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Comment recruter ses saisonniers

Casse-tête pour nombre de producteurs de fruits et légumes, le recrutement de main-d’œuvre reste pour eux un impératif. Plusieurs solutions sont possibles, chacune avec ses avantages et ses défauts.

Le sujet main-d’œuvre, particulièrement la main-d’œuvre saisonnière, est souvent au cœur des préoccupations des chefs d’exploitation car elle leur est nécessaire. Et son coût pèse dans les comptes, comme l’exprimait Jérôme Volle, président de la Commission emploi de la FNSEA, lors du dernier Sival : « l’agriculture française est compétitive grâce à sa capacité d’organisation et d’innovation, on cherche la performance tout en respectant l’humain, mais le coût du travail est un vrai sujet, c’est une perte de compétitivité ». Dans l’Hexagone, la main-d’œuvre compte pour 30 à 50 % du coût de la production, a rappelé Christophe Rousse, secrétaire général de Légumes de France, toujours lors de cet évènement. Les options pour recruter ne sont pas généralisables et dépendent du cas particulier de chaque exploitation. Mais on observe certaines tendances, comme la diminution du recours au CDI et l’essor de l’emploi partagé. Ce dernier, matérialisé par les groupements d’employeurs, est devenu une manière de rendre l’emploi plus stable et donc plus attractif. Nés dans les années 1980, les Groupements d’employeurs agricoles et ruraux (GEAR) étaient plus de 3 800 en 2016, soit une augmentation de 17 % depuis 2003. Ils représentent 80 % des groupements d’employeurs tous secteurs confondus.

Se décharger des tâches administratives

Le GEAR fonctionne comme une Cuma pour le matériel agricole. Il réunit plusieurs entreprises agricoles et met à disposition de ses adhérents des salariés avec lesquels il a conclu un contrat de travail. Les salariés interviennent ainsi chez plusieurs adhérents. Pour les formalités administratives, leur seul interlocuteur est le GEAR. Celui-ci permet ainsi aux exploitations adhérentes de se décharger des tâches administratives. En 2014, 84 000 contrats ont été signés dans les GEAR, à 80 % en temps plein. C’est avant tout une solution pour répondre à un besoin de main-d’œuvre de fond. Elle est moins adaptée à un pic d’activité. « Afin de pouvoir répondre aux besoins du secteur et à la nécessité de pérenniser les emplois, la profession a fait évoluer le dispositif », indique sur son site la Fédération nationale des groupements d’employeurs agricoles et ruraux (FNGEAR). Aujourd’hui, trois formes de groupements peuvent coexister sur un même territoire (voir encadré). Les CDD sont la principale solution utilisée pour recruter des saisonniers. Ils permettent de bénéficier d’exonérations de cotisations patronales spécifiques aux salariés saisonniers, et ce malgré les remous provoqués en 2018 par l’intention du gouvernement de procéder à la suppression du dispositif TO-DE, finalement repoussée (voir encadré). Une suppression du TO-DE et du CICE et leur remplacement par l’allégement général aurait coûté 189 euros par contrat saisonnier par mois, soit une perte de 144 millions d’euros par an pour l’agriculture et de 52 millions d’euros pour les cultures spécialisées.

