Dossier Serre : des robots d’intérieur
Les cultures sous serre tendent vers toujours plus d’automatisation. La robotique apporte une réponse à ce besoin en automatisant des tâches à fort besoin de main-d’œuvre.
Les cultures sous serre tendent vers toujours plus d’automatisation. La robotique apporte une réponse à ce besoin en automatisant des tâches à fort besoin de main-d’œuvre.
Les projets de robots évoluant dans les serres ne manquent pas. Ils sont nombreux à se concentrer sur les postes les plus demandeurs en main-d’œuvre, récolte et effeuillage en tête. Mais dans un environnement aussi particulier qu’une serre, ils doivent répondre à des difficultés de conception bien spécifiques. « Rien n’est géométrique dans une serre, toutes les plantes sont différentes, l’éclairage varie au cours de la journée… Le traitement du signal visuel est l’un des principaux défis à relever lors de la conception d’un robot », expose Olivier Berthelier, de Priva. Pour les robots de récolte et d’effeuillage, la découpe des fruits et des feuilles est l’autre point crucial. Elle doit pouvoir se faire sans risque de transmettre des maladies.
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Le monde de la serre a rendez-vous à Angers
Les structures des serres évoluent
De nombreux acteurs de la recherche publique et privée travaillent sur leur version d’un robot autonome sous serre. Priva se prépare ainsi à commercialiser un robot pour l’effeuillage des plants de tomate, une tâche qui représente environ 30 % des besoins de main-d’œuvre en serre de tomate. Ce robot, appelé Kompano, a été présenté lors du salon Greentech en 2016 où il a remporté le premier prix du concours de l’innovation. Il est actuellement en phase de production pour une fabrication en série. En recherche publique cette fois, la récolte du poivron sous serre a été travaillée au sein de plusieurs projets. Développé par l’Université du Queensland en Australie entre 2013 et 2017, le projet de recherche Harvey a abouti à la création d’un robot de récolte. « La combinaison de techniques de vision robotique et d’outils de manipulation des fruits est un facteur clé pour la récolte de ces cultures », indiquent les chercheurs ayant travaillé sur le projet. Le bras du robot Harvey possède une ventouse qui fixe les poivrons ainsi qu’une lame pour couper les pédoncules.
Cartographier les obstacles autour du fruit
En Europe, le projet Crops, coordonné par l’Université de Wageningen (Pays-Bas) entre 2010 et 2014, a débouché sur un premier prototype de robot de récolte. Ce travail a servi de point de départ au développement du robot Sweeper, impliquant six partenaires de quatre pays différents (Pays-Bas, Belgique, Suède et Israël), débuté il y a quatre ans. Liesbet Van Herk, de la station belge de recherche légumière PSKW, partenaire du projet, exprime dans les colonnes de la revue belge Proeftuin nieuws toute la complexité d’une récolte robotisée de poivrons : « En été, les fruits sont parfois très rapprochés, en grappes, ce qui rend difficile la récolte individuelle sans endommager les autres fruits. De plus, ils sont souvent masqués par des feuilles. Parfois, ils sont également suspendus derrière la tige, ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas être atteints par le bras du robot ». Sweeper intègre une caméra sur son bras, qui scanne la culture à la recherche de fruits. Dès qu’un fruit est détecté, le bras du robot détermine la maturité du fruit et cartographie les obstacles autour de lui (feuilles, tige, autres fruits). Si le fruit est mûr, une lame en mouvement coupe le pédoncule et le poivron tombe sur les « doigts » du robot puis est déposé dans une caisse. Un tapis roulant relié au robot pour transporter les poivrons dans des chariots de récolte pourra compléter le cycle d’automatisation à l’avenir. Un module Led émettant des flashs entoure la caméra, ce qui rend possible la récolte de nuit.
