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Covid-19
Du global au local, conséquences et adaptations des entreprises alimentaires à la crise

L’Académie d’Agriculture de France a organisé le colloque Etats de l’Agriculture 2021 sur le thème “L’agriculture post-COVID : global ou local ?” le 10 février. La première partie du colloque a été consacrée à la sécurité alimentaire, la seconde au témoignage des entreprises quant à leurs adaptations face à la crise, sous forme de table-ronde.

La table-ronde, animée par Jean-Marie Séronie (membre de l’Académie d’agriculture de France), a réuni Stéphane Layani (président du Marché International de Rungis), Christophe Grison (agriculteur céréalier et maraîcher dans les Hauts-de-France), Jérôme Velin (directeur achats et logistique d’Elior France) et Christophe Bonno (directeur des relations institutionnelles agricoles d’Intermarché - Les Mousquetaires).
© Capture d'écran - FLD/AAF

S’il y a bien un terme qui a été remis au goût du jour avec la crise, c’est celui de souveraineté alimentaire, ou encore de sécurité alimentaire. « La sécurité alimentaire, c’est la capacité de tout temps d’approvisionner le monde en produits de base pour soutenir une croissance de la consommation alimentaire tout en maîtrisant les fluctuations et les prix, selon la définition du Sommet mondial de l’alimentation en 1974, rappelle Patrick Caron, chercheur au Cirad et vice-président de l’Université de Montpellier. La crise nous amène à réapprendre la notion de sécurité alimentaire et de se recentrer sur le local. »

Renouer avec le local pour retrouver l’autonomie ?

« Il y a des raisons de se féliciter, car avec le local on renoue avec la diversité de l’offre contre la standardisation, des dynamiques communes se mettent en place, etc. Mais n’oublions pas les risques : risque de confondre produit local et produit durable, de repli national au niveau politique…. Il faut repenser les leviers global/local et leur interdépendance et mettre en place un cadre politique pour trouver une cohérence », estime Patrick Caron.

Accords commerciaux : l’harmonisation des normes réglementaires ne risque-t-elle pas de tirer la qualité et les exigences vers le bas ?

« La crise a mis en lumière notre non-autonomie, notamment en fruits et légumes (surtout en fruits) et en viande (les viandes produites ne sont pas celles consommées) mais aussi en moyens de production : carburants, phytos et engrais, machines agricoles et surtout main d’œuvre, résume Sophie Devienne, professeur d'Agriculture comparée et développement agricole à AgroParisTech. Elle a aussi accéléré certaines tendances, notamment une plus grande attention portée à d’autres qualités du produit que le rapport qualité prix : santé, environnement, économie locale… » Face à la crise, les entreprises se sont adaptées : mesures sanitaires, organisation du travail… Ce sont surtout les nouvelles tendances qui les ont poussées à mettre en place de nouvelles stratégies.

Restauration hors domicile : flexibilité et digitalisation

Chez Elior, on a misé sur la digitalisation. « Face à des attentes qui se sont renforcées, nous avons accéléré la mise en place des innovations sur lesquelles nous travaillons déjà : l’importance d’une bonne cuisine, de la qualité et de la transparence, mais surtout la digitalisation, explique Jérôme Velin, directeur achats et logistique d’Elior France. On a ainsi travaillé sur la flexibilité : Avec des moyens de paiement digitaux, la possibilité de scanner son plateau pour éviter de faire la queue et des horaires élargis pour les salles de restauration, mais aussi la mise en place de click and collect pour ceux qui ne veulent pas consommer sur place. »

Vente à la ferme : ne pas négliger les commandes Internet et les casiers

Christophe Grison, agriculteur céréalier et maraîcher dans les Hauts-de-France, pratiquait déjà la vente à la ferme, avec un petit magasin de 30 m2 et un distributeur automatique. La crise lui a amenée de nouveaux clients, « la plupart étant heureusement restés fidèles après les déconfinements ». L’agriculteur a adapté les horaires du magasin, élargi la gamme grâce à des partenariats avec des agriculteurs voisins et lancé un site Internet pour le passage de commandes. « Internet a fait la différence donc on a pérennisé l’outil, confirme Christophe Grison. Le distributeur automatique a aussi bien fonctionné mais il faut avoir en tête les contraintes logistiques : en période des fraises, c’est 18 fois par jour qu’il faut le réachalander, c’est presque une personne dédiée. »

Même son de cloche du côté des grossistes de Rungis : l’application Rungis Livré chez Vous a « cartonné », selon Stéphane Layani, qui confirme l’intérêt grandissant des consommateurs pour des produits bruts, de qualité, locaux ou encore la digitalisation.

Industriels et distributeurs : repenser l’offre pour des produits plus locaux et transparents

Intermarché a pu jouer sur son modèle de directeur de magasin-chef d’entreprise qui permet des prises de décisions immédiates et sur sa stratégie d’implantation de proximité (un magasin tous les 17 km et 1 500 drives). Côté usines, le producteur-distributeur a fait face aux confinements en réduisant la largeur de gamme pour se concentrer sur les produits à gros volumes. Sur le long terme, l’enseigne travaille sur les attentes renforcées par la crise. « Le prix reste important bien sûr mais les attentes concernant le made in France et les produits santé et “sans” ont été accélérés par la crise. Ce sont des gammes que nous travaillions déjà, mais que nous sommes en train de développer encore plus », rappelle Christophe Bonno, directeur des relations institutionnelles agricoles d’Intermarché - Les Mousquetaires.

Selon lui, la tendance aux produits bruts, dont les ventes ont bondi en 2020, va perdurer, en raison de la pérennisation du télétravail (plus de cuisine à la maison), et de la défiance montante envers les produits transformés. « Sur ce dernier point, on se doit d’être transparents et d’épurer nos recettes. Intermarché a un chantier sur 3 000 recettes qui va s’accélérer. Autre tendance durable à prendre en compte : le local. Nous avons baissé notre assortiment national de 5 % afin de faire de la place à l’offre locale. Notre objectif est de passer de 5000 producteurs locaux à 15 000, nous avons mis en place une plateforme de recensement… »

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