L’option de la prestation de services

La création il y a dix ans du Tesa (Titre emploi service agricole), visait à faciliter la déclaration d’embauche via un formulaire unique, pour les CDD de moins de trois mois. Avec la mise en place du prélèvement à la source depuis janvier 2019, trois solutions s’offrent désormais aux employeurs : le Tesa reste maintenu pour 2019 (« Tesa simplifié ») et constitue la solution la plus adaptée pour les salariés en CDD ou occasionnels. A celui-ci s’ajoute la possibilité du Tesa + (« nouveau Tesa »), pour les entreprises de moins de vingt salariés, en CDI et CDD, qui n’ont pas de tiers déclarant ni de logiciel de paie compatible DSN. Enfin, la déclaration en DSN est la troisième option, pour les entreprises de moins de vingt salariés en CDD et CDI, qui possèdent un logiciel de paie compatible DSN ou font appel à un tiers déclarant. La DSN est obligatoire pour les entreprises de plus de vingt salariés. Les exploitations agricoles ont une autre possibilité afin de pourvoir à leurs besoins de main-d’œuvre : faire appel à un prestataire de services, comme les entreprises de travaux agricoles (ETA), qui possèdent leurs propres salariés, ou à une agence d’intérim. L’avantage du recours à une ETA est d’avoir seulement une facture à gérer, pour des missions définies par des tâches précises. Lorsque les salariés sont des travailleurs détachés, il vaut mieux demander au prestataire des justificatifs pour prouver qu’il est en règle, car la responsabilité de l’exploitant est engagée en cas de fraude (voir « Travailleurs détachés, attention à la fraude »). Le producteur doit aussi veiller au respect du temps et des conditions de travail des personnes salariées d’une ETA travaillant sur son exploitation. Les agences d’intérim, quant à elles, ne sont pas prestataires de services, elles mettent le salarié à disposition de l’entreprise. Il faut veiller sur le travail de ce dernier comme s’il était salarié de l’exploitation. Ses heures de travail doivent être envoyées à l’agence, qui établira la facture. Le recours à une agence d’intérim présente comme inconvénient le fait de ne pas pouvoir bénéficier des exonérations de cotisation pour l’emploi de travailleurs occasionnels.

En 2014, 84 000 contrats ont été signés dans les groupements d’employeurs agricoles et ruraux.

Des initiatives pour aider le recrutement

Les Forums pommes

Organisés depuis 2017 par l’Arefa Limousin et Pôle Emploi (l’Adefa Dordogne avait participé à la première édition), les Forums pommes sont des sortes de job-dating, rapprochant arboriculteurs et saisonniers potentiels afin de compléter les besoins en main-d’œuvre pour la récolte. Les Forums pommes complètent les Points pommes, créés dans les années 2000, avec des lignes téléphoniques dédiées au recrutement de cueilleurs de pommes. Lors de la récolte, des bus sont mis à disposition des saisonniers en Haute-Vienne et Corrèze pour les faire venir dans les vergers. Un Point mirabelle a également été créé en 2017 afin de faciliter les recrutements saisonniers en Lorraine.

La méthode de recrutement par simulation (MRS)

Cette méthode de recrutement développée par Pôle Emploi vise à repérer les habiletés nécessaires au travail proposé (respect des normes et des consignes, aptitude au travail en équipe…), plus qu’un recrutement classique basé sur l’expérience et le diplôme. Elle élargit ainsi la recherche de candidats afin de sélectionner les personnes les plus adaptées aux exigences du poste. La MRS consiste à évaluer les candidats par des exercices simulant des situations professionnelles et ainsi identifier s’ils possèdent les aptitudes requises. Une présentation de l’entreprise avec éventuellement une visite permettent au candidat de se représenter dans un environnement de travail particulier comme une serre. Toutes les étapes du recrutement sont prises en charge par Pôle Emploi.

A savoir

Les 3 formes de groupement d’employeurs

Le GEAR traditionnel permet de répondre à un besoin permanent de travail salarié, à temps partiel ou sur une partie de l’année.

Le Groupement d’employeurs départemental agricole et rural répond à un besoin de travail salarié pour la réalisation de travaux réguliers sur l’année : soit d’un faible volume et ne permettant pas de justifier un emploi permanent, soit plus importants mais sans pouvoir être organisés de façon permanente sur l’année.

Le Groupement d’employeurs à vocation de service de remplacement met des remplaçants à la disposition des exploitants agricoles en cas d’empêchement temporaire.

