Dossier Salade : les jeunes pousses toujours en croissance
Après avoir connu des croissances à deux chiffres, le marché des jeunes pousses augmente un peu plus lentement aujourd’hui. Le segment reste toutefois le plus important et le plus dynamique de la 4e gamme.
Après avoir connu des croissances à deux chiffres, le marché des jeunes pousses augmente un peu plus lentement aujourd’hui. Le segment reste toutefois le plus important et le plus dynamique de la 4e gamme.
Nés du mesclun traditionnellement consommé en région niçoise et des jeunes pousses de roquette vendues en frais en Italie, le marché et la production de jeunes pousses se sont vraiment développés en France à partir de 1995, avec l’essor de la 4e gamme. Par la suite, l’offre s’est étendue au marché du frais, avec une vente en vrac ou en barquettes ou sachets 1re gamme. Fin juin 2018, le chiffre d’affaires des jeunes pousses 4e gamme, qui représentent 80-90 % des ventes de jeunes pousses, s’élevait en cumul à date à 200 M€, soit 3 % de plus qu’en 2017. « Même si la croissance est un peu moins forte ces dernières années, les jeunes pousses restent le segment le plus dynamique de la 4e gamme », assure Agnès Porte Chapui, directrice marketing de Florette France. Selon le panel Nielsen, les jeunes pousses représentent aujourd’hui 43 % des ventes de salade 4e gamme. Et selon le Kantarworld Panel, leur taux de pénétration en 2018 est de 54 % (+1 %), avec en moyenne 6,5 sachets ou barquettes achetés par an par acheteur. « Les jeunes pousses répondent aux attentes des consommateurs par la richesse de l’offre, le goût doux consensuel des jeunes pousses de salade, le goût plus typé de certaines espèces et une présentation en petites feuilles entières qui permettent une utilisation en salade et en décoration », estime Agnès Porte Chapui.
Développement de la roquette et de l’épinard
En vingt ans, l’offre s’est élargie. La mâche, incluse dans le segment des jeunes pousses du fait de sa petite taille, représente 37 % des ventes, les mélanges divers 23 %, les mélanges de mâche et autre espèce (mâche-épinard, mâche-cresson…) 16 %, la roquette 9,5 %, le mesclun 9 % et les épinards 2 %. Et mis à part le mesclun (-10 % en 2018), toutes les références se développent. Les industriels continuent à rechercher des espèces et variétés de couleurs, de formes et de goûts variés. Mais globalement, l’évolution se fait plutôt vers des espèces à feuilles épaisses, qui améliorent le rendement et la conservation, au détriment de types aux feuilles plus fines comme les laitues. Ces dernières années, la roquette et l’épinard se sont ainsi développés, en mélange puis en mono-produit. « Les jeunes pousses d’épinard ont marqué une nouvelle ère pour cette espèce, analyse Chrystel Texier, chef produit salade chez Rijk Zwaan. Jusqu’ici utilisée surtout en feuilles entières par les personnes âgées, elle est aujourd’hui consommée en jeunes pousses par toutes les générations. » D’autres espèces aux feuilles épaisses sont également en progression, comme la red chard ou la romaine rouge, qui se développent depuis trois à quatre ans au détriment de la batavia rouge. Quelques espèces ou variétés plus typées continuent aussi à être utilisées en petites quantités, comme le pak-choï, le tat-soi, le cresson, le cerfeuil, la Mizuna. On trouve également des jeunes pousses de laitues multifeuilles, aux feuilles incisées, développées pour les mélanges aux champs parce qu’elles apportent du volume dans les sachets. « Le type a été renouvelé il y a six-sept ans avec des variétés aux feuilles plus épaisses et plus tolérantes à la montaison, indique Stéphane Pavy, responsable jeunes pousses chez Enza Zaden. Malgré tout, leur utilisation reste limitée du fait de soucis d’oxydation de ces feuilles très incisées. » Plus récemment, on a vu apparaître (Bonduelle, Florette) de la mâche en feuilles libres, produite à partir de variétés spécifiques et qui permet de garantir l’absence de sable. Au final toutefois, les mélanges se limitent le plus souvent à trois, quatre ou cinq espèces. « Il y a 15 ans, on imaginait des mélanges sophistiqués, analyse Elie Dunand, consultant pour la 4e gamme. Mais toutes les espèces n’ont pas la même tenue après récolte. Pour faciliter la gestion des stocks, les industriels se concentrent aujourd’hui sur l’essentiel et limitent le nombre d’espèces dans les mélanges. »
Améliorer la tenue des jeunes pousses de salade
Après avoir connu des croissances à deux chiffres, les ventes et la production de jeunes pousses augmentent toutefois moins vite depuis deux à trois ans. « Il y a un problème de tenue des jeunes pousses de salade, estime Elie Dunand. En production, il faudrait ralentir la vitesse de pousse, qui est inversement proportionnelle à la tenue du produit. Il faudrait aussi améliorer les conditions de stockage et distribution. » En 2018, Voie Verte a ainsi réduit ses surfaces de jeunes pousses au profit de salades multi-feuilles récoltées et effeuillées à la main, de meilleure tenue post-récolte que les jeunes pousses de salade et qui permettent de proposer des feuilles entières à l’image plus naturelle que des feuilles découpées en usine. « Les multi-feuilles pourraient être amenées à se développer au détriment des jeunes pousses de salade », analyse Elie Dunand. Enfin, un autre souci est que les jeunes pousses sont gourmandes en énergie, le manque de solutions de désherbage amenant à systématiser la désinfection vapeur pour des cultures au cycle court.
