytosanitaires tout en étant performants économiquement. C’était l’ambitieux objectif du projet CAP ReD (Cerisier, abricotier, prunier : réduction des intrants et durabilité des systèmes de production), mené entre 2013 et 2018 par un réseau de neuf partenaires de la recherche et de l’expérimentation : CTIFL Balandran (Gard), Inrae Gotheron (Drôme), Inrae de Bourran (Lot-et-Garonne), Bip (Lot-et-Garonne), SudExpé (Gard), Sica Centrex (Pyrénées-Orientales), Cefel (Tarn-et-Garonne), La Pugère (Bouches-du-Rhône), Arefe (Meuse) et la Tapy (Vaucluse). 28 systèmes de culture ont été évalués, dont 11 systèmes « de référence » (PFI), qui intègrent au mieux les pratiques de productions locales et 17 systèmes Ecophyto (Eco), dans lesquels on vise une réduction d’au moins 50 % de l’utilisation des produits phytosanitaires, en combinant des leviers, techniques et moyens existants ou innovants : moyens de protection alternatifs ou complémentaires à la lutte chimique classique, systèmes de conduite en rupture avec les systèmes traditionnels, optimisation des applications de bouillie phytosanitaire et type d’entretien des rangs et des interrangs. Les espèces et variétés fruitières étudiées sont l’abricot (lire aussi RFL avril 2019), la cerise, la prune américano-japonaise (lire aussi RFL décembre 2018), la prune d’Ente et la mirabelle. Près des deux tiers des vergers de CAP ReD ont été plantés en début de projet. Mais certains, comme les vergers de mirabelle, avaient plus de dix ans lors du démarrage.

Le « zéro herbicide » presque atteint

Les systèmes Eco ont bien permis de réduire de manière importante les apports de produits phytosanitaires par rapport aux systèmes de référence. Pour l’ensemble des espèces, des sites et des années, la moyenne de l’Indice de fréquence de traitement hors biocontrôle (IFT) des systèmes Eco est de 5,1, contre 12,2 pour les systèmes PFI, soit une réduction de -58 %. L’objectif « zéro herbicide » est quasiment atteint sur les systèmes Eco. En moyenne, l’IFT herbicide est seulement de 0,24 contre 1 en PFI, ceci grâce à des leviers efficaces contre les adventices tels que le travail du sol ou l’utilisation de bâche au sol. Dans les systèmes de référence PFI, les fongicides représentent la majorité des produits phytosanitaires utilisés : 63 % des IFT, tandis que les insecticides en représentent 29 %. Dans les systèmes Eco, la proportion des fongicides est la même. Ceci indique que sur fruits à noyau, il y a encore une grande difficulté à contrôler les maladies, notamment le monilia, avec davantage de méthodes alternatives disponibles pour contrôler les ravageurs. Parmi les leviers utilisés qui permettent de diminuer les IFT dans les systèmes Eco, on constate que le biocontrôle occupe une place minoritaire. La faible augmentation de l’utilisation du biocontrôle dans les systèmes Eco par rapport aux systèmes PFI, montre que ce sont les autres leviers utilisés - méthodes culturales, barrières physiques, impasse de traitements par raisonnement, réduction de dose… - qui ont permis une diminution globale des IFT.