Source FNGEAR

TO-DE : des exonérations encore pour deux ans

La mobilisation syndicale agricole durant l’été et l’automne 2018 a porté ses fruits, du moins temporairement. Depuis le 1er janvier 2019, le dispositif TO-DE d’exonération de cotisations pour les employeurs de travailleurs occasionnels est certes supprimé, mais il est remplacé par un dispositif d’exonération transitoire pour les années 2019 et 2020, avant une suppression définitive prévue en 2021. Le dispositif transitoire concerne toujours l’emploi de travailleurs recrutés sous CDD saisonnier de moins de 119 jours, sous CDI conclu avec un demandeur d’emploi par un groupement d’employeurs (dans la limite de 119 jours par an), et sous CDI, conclu par un groupement d’employeurs avant 2010 (dans la limite de 119 jours par an). En 2019 et 2020, les exonérations de charges sur les cotisations et contributions patronales sont : totales pour une rémunération mensuelle brute inférieure ou égale à 1,2 SMIC, et dégressives entre 1,2 et 1,6 SMIC. Jusqu’en 2018, le seuil de dégressivité était de 1,25 SMIC avec le dispositif TO-DE, et ce jusqu’à 1,5 SMIC. À partir du 1er janvier 2021, la rémunération des travailleurs occasionnels du secteur agricole sera éligible au dispositif de droit commun (dégressivité des exonérations à partir du SMIC, jusqu’à 1,6 SMIC). « Il reste deux ans pour convaincre gouvernement et parlementaires LREM de la nécessité d’améliorer et de stabiliser dans le temps ce dispositif saisonnier », mentionnait la FNSEA dans un communiqué en novembre dernier.

L’agriculture recrute

L’Association nationale pour l’emploi et la formation en agriculture (Anefa), créée en 1992, est cogérée par les syndicats employeurs et les syndicats de salariés. Elle a pour objectifs de promouvoir les métiers et les formations de l’agriculture, de développer l’emploi agricole et d’informer sur les besoins en recrutement de salariés agricoles. Sur le site www.lagriculture-recrute.org, l’Anefa publie les offres d’emploi et les profils de personnes à la recherche d’un emploi agricole, y compris saisonnier, par secteur, zone géographique, niveau de formation…

Travailleurs détachés, attention à la fraude

Afin de faire face aux difficultés de recrutement, le recours à des travailleurs détachés est largement répandu en agriculture. La Cour des Comptes pointe plusieurs types de fraude au travail détaché.

Un travailleur détaché, selon la définition de l’Union européenne, est un salarié envoyé par son employeur dans un autre Etat membre en vue d’y fournir un service à titre temporaire. Les conditions de travail et de salaires du travailleur détaché sont celles du pays d’accueil, mais le travailleur détaché paie ses cotisations sociales dans son pays d’origine, le pays où il travaille habituellement. En 2017, 516 000 salariés détachés ont été déclarés en France. Selon la Cour des Comptes, le travail détaché équivaut à 21,9 % du total de l’emploi dans l’agriculture. Ces dernières années, des cas de fraude impliquant des sociétés d’intérim étrangères et des exploitations agricoles françaises ont défrayé la chronique. Dans son rapport 2019 sur la lutte contre la fraude au travail détaché, la Cour des comptes évoque « des cas très préoccupants de conditions indignes de travail et d’hébergement sont régulièrement relevés, en particulier, mais pas seulement, dans le secteur de l’agriculture. »

Une infraction sur cinq concerne le non-respect du droit du travail

L’institution pointe trois grandes catégories de fraudes pratiquées par les entreprises : l’omission des formalités déclaratives et notamment de la déclaration préalable de détachement. L’Inspection du travail a prononcé plus de 1 000 sanctions administratives en 2017 pour ce motif ; le non-respect du « noyau dur » du droit du travail (durée du travail, repos et congés, salaire minimum…). Ce type de fraude représente une infraction pénale sur cinq en matière de détachement de travailleurs en 2016 et 2017 ; enfin, la fraude complexe, en particulier la fraude à l’établissement. Elle correspond à de la dissimulation intentionnelle d’une activité ou d’un emploi salarié. Il peut s’agir de travail dissimulé, de prêt illicite de main-d’œuvre ou de marchandage. « Si vous embauchez du personnel étranger, il est indispensable de s’assurer que le salarié a bien le droit de travailler, indique la MSA sur son site internet. Vous devez vérifier qu’il est en situation régulière au regard de la législation sur les titres de séjour et de travail des étrangers en France, et transmettre certains justificatifs à la MSA » : copie de justificatif d’identité et autorisation de travail pour les ressortissants des pays étrangers, hors UE et Croatie. L’embauche doit être déclarée par la déclaration préalable à l’embauche (DPAE) ou le Tesa (Titre emploi simplifié agricole). Plus d’informations sur www.msa.fr.

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