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Asperge : des sucres et du froid pour optimiser le potentiel de production

Le potentiel de production d’une asperge se construit l’été et l’hiver précédents la récolte. La mise en réserve des glucides dans la griffe et le froid au niveau du plateau racinaire sont déterminants.

L’asperge est une plante pérenne. Elle produit donc chaque année des turions à partir de la même plante. Contrairement à certaines autres cultures, notamment les arbres fruitiers dont la récolte suit la phase végétative, l’asperge assure sa production de turions, ses jeunes pousses, au printemps. Le nombre et le calibre de ceux-ci sont donc directement rattachés à deux facteurs : la mise en réserve réalisée l’année précédente et la prise de froid de la griffe (organe de conservation de la plante). La mise en réserve se prépare au cours de l’été. Durant cette période, les plants d’asperge développent de la végétation. La photosynthèse qui en résulte permet à la plante de créer des glucides dont une partie est stockée dans la partie racinaire. Ce processus de mise en réserve est peu connu. Pourtant la quantité de glucides stockés conditionne le redémarrage de la culture au printemps suivant, ainsi que le rendement.

Le pourcentage Brix permet de connaître l’état des réserves

Peu de données scientifiques existent sur la physiologie de l’asperge, et notamment le processus de mise en réserve. Un projet de travail sur la physiologie de l’asperge et les outils de pilotage de l’aspergeraie a été mené par Invenio. Après une étude bibliographique, l’évaluation de la biomasse racinaire et le pourcentage Brix évalué à l’aide d’un réfractomètre ont été des indicateurs retenus pour calculer la quantité de glucides disponibles pour la plante en fin de phase végétative.

Il est possible à partir de cette valeur de définir un potentiel de rendement. Ainsi, dans le cadre expérimental, une parcelle de Vitalim irriguée en goutte-à-goutte a également été suivie fin 2014 par Invenio. « Les analyses de Brix et de biomasse racinaire avaient estimé à un potentiel de rendement de 7,9 t/ha. Le rendement effectif de 2015 a été de 7 t/ha », conclut l’observation.

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Ce potentiel de rendement est également déterminé par les conditions météorologiques de l’hiver et du printemps. Le pourcentage Brix peut également permettre à un agriculteur de connaître l’état des réserves de ses différentes parcelles et de les comparer par rapport à des références. Cet indicateur permet aussi de comparer l’impact de différentes pratiques culturales. En effet, il est intéressant de connaître et comparer le potentiel de rendement d’une aspergeraie conduite sous différentes doses de fertilisation, ou différents niveaux de protection phytosanitaire…

Depuis deux ans, Invenio compare l’irrigation goutte-à-goutte avec une ou deux gaines par rang avec le pourcentage Brix comme un des paramètres de suivi. « En végétation, il n’a été constaté aucune différence au niveau des réserves racinaires (degré du pourcentage Brix) en première année. En deuxième année, il est inférieur de 2,6 points en double gaine à l’automne », précise Sarah Bellalou, Pôle asperge dans Invenio Infos de juin 2020(1). A la fin de la phase végétative, un pourcentage Brix plus faible pour la modalité « Double gaine – irrigation fractionnée » a été observé par l’analyse des essais menés depuis la campagne 2019.


Des besoins en froid différents selon les variétés

A l’automne, lors du jaunissement du feuillage, les sucres synthétisés par la plante sont remobilisés vers la griffe. Toutefois, même si le feuillage de l’asperge présente un dessèchement total, il est important de ne pas le détruire prématurément. « Le broyage doit s’effectuer lorsque la température du sol au niveau de la griffe est en dessous de 10 °C », mentionne Christian Befve, consultant asperge. « Il n’est pas rare de constater une reprise d’activité de la griffe et de nouvelles pousses de turion lorsque le broyage est trop précoce », prévient le spécialiste.