Chiffres d’affaires plus faibles dans les systèmes Eco

En plus des IFT, l’autre facteur majeur étudié dans le projet CAP ReD est la performance économique des systèmes. Les chiffres d’affaires sont en moyenne, pour toutes les espèces, plus faibles dans la partie Eco que dans la référence, reflet d’une production moindre dans ces systèmes, non compensée par un prix de vente plus élevé des fruits. Toutes espèces confondues, le chiffre d’affaires bord verger (rendement commercialisé, prix de vente bord verger) est en moyenne inférieur de 22 % dans les systèmes Eco par rapport aux systèmes PFI. Les systèmes Eco abricot à haute densité d’arbres (mur fruitier ou palmette), tels que ceux de l’Inrae de Gotheron et de SudExpé, présentent en moyenne les chiffres d’affaires bord verger les plus élevés (par exemple 25 973 €/ha à l’Inrae de Gotheron en 4e année), du fait d’un rendement plus important par rapport aux systèmes PFI. Le coût de production hors amortissement par kilo commercialisé est supérieur en moyenne de 20 % dans les systèmes Eco. Le coût des intrants phytosanitaires est logiquement plus faible en Eco qu’en PFI, notamment en cerise, prune américano-japonaise et prune d’Ente, avec un gain de 200 à 800 €/ha. En revanche, dans les systèmes Eco abricot, le coût élevé de la glu et de certains produits de biocontrôle (confusion sexuelle contre la tordeuse et lait de chaux), ne permet pas d’avoir un coût d’intrants phytosanitaires plus faible.

15 systèmes de culture ressortent du lot

Les quatre systèmes de culture à la fois les plus économes en intrants phytosanitaires et performants économiquement, ont des IFT inférieurs à 4,5 et des marges brutes hors amortissement dans le premier quart supérieur. Il s’agit du système Eco cerise de La Tapy en 2016 et 2017 et de deux systèmes de prune américano-japonaises de La Pugère en 2017. Ce sont tous des systèmes sous filets et bâches en haute densité ayant eu une forte production. Onze autres systèmes de culture Eco ont montré des résultats intéressants, en ayant des IFT inférieurs à 9 et des marges brutes hors amortissement dans le premier quart supérieur : 1 système cerise haute densité (bâche anti-pluie et filet anti-insectes) ; 2 systèmes prune américano-japonaise biaxe (bâche anti-pluie, filets anti-insectes, réduction de dose) ; 2 systèmes mirabelle (biocontrôle, impasses avec OAD, mécanisation d’une part de récolte) ; 1 système prune d’Ente (biocontrôle, impasses avec OAD, mécanisation de la récolte) ; 2 systèmes abricot haute densité (avec bâche anti-pluie pour l’un, réduction de dose pour l’autre). Mais attention car ces systèmes à haute densité ou biaxe, sous filet anti-insectes et bâche, ont des charges d’amortissement importantes pouvant aller jusqu'à 12 000 €/ha/an par rapport à un système classique, diminuant considérablement la performance économique de ces systèmes.

Tiré d’Infos CTIFL n°355 octobre 2019 « Synthèse des résultats du projet Cap Red », Muriel Millan, Timmy Defert (CTIFL), Laurent Brun, Dominique Monty, Marie-Hélène Rames (Inrae), Valérie Gallia (SudExpé), Eric Hostalnou (Sica Centrex), Emile Koké (Cefel), Vincent Lesniak (La Pugère), Rémi Segard (Arefe), Olivier Simler (La Tapy)

 

A lire aussi : ce qu’apportent les cultures fruitières à la société

 

Les trois baisses d’IFT les plus importantes

Cerise

 

 
© RFL
La cerise enregistre la plus forte baisse d’IFT moyen entre les systèmes PFI et Eco : -79 %. L’IFT moyen en PFI est de 13,7, celui des systèmes Eco est de seulement 2,9. Cette forte réduction est obtenue essentiellement grâce à l’association filets anti-insectes et bâche anti-pluie, très efficace. En PFI, les insecticides représentent une part importante des IFT, principalement à cause de la problématique majeure Drosophila suzukii.

 

 

 

Prune américano-japonaise

 

 
© RFL
Les systèmes Eco en prune américano-japonaise ont un IFT moyen de 3 contre 12,1 pour les systèmes PFI. Comme sur cerise, les filets et bâches présents sur les systèmes Eco ont fortement contribué à la baisse de -74 % des IFT, notamment grâce à la maîtrise du carpocapse et de la tordeuse. L’utilisation du biocontrôle a eu des résultats mitigés, avec par exemple 30 % d’arbres atteints par l’ECA dans le système Eco du Cefel, malgré des traitements au lait de chaux contre le psylle.

