Interpera 2022
Comment booster la consommation de poires ?
Promouvoir de (nouveaux) usages et moments de consommation et savoir ce que veulent les consommateurs, en se reconnectant avec eux, tels sont les points clés sur lesquels agir en priorité, selon les débats qui ont eu lieu à Interpera 2022.
Promouvoir de (nouveaux) usages et moments de consommation et savoir ce que veulent les consommateurs, en se reconnectant avec eux, tels sont les points clés sur lesquels agir en priorité, selon les débats qui ont eu lieu à Interpera 2022.
Tout le monde est d’accord sur ce point : la poire, vu comme un produit « vieux jeu », n’a pas la côte et souffre d’un déficit de consommation. Alors comment, dans le rayon, et sur les écrans, rappeler la poire à l’esprit des consommateurs et donner envie d’en acheter et d’en consommer ?
Innovation variétale pour une diversité en rayon ?
« Les poires performent bien chez nous, mais 80 % des poires qu’on vend sont des Conference, il y a donc peu de diversité dans le rayon », confie André Boer, acheteur fruits et légumes chez Superunie, lors du congrès Interpera à Rotterdam le 29 juin. Depuis 60 ans, Superunie est un distributeur néerlandais regroupant 13 organisations de retailers indépendants et représentant plus de 1 600 magasins et 30 % de parts de marché, aux Pays-Bas. « Ce n’est pas facile pour de nouvelles variétés de se faire une place dans le rayon, estime-t-il néanmoins. Il faut qu’elles soient différentes avec bon goût et bonne conservation et une disponibilité de plusieurs mois en rayon. On ne voit presque plus de poires d’été dans nos magasins car leur visibilité en rayon est trop faible. » Et de conseiller aux opérateurs de mettre l’accent sur des emballages, qu’ils soient « beaux », « visibles ». « L’avocat, le kiwi, performent bien malgré leur durée de vie en rayon courte. »
Donc développer de nouvelles variétés, oui ! Mais tout en sachant quoi développer. « Il faut donc bien comprendre le consommateur. » Et Alessandro Zampagna, directeur général d’Unapera, de confirmer la difficulté de l’exercice : « En Italie, selon nos études, la moitié des consommateurs (plutôt les seniors) veut des poires crémeuses et l’autre moitié des poires croquantes (les plus jeunes surtout). Comment tous les atteindre ? »
Des Millenials en recherche de praticité : quid du prêt à consommer et du pré-mûri ?
Comme le rappelle André Boer, les seniors et les familles avec jeunes enfants/bébés sont les principaux consommateurs de poires. « 40 % des poires sont achetés par des retraités. Ils sont habitués aux poires depuis longtemps, ils aiment le goût, et la consomment dans le cadre d’un repas, pas en snacking, usage pour lequel la poire se prête mal. »
Les poires déjà prêts à consommer (type fraîche découpe) peuvent être une option, en particulier pour toucher les jeunes. « C’est un calcul à faire par le magasin. Car cela peut engendrer du gaspillage. Nous observons dans nos magasins que la demande pour le prêt à consommer est là, surtout en zone urbaine, mais elle est limitée pour les poires, et très faible en zone rurale. »
« On a du mal à toucher les jeunes. Il faudrait plus d’originalité dans l’offre, afin de booster les ventes et donc la consommation », estime André Boer. Et les poires pré-mûries, assez développées en Europe ? Oui, mais ça coute plus cher à produire et les fruits sont plus fragiles, notent les participants d’Interpera. Et un opérateur dans la salle remarque : « Au Canada, les Millénials veulent du prêt à consommer, ils ne veulent pas s’embêter à surveiller le changement de maturité, le tournant dans la couleur de la peau… »
Promouvoir de nouveaux moments et de nouveaux usages
Au final, on en revient encore à la promotion. Promouvoir le choix des produits, mais surtout promouvoir d’autres usages de consommation, comme le muesli au petit déjeuner par exemple. Il a été notamment évoqué la promotion de l’aubergine de façon générique par les producteurs néerlandais. « Ça été une bonne façon de booster la consommation de l’aubergine, constate André Boer. Il faudrait faire de même pour promouvoir la poire en général, avec des programmes de cuisine, par les réseaux sociaux, les influenceurs. Et le faire de manière générique et non pas se concentrer sur une variété club ou une marque. »
Manel Simon, directeur général d’Afrucat, abonde en ce sens. Il évoque le programme de promotion dédié à la poire aux Etats-Unis, avec notamment des spots TV qui ont expliqué comment faire mûrir une poire. « Lorsqu’un consommateur achète des poires pour deux semaines, il va les conserver au frigo et donc il doit savoir quand les sortir du frigo. » De manière générale, USA Pears a beaucoup communiqué sur le “lifestyle” autour des poires : recettes, nutrition, fun facts… « Parfois c’est mieux de copier ce qui fonctionne que d’inventer », glisse Manel Simon.