Pas encore adapté à une conduite en V
Les essais réalisés à la station PSKW montrent des différences de taux de fruits récoltables avec Sweeper entre les variétés. Parmi les variétés disponibles dans le commerce, Riazor (rouge) et Ballaidos (jaune) semblent les plus appropriés. L’enlèvement régulier des feuilles et l’enlèvement occasionnel des jeunes fruits augmentent la proportion de fruits récoltables mécaniquement. La récolte d’un fruit prend pour le moment 24 secondes. Sweeper est adapté à une conduite en haie, car le bras du robot doit pouvoir s’approcher de chaque tige des deux côtés. Avec un palissage en V, certains fruits lui sont inaccessibles. Lors d’un essai, le robot a réussi à récolter 31 % des fruits mûrs avec une conduite en haie, et 20 % avec une conduite en V. Après avoir supprimé manuellement les feuilles et les fruits en grappe masquant les poivrons, ces pourcentages sont passés respectivement à 62 % et 49 %. L’incapacité de cueillir les poivrons à l’intérieur d’un palissage en V est l’un des principaux freins à une éventuelle commercialisation de Sweeper. « Il est clair que cette machine n’est pas encore prête pour la production, estime Jochen Hemming, de l’Université de Wageningen, dans Proeftuin nieuws. Pour cela, nous devons non seulement effectuer de nombreux autres tests, mais les principaux défis consistent à augmenter la vitesse de récolte et le pourcentage de poivrons récoltés […] Je suis convaincu que dans cinq à dix ans, les premiers robots de récolte commerciaux seront utilisés en cultures sous serre. »
Les fraises aussi
La start-up belge Octinion s’intéresse, elle aussi, à la robotisation de la récolte, mais en culture de fraise hors-sol. « C’est l’une des cultures les plus délicates à cueillir. Si on peut avoir un robot opérationnel pour la récolte de fraise, on pourra y arriver avec beaucoup d’autres cultures », affirme Tom Coen, directeur général d’Octinion. Leur robot récolteur de fraise Rubion a été lancé lors du dernier Fruit Logistica. « Le bras du robot s’approche de la fraise par en dessous, ses deux « doigts » l’entourent, puis il effectue une rotation à 90 degrés pour séparer la fraise de son pédoncule, décrit Tom Coen. Ainsi, la cueillette se fait sans le pédoncule, le robot n’a pas besoin de le localiser ». La start-up prévoit une première mise en marché de son robot pour début 2020.
Micro-drones contre ravageurs
La start-up hollandaise Pats a eu une idée un peu folle pour éliminer les ravageurs aériens dans les serres : des drones miniatures équipés de caméras. Lorsqu’un insecte est détecté, le drone fonce vers lui et le met en morceaux avec son hélice. Des tests en serres de Gerbera ont été effectués, mais la start-up vise à terme les légumes sous serre. L’un des principaux défis à relever pour ces micro-drones sera de distinguer les espèces à tuer et les auxiliaires…
Un traitement automatisé
Comme pour de nombreuses autres opérations culturales, la robotisation est la phase ultime de la mécanisation de la pulvérisation sous serre. A l’image du robot de traitement automatique Meto, de Royal Brinkman, commercialisé depuis plusieurs années. Son pilotage s’effectue via un panneau de commande puis le robot peut passer dans le rang tout seul. Un dispositif complémentaire peut déplacer Meto d’un rang à l’autre, permettant ainsi de ne pas être présent dans la serre pendant le traitement.
La récolte des tomates grappes
La start-up française Syha développe actuellement un robot pour la récolte des tomates grappes sous serre. « Nous travaillons sur la deuxième version du prototype, indique Céline Franquesa, directrice des opérations du projet. Le premier prototype nous a montré qu’il était possible d’avoir un robot capable de ramasser des tomates grappes. La version 2 se rapproche un peu plus d’une version commerciale. Elle sera capable de récolter de manière autonome toute une rangée et donc de remplir plusieurs caisses. » Ce nouveau prototype sera livré d’ici juin, puis sera testé en situation de production chez des producteurs partenaires du projet. L’objectif de la start-up est de livrer les premières versions commerciales aux producteurs partenaires en 2020, pour un début de commercialisation réelle en 2021. « Chaque serre est différente, chaque producteur a sa façon à lui de travailler. Développer un robot qui puisse travailler dans la majorité des situations rencontrées prend du temps », explique Vincent Vidal, directeur général de Syha. Le robot doit notamment être capable de récolter différentes variétés. Après la récolte, Syha visera la robotisation de l’autre poste très gourmand en main-d’œuvre, l’effeuillage.