Dossier Asperge : planter asperge sur asperge
Planter asperge sur asperge comporte des risques. C’est toutefois possible, en replantant rapidement et en apportant une attention particulière à la préparation du sol.
Planter asperge sur asperge comporte des risques. C’est toutefois possible, en replantant rapidement et en apportant une attention particulière à la préparation du sol.
La plantation d’une aspergeraie doit idéalement être effectuée sur un terrain vierge de culture d’asperge. Toutefois, la disponibilité des surfaces sur certaines exploitations de plus en plus spécialisées conduit à planter asperge sur asperge. La situation expose la nouvelle culture à un effet toxique émis par les anciennes griffes sur la nouvelle culture (voir encadré) et aux risques accrus de développement de maladies du sol (Fusarium et Rhizoctonia).
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Eviter les conditions favorables aux champignons
Dans le Val de Loire, la replantation sur une aspergeraie est évitée dans la majorité des cas grâce à la disponibilité de parcelle neuve. Toutefois pour Baptiste Richard, conseiller technique Légumes de Fleuron d’Anjou, la situation s’est présentée chez l’un des adhérents de la coopérative. « Nous avons tout mis en œuvre en fonction des données techniques que nous avons recueillies car il existe peu d’expérience en France », précise le technicien. Selon ces données, la replantation a été effectuée dès l’année suivante. Elle a débuté par un travail du sol en profondeur pour émietter les griffes. « L’idéal serait d’enlever les griffes de la parcelle », mentionne Baptiste Richard. Un enherbement entre-rangs, type engrais vert, les années précédant la destruction de l’aspergeraie est également conseillé. Sa masse foliaire et surtout radiculaire enfouie permet de disposer d’un sol idéal pour une croissance très rapide. D’autant que la plantation se fera dans l’entre-rang moins colonisé par les racines de l’ancienne culture. « Dans le cas précis, il n’y a pas eu d’engrais vert réalisé mais un apport important de matière organique, compost de fumier ou déchets verts et une fertilisation de fond conséquente », signale le spécialiste. L’aération du sol a ensuite été favorisée par un passage de rotobêche. Celle-ci permet d’éviter de créer des conditions favorables aux champignons de faiblesse du type Fusariose et Rhizoctone qui pourraient se trouver en situation propice pour leur développement. « La replantation oriente également le choix variétal vers des variétés vigoureuses, de gros calibre dans le créneau de saison, en évitant les variétés précoces qui pourraient s’avérer sensibles à la baisse de calibre que peut induire la replantation », relève Baptiste Richard.
Quatrième replantation asperge sur asperge
En Alsace, la situation de replantation sur aspergeraie est de plus en plus fréquente. « Les exploitations sont de surface moyenne avec des « parcelles à asperge » en nombre limité et une forte pression sur le foncier qui limite les possibilités de trouver de nouvelles terres », commente Philippe Sigriste, technicien asperge de Planète Légumes. Même si ce n’est pas la meilleure situation, certains asparagiculteurs ont donc planté asperge sur asperge. Sans problème de rhizoctone violet, le risque semble en partie limité. « Aux Pays-Bas, où ce problème sanitaire n’existe pas ou peu, certains producteurs sont à la quatrième replantation asperge sur asperge », fait remarquer le spécialiste. En revanche, la présence de Rhizoctonia violacea rend la situation plus périlleuse. Aussi, Planète Légumes a mis en place un essai en situation de risque avéré avec la présence de la maladie dans le sol. Les sols limoneux semblent plus favorables à son développement que les sols sableux. « L’essai implanté en 2018 va permettre d’observer cinq variétés car on sait que certaines sont plus ou moins résistantes, et cinq produits à base de mycorhize et de trichoderma », informe le technicien. Le protocole et les travaux sont également suivis par ses homologues d’outre-Rhin. Les premières observations seront possibles à partir de l’année prochaine.