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Les besoins en froid de l’asperge sont également des données physiologiques peu référencées. Ceux-ci sont directement rattachés à des caractéristiques génétiques dont il faut tenir compte lors du choix variétal. Ainsi, produite partout dans le monde, l’asperge se compose de trois grands types de variétés classées selon leur besoin en froid lors du repos végétatif et qui correspond à trois grandes aires de production : zones froides comme les pays d’Europe du nord et celles d’Amérique du nord (Etats-unis, Canada), zones intermédiaires qui correspondent au climat méditerranéen (Espagne, Italie, Moyen-Orient, Californie, Mexique, Australie) et zones chaudes ou subtropicales (Pérou, Philippines).

Les variétés acclimatées à ces zones sont caractérisées par des besoins de température froide, en dessous de 7 °C, pendant la période de repos de l’asperge. Leur besoin s’exprime en somme des heures de température inférieure à cette limite. Les variétés de zones froides ont besoin d’environ 1 000 heures de froid, celles des zones intermédiaires entre 500 et 600 heures, celles des zones tropicales n'ont pas de besoin de froid.

Faciliter la « descente du froid » dans le sol

En France, le choix variétal se compose de deux de ces trois exigences de température. Les variétés dites tardives (Backlim, Grolim, Guelph Millenium Herkolim, Raffaelo…) ont des besoins en froid proches de 1 000 heures et celles dites précoces (Aspalim, Avalim, Bacchus, Cumulus, Darlise, Darvador, Erasmus, Fruhlim, Gijnlim, Prius, Ramires, Vitalim etc) proche de 600 heures « Il est habituel de dire que l’asperge a besoin de ce froid hivernal pour assurer une bonne production et des calibres plus importants lors de la récolte suivante. Toutefois, au regard des deux derniers hivers, très doux, le potentiel de production des variétés a été maintenu », observe Christian Befve.

Certaines techniques peuvent faciliter la prise de froid. Certaines facilitent la « descente du froid » dans le sol comme le débuttage dès l’arrivée des faibles températures. La plantation superficielle comme la culture sur billon permettent également de rapprocher la griffe de la surface et donc de faciliter la « prise de froid ». « Une méthode pratiquée en Allemagne consiste à mettre le paillage à ourlet noir/blanc du côté blanc après buttage. Celui-ci n’assure pas le refroidissement du sol mais en revanche limite son réchauffement trop prématuré afin d’assurer la somme de température nécessaire », propose Christian Befve.

(1) Remplacée par Romain Warneys, responsable du pôle Asperge d’Invenio.

 

 

Une cinétique de mise en réserve des glucides

 

 
A la fin de l'automne le pourcentage Brix est maximal dans la griffe, mais celle-ci doit aussi percevoir une somme de température inférieure à 10°C pour assurer un bon rendement. © C;Befve

Un essai réalisé en 2015 dans les Landes par Invenio a permis le suivi du cycle glucidique dans les griffes de deux parcelles d’asperge au cours de phase de végétation (variété Vitalim). « Les deux parcelles montrent la même cinétique de mise en réserve des glucides », commente le compte rendu de l’essai [RW1]. Après la fin de la récolte (fin mai, semaine 22), les valeurs Brix sont de 12 %.

Cette valeur correspond aux recommandations trouvées dans la bibliographie conseillant de stopper la récolte, afin de ne pas « épuiser » la griffe d’asperge. « Ensuite, les pourcentages Brix ont stagné durant la pousse des turions (juillet/début août) », mentionne le document. Suite à cette phase de pousse, importante en 2015, la concentration des glucides dans la griffe (pourcentage Brix) a progressivement augmenté. Début septembre, les valeurs sont étonnamment hautes, puis on semble atteindre un seuil autour de 22 % Brix fin octobre.

 

Comment évaluer la somme des températures ?

Le calcul des besoins en froid se fait par la somme des températures en dessous de 10° relevées au niveau du plateau racinaire pendant la période hivernale. Certaines sondes utilisées pour piloter l’irrigation à partir de la disponibilité en eau et des besoins de plantes, permettent l’enregistrement et le cumul des températures nécessaires à cette « prise de froid » (cumul de température inférieur à un seuil donné).

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