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Comment redynamiser les circuits courts

Durant le premier confinement, les circuits courts ont connu une période bénie. Mais ce modèle de distribution alimentaire s’essouffle quelque peu depuis le déconfinement. Comment capter à nouveau l’intérêt de ce consommateur, pour le moins, inconstant ?

Des chiffres de croissance extraordinaires : c’est ce qu’ont connu les différents types de circuits courts pendant la période du Covid, selon Yuna Chiffoleau, directrice de recherche en sociologie à l’INRAE. « Avec une demande parfois multipliée par dix ». Sauf que depuis, le soufflet est quelque peu retombé. Et les producteurs, déçus, voient cette nouvelle clientèle qu’ils avaient su capter revenir à ses vieilles habitudes de consommation.

L'alimentation, variable d'ajustement

Certains circuits courts s’en sortiraient mieux. C’est ce que constate Aurélie Long, responsable du Pôle circuits courts et Formations chez Terre d’Envies, association qui accompagne un réseau de 70 magasins de producteurs dans le Grand-Est et en Rhône-Alpes. « Depuis mai 2021, nous constatons une diminution des ventes dans nos magasins, clairement liée à une baisse de fréquentation. Avec des résultats toutefois contrastés. Les magasins rhônalpins s’en sortent mieux, avec une baisse de chiffre d’affaires variant de -1 à -3 % tandis que leurs homologues du Grand-Est enregistrent des diminutions allant de -15 à -20 %. Bien que nous n’ayons pas encore de données, il semble que le premier trimestre 2022 ait été très calme même s’il y a eu une reprise au moment des fêtes de Pâques. Mais tout ceci ne manque pas de nous interroger ».

Une grande enquête nationale va être lancée auprès des professionnels et des consommateurs pour comprendre ce qui se passe, indique Yuna Chiffoleau. « Au vu de premiers éléments, certains types de circuits courts s’en sortiraient mieux que d’autres dont les marchés de plein vent. Les résultats seraient moins bons pour la vente à la ferme et les Amap. On note aussi une désaffection pour le bio ». La conjoncture actuelle n’est sans doute pas étrangère au fait que les consommateurs ne soient plus si prompts à recourir aux circuits courts. « L’alimentation, en cas de crise, est la variable d’ajustement dans le budget des ménages. On mange moins, voire on mange moins bien », indique Yuna Chiffoleau.

Mettre de côté ses bonnes résolutions

Tout concourait, pourtant, au développement des circuits courts tant ils répondent aux enjeux liés au localisme, à la sécurité alimentaire et à la justice sociale. « Mais dans le contexte anxiogène actuel, les individus ont tendance à mettre de côté leurs bonnes résolutions », explique Fanny Parise, anthropologue de la consommation qui vient de faire paraître un ouvrage intitulé « Les enfants gâtés ou la consommation écoresponsable : un alibi pour ne rien changer ? ».

 

Et de poursuivre : « Les consommateurs reviennent vers des produits nostalgiques et rassurants qui ont fait les heures de gloire de l’hyper-consommation. Ils renvoient à une image et des sentiments positifs et donnent l’impression d’un retour à la vie normale. En plus, la grande distribution joue la carte du made in France et du local. Ce qui permet de rendre acceptable ce changement de comportement, de résoudre ainsi des injonctions paradoxales et de justifier des actions moins vertueuses. Acheter en circuit court oblige également à réviser ses logiques d’approvisionnement, ses menus, à gérer des stocks chez soi. Alors oui à l’écoresponsabilité mais pas au prix du renoncement à son confort. Or, la grande distribution propose sur ce plan, une offre prête à penser ».

« Si on veut vendre, il faut se faire voir »

« Je suis pourtant persuadé que les consommateurs sont en attente et que c’est le moment d’aller chercher de nouveaux clients », estime Jean-Marie Lenfant, président délégué du réseau Bienvenue à la ferme créé par l’APCA (Assemblée permanente des Chambres d’agriculture). Pour dynamiser les circuits courts, il faut être capable de communiquer, de diversifier son offre mais aussi ses points de vente. Si on veut vendre, il faut se faire voir. » Aurélie Long considère également que le principal levier d’action repose sur la communication.

« Pendant deux ans, nous n’avons pas pu le faire. Nous devons, à nouveau, organiser des manifestations, des dégustations, communiquer dans les médias ». Une dimension évènementielle que juge aussi nécessaire Agatha Duqueyroix, responsable des circuits courts à la Chambre d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine. « Nous venons de relancer le Printemps à la ferme qui va poursuivre par l’Eté à la ferme et en automne, il y aura des concerts, des animations pour les enfants. Il faut faire revenir les consommateurs sur les exploitations ».

Communiquer est essentiel

Il faut aussi communiquer sur les tarifs proposés. « Car il y a ce discours ambiant sur l’augmentation générale des prix. Or, dans nos magasins, celle-ci ne se vérifie pas car nous sommes sur des produits locaux », ajoute Aurélie Long. Et pourquoi ne pas communiquer, pour contrer cette cherté de la vie, sur le fait que tout est bon dans les légumes. « Y compris les côtes de chou-fleur ou les fanes de radis », comme le suggère Jean-Marie Lenfant. Et pour lui, communiquer devrait être la seconde nature du producteur en circuit court.

« Certains disent qu’ils n’ont pas le temps. Pourtant, cela fait bel et bien partie de leur métier ». Communiquer peut aussi s’opérer via les Projets alimentaires territoriaux, rappelle Yuna Chiffoleau. Ceux-ci, portés par des collectivités, ont pour mission de développer les circuits courts et une agriculture durable et de rendre ces derniers plus visibles. « Il existe aussi la marque collective Ici.C.Local, portée par l’INRAE qui n’est pas une démarche marketing comme une autre puisqu’elle associe des consommateurs. Certes, on ne pourra pas nourrir tout le monde en circuit court mais sachant qu’on jette 30 % de ce qu’on achète, c’est le moyen de rééquilibrer la part de consommation locale, d’acheter moins et surtout meilleur », assure Yuna Chiffoleau.

Fruits en Ville ou des circuits courts à Marseille ?

Le constat a été dressé : la population marseillaise n’a que très peu accès à des fruits commercialisés en circuit court, et qui plus est, bio. Pour y remédier, le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône et la Chambre d’agriculture ont lancé, en février dernier, le projet Fruits en Ville. Il s’agit d’un verger expérimental implanté sur 2 ha, dans le 14e arrondissement, qui accueille aussi du maraîchage afin de rendre économiquement viable cette nouvelle forme d’exploitation au cœur de la ville. Un suivi technico-économique va d’ailleurs être effectué pendant trois ans, complété par un volet environnemental. L’objectif étant de fournir des fruits aux particuliers, aux restaurateurs, voire aux cantines scolaires. Cette parcelle témoin est aussi susceptible de convaincre de nouveaux producteurs de se lancer dans ce mode de production agroforestier.

En pratique

20 % des exploitants agricoles vendent tout ou partie de leur production en circuit court.

5 à 10 % de la consommation alimentaire totale en France est issue de la vente directe.

70 % des Français préfèrent manger local et souhaitent soutenir une agriculture biologique et paysanne, selon l’IFOP.

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