Dans le Lot où les exploitations de polyculture-élevage disposent de peu de « terre à asperge », quelques replantations sur les mêmes parcelles ont été effectuées il y a cinq à six ans, après plusieurs années de rotation. « Des baisses de rendement dues à une mortalité importante des griffes suite à des attaques de Rhizoctone ont été constatées », relate Leslie Van Haussen, technicienne de la coopérative Capel. Dans les Landes, la disponibilité de surfaces permet d’éviter les situations de replantations asperge sur asperge. L’élargissement des implantations, plantation à 3 m pour faciliter le buttage, permet également une replantation dans l’inter-rang dans le cas éventuel. Dans le Sud-est, les plantations s’effectuent aussi habituellement sur des terres vierges d’asperge.
Des PNR inférieurs au témoin
En Région Centre, dans le cadre de la replantation d’une culture d’asperge blanche, plusieurs méthodes de désinfection de sol ont été évaluées à la station LCA, Légumes Centre Action. Ainsi de 2006 et 2012, un essai de replantation d’asperge blanche sous abri a permis d’évaluer l’intérêt de la désinfection des sols (DMDS = diméthyl-disulfure, non homologué) et la capacité d’une biodésinfection à base de crucifères. Ces désinfections seront comparées à un témoin non traité et à un témoin désinfecté au métamsodium (produit de référence récemment interdit d’utilisation). L’intérêt d’apport de champignon antagoniste (Thrichoderma sp.), suite à une désinfection, a également été observé. Six ans après désinfection, les conclusions de l’essai mentionnent que les différents types de désinfection présentent un PNR supérieur ou équivalent à celui du témoin avant l’application des modalités. Toutefois, les modalités désinfectées ont présenté des PNR inférieurs au témoin sur les premières années d’application (quatre à cinq ans) avec des rendements commerciaux supérieurs. « Les résultats n’étant pas statistiquement différents et il convient de rester prudent pour les conclusions à tirer des différences observées », mentionne néanmoins le compte-rendu de l’essai.
L’asperge phytotoxique pour sa nouvelle culture
Lors du dernier Congrès international de l’asperge qui s’est déroulé en 2017 à Potsdam (Allemagne), Ludger Aldehoff, chercheur allemand au BDSE Brucshal a présenté différents travaux liés à la problématique de replantation après une aspergeraie. En comparant le poids de griffe élevé dans différentes modalités de sol déjà utilisé pour la production d’asperge et de sol vierge, celui-ci met en évidence l’effet des toxiques émis par les anciennes griffes sur la nouvelle culture. Il montre également l’augmentation du poids des griffes (variété Backlim) dans le cas de désinfection au Basamid et DAP (diammonium phosphate). Ses observations mentionnent également la réduction importante du volume de racines superficielles assurant la nutrition de la plante, dans les sols de replantation asperge/asperge en comparaison avec un sol vierge ou désinfecté. Selon ces travaux, la présence des racines de l’ancienne aspergeraie serait phytotoxique pour la nouvelle culture. De plus celle-ci s’accroît d’année en année après l’arrêt de la culture, notamment entre la 2e et 4e année. D’où le conseil pratique de replanter dès l’année suivant l’arrachage d’une aspergeraie ou attendre au moins dix ans. Cette régression du chevelu racinaire et du potentiel d’absorption de la plante est donc à prendre en compte dans les gestions des apports fertilisants sur une aspergeraie replantée sur asperge. Enfin, l’observation de 17 variétés d’asperge dans un sol vierge ou de replantation montre que celles-ci réagissent différemment. Ainsi, Cumulus, Tallems, Gijnlim, Vitalim conservent leur potentiel racinaire dans la condition de replantation alors que celui de Steiniva, Bacchus, Fortems, Ramon est affecté d’environ 30 %. Les autres variétés ont une diminution d’environ 20 %.
5 précautions pour une replantation
1 Eliminer au maximum les résidus de griffes de l’ancienne culture pour limiter les risques de développement de fusariose
2 Labourer en profondeur pour favoriser l’aération du sol et le compostage des racines
3 Apporter une fertilisation organique conséquente et planter dans l’entre-rang
4 Préparer la bande de plantation à la rotobêche afin de fabriquer un nouveau profil de sol plus profond, homogène et aéré
5 Planter des variétés vigoureuses et mettre la plante dans une situation poussante pour compenser la pression des champignons pathogènes