« De belles histoires à raconter » : locavisme et durabilité de la poire
Le lifesyle, c’est bien, mais la poire n’a pas su s’en saisir. Comme le souligne Cindy Van Rijswick, analyste Fruits et Légumes à Rabobank, la poire représente 23 Mt produites mais seulement 357 millions de résultats de recherche Google, là où l’avocat, avec trois fois moins de volumes, 8 Mt, caracole avec 566 millions de résultats Google. « Cela montre le travail que doit encore réaliser le secteur de la poire. La poire est un fruit que l’on oublie, ou qui a la réputation d’un fruit un peu vieux jeu. Pourtant vous avez de belles histoires à raconter. »
Et d’évoquer la mode du locavisme et l’effet inflation. « Sur le bilan carbone, la poire néerlandaise est un produit local, au contraire du kiwi ou des myrtilles, donc peut-être une opportunité à jouer. Et donc un moindre coût de transport, ce qui peut avoir un réel intérêt pour les consommateurs inquiets de leur pouvoir d’achat dans ce contexte d’inflation. »
« Attention ! Un produit d’import comme une mangue peut parfois ne pas être cher, remarque André Boer. Et on ne peut pas remplacer des avocats et des kiwis importés par des pommes et des poires néerlandaises, il y a une demande consommateurs à satisfaire. Il faut donc avoir un bel assortiment pour attirer les consommateurs dans nos rayons. »
Instagram-abiliser la poire
« Aujourd’hui, ce qu’on mange c’est presqu’un choix politique », rappelle Hans Steenbergen de Food Inspiration, journaliste et expert tendances Food, rappelant les tendances au végétal, au zéro gaspi, à la santé, à l’équitable, les attentes de praticité, et les conditions sine qua non de transparence de la chaîne.
« Avant, ce qu’on mangeait devait être bon marché et avoir bon goût, aujourd’hui le choix est plus complexe, il faut que ça soit sain, durable, en plus du reste. Avec la poire, je pense que vous avez un super produit, mais vous ne le dites pas assez. Aujourd’hui, la food s’est ubberisée, tout doit être instagramable. De belles choses sont possibles avec Internet et les réseaux sociaux, mais vous ne les utilisez pas. La poire est vue comme un produit ennuyeux. Saisissez l’opportunité ! »
Et de rêver de photos Instagram alléchantes de poire à la ricotta et de proposer des apéros à base de poires (pear spritz, Bourbon à la poire…).
Donner envie de consommer : slow food plutôt que street food
Il faut donc donner envie de consommer de la poire. Un des participants a ainsi lancé une idée qui a plu : faire du co-branding, du couplage alimentaire dans les rayons. Référencer par exemple côte à côte poire et parmesan.
De manière générale, pour la poire, il vaut mieux s’inspirer de la slow food, c’est-à-dire de la durabilité et du plaisir de consommer la poire -rien de tel que de l’accompagner de fromage et d’un verre de vin, ont estimé certains gastronomes espagnols dans la salle-, plutôt que de la street food, pour laquelle la poire ne s’y prête dans tous les cas que très mal.