Economie, frontières et origine

L'heure est plus que jamais au “Consommez français !”. Nos politiques, sous l'impulsion de nos producteurs, n'ont plus que ce mot-là à la bouche. L'origine France s'affiche fièrement, souvent en très gros, sur tous les étals de l'Hexagone, grande distribution en tête. Visite au rayon fruits et légumes dans un grand Monoprix de Paris en semaine 33 : quasiment pas un seul produit qui ne soit pas d'origine France, exception faite bien sûr du peu de produits exotiques (ananas, mangue…) et d'une référence de pêches plates venues d'Espagne. Certes, c'est la pleine saison pour nombre de fruits français, les volumes et la qualité sont au rendez-vous, mais l'origine France n'a jamais été aussi présente.
Les ventes de produits exotiques pâtissent-elles, elles aussi, de cette incitation à consommer français ? Oui, aussi, nous indique-t-on. En grande distribution, les consommateurs classiques les boudent un peu plus, mais la GMS capte de plus en plus les populations dites “ethniques”, grands consommateurs d'exotiques, ce qui devrait rééquilibrer un peu la donne. Néanmoins les importateurs revoient leurs offres (lire p. 30).
Que la France fasse la promotion de ses produits, du consommer local, soit. Soutenir notre production, elle en a besoin. Faire travailler l'économie française, OK. Mais de quelle économie parle-t-on ? Promouvoir à outrance nos produits, montrer du doigt parfois violemment ceux de nos voisins européens, c'est un peu oublier que la France exporte aussi et pas que du premium… C'est aussi un peu oublier qu'on a besoin d'importer, même des fruits et légumes produits sur notre territoire, quand les quantités ne sont pas suffisantes ou hors saison pour satisfaire la consommation. De quelle frontière parle-t-on aussi ? Que dire des opérateurs frontaliers qui viennent cultiver dans l'Hexagone pour vendre sur notre territoire des produits origine France, à l'image des fils Henk Vandevelde, cette entreprise belge qui souhaitent implanter des serres de tomates dans le nord de la France (lire fld hebdo du 26 août 2015) ?
Et ces gros opérateurs français, de pommes par exemple, qui importent aussi pour optimiser leur outil industriel. N'est-ce pas aussi cela l'économie française ?