Communication
Cacophonie alimentaire et défiance des consommateurs : les industriels peuvent-ils prendre la parole ?
Fatigué et perdu dans la masse de discours concernant son alimentation, le consommateur se méfie de la parole des professionnels de l’alimentaire. Les entreprises peuvent-elles et doivent-elles se saisir du discours ? Cette question a été l’objet d’un webinaire organisé par l’Ania le 28 janvier.
Fatigué et perdu dans la masse de discours concernant son alimentation, le consommateur se méfie de la parole des professionnels de l’alimentaire. Les entreprises peuvent-elles et doivent-elles se saisir du discours ? Cette question a été l’objet d’un webinaire organisé par l’Ania le 28 janvier.
Cacophonie alimentaire. Telle est l’expression qui pourrait résumer les tendances de communication dans l’alimentation aujourd’hui. « Discours nutritionnalisé, discours porté sur le plaisir et la convivialité, le corps médiatisé, et désormais un discours d’engagement environnemental et éthique… Les entreprises, les institutions et ministères, les médecins… On note aujourd’hui une multiplicité des discours et des experts -qui souvent se contredisent, ce qui donne lieu à une cacophonie alimentaire », résument Clémentine Hugol-Gential et Estera Badau, enseignantes-chercheures au Cimeos (laboratoire en Sciences de l'Information et de la Communication de l'Université de Bourgogne) lors d’un webinaire “La communication alimentaire, tendances et enjeux” organisé par l’Ania le 28 janvier.
Clémentine Hugol-Gential estime : « On observe désormais une certaine fatigue, une certaine lassitude de la multiplicité des discours qui du coup perdent de leur force. Il faut sortir du discours de l’injonction. » Les discours marchands des entreprises de l’alimentaire se basent aujourd’hui sur quatre grandes tendances : la simplicité retrouvée, les engagements rassurants, la convivialité, la gourmandise.
Défiance du consommateur et “effet Yuka”
En parallèle, la défiance du consommateur est de plus en plus forte, surtout en période de pandémie. Le consommateur cherche avant tout de la transparence et des informations sur la composition, la DLC et l’origine des produits. On constate en parallèle un “effet Yuka” : les consommateurs ne font pas confiance aux institutions et aux entreprises mais sont 51% à faire confiance aux applications, peu importe quelles entités sont derrière.
« Les entreprises agroalimentaires ont un rôle à jouer pour éclaircir la cacophonie des discours car d’une part elles sont partie prenantes et d’autres part il y a un vrai besoin des consommateurs pour une communication large et globale. Il faut une communication à 360°, au-delà des packagings et des publicités classiques, mais aussi par le digital et les réseaux sociaux pour recréer un lien de proximité et rassurer le consommateur », estime Clémentine Hugol-Gential.
« Mais le problème justement, c’est que nous, industriels de l’alimentation, sommes vus comme partie prenante et que nous sommes soupçonnés d’orienter, d’influencer le discours, de manquer de transparence », répond Françoise Gorga, directrice Prospective & Innovation à l'Ania.
Solution pour les entreprises : ne rien cacher et communiquer étape par étape
Clémentine Hugol-Gential admet : « Dans une société de défiance, c’est le discours choc [ONG, lanceurs d’alertes, complotistes] qui est valorisé et le discours mesuré peine à se faire entendre. Mais certains ont réussi. »
Elle cite l’exemple d’Intermarché, qui communique fortement depuis quelques années : le distributeur n’a pas effacé son côté industriel en affichant au contraire ses usines dans sa communication, au côté des champs, du consommateur à table… Puis il lancé des campagnes basées sur le côté émotionnel, puis enfin un discours environnemental (Fruits et légumes moches par exemple). « Cela a été fait étape par étape et c’est la juxtaposition de ces différentes communications mises bout à bout qui fonctionne. »