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Maraîchage : des pionniers de la cueillette directe dans la Drôme

Alors que les circuits courts sont en pleine expansion, Christine et Jean-Louis Chizat, maraîchers dans la Drôme et gérants de La Cueillette de L’Herbasse, se sont lancés dans l’aventure de la cueillette à la ferme depuis déjà vingt ans.

Un nouveau mode de consommation... Ou un renouveau. Si le concept de la cueillette à la ferme existe depuis longtemps, il tend à se démocratiser : la vente à la ferme se définit comme le circuit de distribution le plus direct, entre producteurs et consommateurs. Ce mode de circuit court permet non seulement aux consommateurs de faire travailler l’économie locale, mais également de manger des produits dont la traçabilité est garantie.
Pour le couple installé à Granges-les-Beaumont, dans le nord de la Drôme, l’histoire a débuté au début des années 2000. Après avoir produit des légumes pour les primeurs puis avoir commercialisé une partie de sa production en vente directe, Jean-Louis Chizat, en besoin d’indépendance, décide d’ouvrir ses terres aux clients. Il cultive alors des fraises et un large choix de légumes : courgettes, salades, aubergines, pois, carottes, oignons, poivrons, etc. et accueille le public de mi-avril à fin septembre. A leur arrivée à la ferme, les consommateurs disposent d’une brouette, de cagettes et autres outils de jardinage et sont libres de cueillir autant de fruits et légumes qu’ils le souhaitent.

Quelques mauvaises surprises à la clef

Ils passent ensuite à la caisse. Mais ce fonctionnement contient son petit lot de désagréments. « Il arrive que des personnes ne sachent pas ramasser des légumes, qu’ils en gaspillent… J’indique notamment par un panneau les bandes à ramasser en priorité, mais certains n’hésitent pas à enfreindre les règles et passer par-dessus le grillage ! »
Parmi les mauvaises surprises, l’exploitant retrouve parfois des excréments en bords de serres ou de champs : « les gens sont capables de tout ! », relève Jean-Louis Chizat. Ce dernier avoue également avoir surpris des personnes en train de voler des légumes en dehors des horaires d’ouverture. « C’est avant tout une gestion humaine, et ma femme, qui m’a rejoint sur l’exploitation depuis 2001, a un très bon relationnel. » Le couple tient ainsi une permanence de près de six mois durant lesquels la relation avec le consommateur est primordiale. Ce fonctionnement permet ainsi aux agriculteurs de partager leur passion du métier, mais également d’échanger sur les différents modes de production. « Les gens posent de plus en plus de questions, notamment sur le respect de l’environnement », souligne Jean-Louis Chizat.

Le prix de l’indépendance

Soucieux de la qualité de ses légumes, l’exploitant agricole limite au maximum l’utilisation de produits phytosanitaires. « Nous privilégions une culture plus que raisonnée et donc plus respectueuse de l’environnement, en utilisant différentes techniques comme la mise en place d’insectes auxiliaires dans les serres, le binage, le paillage plastique biodégradable pour limiter le désherbage chimique… ». Egalement éleveur de bovins, le couple récupère plus de 150 tonnes de fumier pour apporter les minéraux et oligo-éléments nécessaires aux légumes. Toutefois, la cueillette à la ferme pose des contraintes assez lourdes. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, Jean-Louis Chizat ne compte pas ses heures. « Je multiplie la fréquence des semis pour étaler au maximum ma production dans le temps », explique-t-il. Le binage lui occupe aussi une bonne partie de son temps. Mais ce sont le prix de l’indépendance et le choix de partager au plus près son métier de passion…

Combiner les métiers d’agriculteur et de producteur à ceux de la logistique, de vente et d’accueil du public.

Une fréquence de semis étendue

 

 
Fin avril, Christine et Jean-Louis Chizat ouvriront les portes de leur exploitation maraîchère au grand public pour la récolte 2020. Cinq mois durant lesquels les clients pourront cueillir eux-mêmes leurs fruits et légumes. Si le couple d’exploitants jouit d’une expérience riche de ces vingt dernières années, l’organisation nécessaire pour leur permettre de disposer de fruits et légumes le plus longtemps possible n’est pas toujours chose aisée. Et pour cause. Il faut ces dernières années s’adapter au changement climatique et notamment aux fortes chaleurs, qui ont un impact tant sur les produits que sur la fréquentation du public. Pour autant, Jean-Louis Chizat ne change pas ses méthodes de production. « Nous essayons de multiplier les bandes de plantation et de les étaler le plus possible », explique-t-il, alors qu’il cultive près de six hectares. Serrer les bandes pour augmenter la production, tel est l’objectif de La Cueillette de l’Herbasse. « Lors des mises en place de culture, il ne faut pas hésiter à en faire plus que ce que nous avons besoin, quitte à en gaspiller », souligne l’exploitant. C’est le cas notamment pour les tomates, « le produit d’appel par excellence ». « Pour ne pas manquer d’approvisionnement, nous multiplions les fréquences de semis tout en resserrant les bandes ». Pour disposer de fruits et légumes au moment adéquat, les gérants de La Cueillette de l’Herbasse adaptent également les délais de couverture des serres, notamment pour la production de fraises. « Nous couvrons les bandes au moment de la maturité des fruits », prévient Jean-Louis Chizat. Parfois, il est même obligé de fermer l’accès à des serres ou des terres cultivées pour laisser le temps aux fruits et légumes d’atteindre le stade de maturité attendue. « Nous ne pouvons pas tout maîtriser », conclut-il.

 

A.P.

Une indépendance… et des contraintes !

 

 
Si la cueillette à la ferme présente de nombreux avantages, dont le fait d’éviter tout intermédiaire entre le producteur et le consommateur, ce mode de commercialisation en vente directe a tout de même quelques contraintes. Il faut ainsi combiner non seulement les métiers d’agriculteur et de producteur à ceux de la logistique, de vente et d’accueil du public. C’est ainsi une charge de travail significative, parfois sous-estimée. Pour satisfaire les consommateurs, les producteurs doivent offrir un panel de fruits et légumes le plus large et étoffé possible, ce qui entraîne une multiplication des semis et un entretien plus régulier des parcelles. Ces dernières doivent d’ailleurs être facilement accessibles aux différents publics (enfants, adultes, personnes âgées), fléchées, et dotées d’aires de parking. D’autre part, les producteurs doivent assurer une communication « coup de poing » ponctuelle lors de leurs périodes d’ouverture : signalisation, réseaux sociaux, site internet, etc. Les plages horaires, relativement larges, contraignent aussi les producteurs à assurer une présence sur le site. Enfin, l’affluence du public dans une parcelle de fraises par exemple peut vite entraîner une perte considérable : piétinement, consommation sur place, etc. Le réseau des Chambres d’agriculture de Bretagne estime un taux de perte important, proche des 30 %. Des vols sont également parfois recensés, en dehors des horaires d’ouverture.

 

A.P.

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