Une production française concentrée sur l’été
L’été, les jeunes pousses utilisées par les 4es gammistes français ou vendues en frais sont produites en France, en plein champ, principalement en région nantaise, Normandie, Picardie et Bretagne. L’hiver, des jeunes pousses sont également cultivées sous grands abris plastiques, en région nantaise et dans le Sud-est. Mais l’essentiel des volumes est alors importé d’Espagne ou d’Italie. Depuis peu, avec l’intérêt des consommateurs pour du produit français, la demande des industriels et des distributeurs pour des jeunes pousses produites en France entraîne toutefois un certain développement de la production hivernale. Fin 2017, Bonduelle a ainsi lancé « la salade de nos producteurs », assortiment d’au moins trois variétés de jeunes pousses, garantie 100 % origine française toute l’année, dont la composition varie selon la saison. Une autre tendance, pour répondre aux attentes des consommateurs, est l’apparition d’une offre bio et d’une offre « Zéro résidu de pesticides ». Depuis un an et demi, Florette a ainsi lancé trois références de jeunes pousses bio (roquette, mâche, jeunes pousses de laitue). « Comme tous les consommateurs, le consommateur bio d’aujourd’hui recherche aussi de la praticité, la difficulté sur ce créneau étant la maîtrise du sourcing », note Agnès Porte Chapui.
Une bonne maîtrise technique
La maîtrise de l’enherbement et la gestion sanitaire sont des aspects délicats de la production des jeunes pousses qui sont cultivées à haute densité et sur des cycles courts.
Les jeunes pousses des salades et autres espèces sont cultivées en planches, à haute densité (1 300-1 400 graines/ml, soit 1 100 graines/m²) pour faciliter la récolte mécanique et optimiser le rendement. « Le choix de la densité est un élément important du savoir-faire des producteurs. Elle conditionne le rendement et varie notamment selon la luminosité », souligne Stéphane Pavy, chez Enza Zaden. La culture se fait en variété pure pour la 4e gamme, les variétés étant ensuite mélangées en usine, et le plus souvent en mélange pour les jeunes pousses de salade destinées à la vente en frais. Le semis direct des graines nues est une étape essentielle et implique l’utilisation de semoirs de précision et une bonne préparation de sol pour ne pas risquer un effondrement de la structure. La durée du cycle varie selon la période, de trois semaines l’été à plus d’un mois et demi l’hiver sous abri, avec alors parfois une ou plusieurs « recoupes » de la culture. Les délais avant récolte des herbicides étant difficiles à respecter sur des cycles courts et une absence totale d’adventices à la récolte étant exigée, la maîtrise de l’enherbement est une des principales difficultés de la production et passe par la désinfection des sols et désormais l’usage de robots désherbeurs à guidage optique.
Filets anti-insectes
La culture se faisant à haute densité, parfois en mélange avec des espèces plus ou moins sensibles aux pathogènes et là aussi le problème des délais avant récolte, la gestion sanitaire est une autre difficulté. Les principaux ravageurs sont les altises (roquette, mizuna, tat-soi), les mouches des semis (épinard, redchard), les pucerons et les thrips (épinard), auxquels s’ajoutent les oiseaux, les lapins, les sangliers… Outre un usage raisonné des insecticides, on assiste aujourd’hui au développement des filets anti-insectes, utilisés en bio mais aussi en conventionnel. Quant aux maladies, les principales sont la fonte des semis, gérée par la désinfection des sols, le rhyzoctonia et le mildiou sur laitue, épinard et roquette, géré quand cela est possible par des résistances ou tolérances variétales. Les cycles étant courts et les producteurs ayant donc tendance à augmenter le nombre de cycles par parcelle, des problèmes de fatigue des sols existent également. Enfin, les cultures de jeunes pousses sont très sensibles aux orages, à la grêle, à l’excès d’eau. Au final, le rendement varie ainsi de 1 à 2,5 kg/m².
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La roquette en pleine ascension