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Carotte : les adventices s’enracinent

L’arrêt du linuron montre déjà ses effets avec des parcelles de carotte plus enherbées et des baisses de rendement. Le recours au binage mécanique est quasi-systématique.

La problématique du désherbage de la carotte a largement été débattue lors du dernier « tour de plaine » organisé par Invenio dans le sud Gironde et les Landes en novembre dernier. Durant toute la matinée, les professionnels ont observé les effets de l’après-linuron. En effet, la plupart des parcelles visitées ont été semées après le 3 juin 2018, date d’arrêt d’utilisation de cet herbicide. Les premiers constats ont montré des niveaux d’enherbement toujours plus importants qu’avant. « Les parcelles propres, sans mauvaise herbe, c’est fini. On ne peut plus envisager le zéro concurrence des adventices. Il faudra faire avec, mais jusqu’à quel niveau de salissement et de concurrence ? », s’interrogent les producteurs.

Déjà limite sur les parcelles à risques

La carotte, culture semée et s’installant lentement, est très sensible à la compétitivité des adventices. « Dès qu’il y a concurrence, on perd du calibre et on ramasse des bouchons », assurent les professionnels. Avec l’arrêt du linuron, ceux-ci constatent la présence croissante d’amarante, de pourpier et de morelle. L’amarante entre très tôt en compétition avec la carotte. La présence de pourpier peut être très importante jusqu’à couvrir le sol. La morelle est une plante à fort développement qui produit un gros volume de végétation. Son système racinaire puissant est problématique lors de la récolte. « C’est dans les parcelles les plus envahies de morelle que l’on constate le plus d’hétérogénéité », constatent-ils. C’est pourquoi la maîtrise des mauvaises herbes est déterminante dès le semis et jusqu’à la récolte. Les premiers programmes de désherbage sans linuron ont montré des niveaux d’efficacité satisfaisants dans le cas de parcelles où le stock de graines et les antécédents culturaux limitaient la pression des mauvaises herbes. En revanche, sur les « parcelles à risques », ceux-ci ont déjà montré leur limite notamment contre la morelle. « Sencoral + Prowl 400 ou Challenge 600 permettent de contenir l’amarante et le pourpier. Mais nous n’avons pas de solution efficace contre la morelle », expliquent les professionnels.

Une heure pour un hectare biné

Le recours au binage est donc quasiment systématique. Ainsi, cette année, les binages se sont multipliés avec deux à trois passages par parcelles. Par chance, « l’année a été facile à biner ». Les conditions sèches ont facilité les entrées en parcelle et limité les émergences multiples. Mais les responsables de culture ont bien pris en compte la nécessité d’équipements spécifiques et l’obligation de disposer d’une forte « puissance d’intervention » dans des « fenêtres de binage » imposées par le stade des adventices (le plus jeune possible), la météo et les irrigations. Les temps de travaux supplémentaires sont très importants : une heure pour un hectare biné et deux à trois passages par culture. A l’échelle des parcelles, le binage se compte en dizaines d’heures de travail et de traction supplémentaires. Même si binage apporte des résultats techniques satisfaisants sur l’inter-rang, la concurrence des mauvaises herbes sur le rang reste entière.

En comparaison d’une parcelle propre

De plus, le passage de girobroyeur au-dessus de la végétation est parfois nécessaire pour réduire la concurrence de la lumière pendant la période de croissante. Il limite aussi le renouvellement du stock grainier. De fait, les parcelles de carottes sont plus ou moins envahies par les mauvaises herbes au moment de la récolte, ce qui ne va pas sans poser de problème. Dans certains cas, leur volume de végétation empêche de récolter avec des arracheuses qui prennent la carotte par les fanes. Les producteurs sont contraints de « ramasser par le sol » en broyant la végétation, fane et mauvaises herbes. « Mais les systèmes racinaires, notamment ceux des morelles qui sont très puissants, entraînent des difficultés de nettoyage », commente un producteur. De plus, la récolte avec ces arracheuses « casse » plus racine, 5 à 10 % comparés à la préhension par les fanes, et génère plus de travail de nettoyage en station. Le désherbage est donc devenu problématique, sans compter la disparition maintenant annoncée du métam-sodium utilisé sur carotte et régulant le stock de semences avec un effet herbicide avéré. Les producteurs des Landes envisagent des pertes de rendement en comparaison d’une parcelle propre, dès la première année d’arrêt du linuron avec le risque de renoncer rapidement à la culture de carotte sur certaines parcelles.

Avis d’expert

Sara Bellalou, Invenio Pôle Carotte

Vers un désherbage mécanique sur le rang

Le désherbage mécanique met en œuvre trois principaux modes d’action : le sectionnement des racines, l’arrachage ou l’étouffement des plantules. Le choix des outils (herse étrille, houe rotative, bineuses…) doit être adapté à la texture du sol, aux conditions d’humidité, aux stades de l’adventice et de la culture et en fonction de la performance de l’outil de guidage pour permettre une intervention au plus près de la culture en l’impactant un minimum. Tout l’enjeu est de passer au plus près sans perturber le développement de la carotte. Dès 2006, à l’issue des travaux du pôle carotte d’Invenio, les producteurs se sont équipés de bineuses guidées par caméras ou GPS. Ces bineuses donnent satisfaction pour des interventions à partir d’un stade développé de la carotte (après trois feuilles) mais sont inadaptées à des passages plus précoces (stade cotylédon à deux feuilles vraies) car elles recouvrent les plantules de terre, entraînant leur dépérissement. Or la pression adventice est déjà forte et un binage tardif ne permet pas de venir à bout d’adventices déjà développées. De plus, ces binages ne portent que sur l’inter-rang et ne permettent pas d’éliminer les adventices présentes sur le rang. Les travaux les plus récents d’Invenio se sont intéressés à des outils de désherbage sur le rang de semis.

Des variétés plus vigoureuses

L’évolution des méthodes de désherbage et du niveau d’enherbement des parcelles de carotte aura des répercussions sur le choix variétal et les critères de sélection de nouvelles variétés. Les producteurs recherchent des variétés qui ont de la vigueur dès le semis. L’objectif est un développement rapide et homogène des plantules de carotte pour faire face à la concurrence de celles des adventices et permettre des binages précoces. La résilience de la plante, végétation et racine, à la concurrence à la lumière et de la colonisation du sol sera également un élément à prendre en compte dans le choix des nouvelles variétés.

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