 

 

 

Abricot

 

 
© RFL
L’IFT moyen des systèmes Eco pour l’abricot est de 5, contre 10,3 en PFI, soit une baisse de -54 %. Le biocontrôle fait partie des leviers participant à cette diminution : son utilisation est plus importante dans les systèmes Eco que dans les systèmes PFI pour les espèces abricot et mirabelle. L’efficacité des produits de biocontrôle a permis de contenir les bioagresseurs lorsque la pression était faible (oïdium, rouille, tavelure), mais elle a été insuffisante dans les cas de forte pression.

 

Rendement, temps de main-d’œuvre et prix de vente

 

 
Les filets contribuent à un meilleur rendement par une diminution des pertes. © M. Millan
L’adoption de solutions techniques pour diminuer les produits phytosanitaires passe par une augmentation de la prise de risque et donc la nécessité d’être encore plus performant autour de trois piliers : rendement, heures de main-d’œuvre et prix de vente. La grande majorité des systèmes Eco présente chaque année un rendement commercialisé plus faible que la référence. En moyenne, leur rendement commercialisable est inférieur de 19 % par rapport aux systèmes de référence. La perte de tonnage se retrouve dans l’ensemble des systèmes Eco, quelle que soit l’espèce. Pour l’abricot, la baisse générale de rendement commercialisé dans les systèmes Eco s’explique en partie aussi par une quantité de déchets plus importante que dans les systèmes PFI, conséquence d’attaques plus importantes de forficules, tordeuses, tavelure et monilia. De manière générale, la baisse de rendement commercialisable sur Eco est davantage liée à des facteurs ayant affecté le fonctionnement global des arbres, comme l’alimentation hydrominérale (effets de la réduction de la fertilisation minérale et de l’irrigation, compétition par l’enherbement ou le BRF…) impactant la croissance végétative, la formation des jeunes arbres et la vigueur.

 

Un temps de main-d’œuvre Eco plus important

Le rendement peut être augmenté par une densification de la production et une diminution des pertes (filets, bâches…). Ainsi, deux systèmes Eco ont obtenu des rendements bien supérieurs à ceux de la référence PFI, de +61 % et +53 %. Il s’agit de deux systèmes abricot conduits en haute densité : en palmette à l’Inrae de Gotheron avec 1 000 arbres/ha et en mur fruitier à SudExpé avec 667 arbres/ha, avec une entrée en production dès la 3e feuille. Le temps de travail est plus important dans les systèmes Eco. Tout d’abord car la production est souvent moindre, mais également à cause de l’enroulage et déroulage des filets et/ou des bâches anti-pluie (de 60 à 200 h/ha de plus) ; du travail mécanique sur le rang (environ cinq passages, soit de 5 à 10 h/ha, dans les systèmes y ayant recours) ; et de l’utilisation de la glu contre les forficules (10 h/ha). Les heures de main-d’œuvre peuvent être limitées dans des systèmes où la valorisation se fait en industrie (prune d’Ente et mirabelle), grâce à la mécanisation de la récolte, mais reste très difficile pour les espèces valorisées en frais. Ainsi, la valorisation marchande des efforts de réduction des pesticides dans les systèmes Eco est un pilier majeur pour le développement de ces systèmes innovants.

Bio et « zéro résidu » aussi à l’étude

L’évaluation de systèmes Eco en abricot, cerise et prune se poursuit après la fin du projet CAP ReD afin de renforcer les résultats obtenus de 2013 à 2018. Deux projets Dephy Expé 2, Mirad (sur abricot) et Prumel (sur prune multi-espèces) prennent la suite de CAP ReD depuis 2019, en intégrant en plus l’évaluation de systèmes bio et « zéro résidu », ainsi que de nouveaux leviers.

Rédaction Réussir

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