Matinale Bio
Affichage environnemental : des attentes, des enjeux, des limites
L’affichage environnemental peut-il guider et orienter les choix des consommateurs ? Quelles sont les méthodologies choisies derrière la notation ? Et quel type d’affichage choisir et selon quelles modalités ? L’Agence Bio a organisé une matinée de discussions sur ce sujet. Les questions restent nombreuses.
L’affichage environnemental peut-il guider et orienter les choix des consommateurs ? Quelles sont les méthodologies choisies derrière la notation ? Et quel type d’affichage choisir et selon quelles modalités ? L’Agence Bio a organisé une matinée de discussions sur ce sujet. Les questions restent nombreuses.
L’Agence Bio a organisé une Matinale Bio, une matinée de débat en visio, le 16 avril, autour de l’étiquetage environnemental, alors que la Loi Climat, qui prévoit sa mise en place, est en débat au Parlement.
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L’affichage environnemental peut-il guider et orienter les choix des consommateurs ? Alors que le bio est un mode de production respectueux de la planète, les produits bio pourraient-ils avoir de mauvaises notes ? Quelles sont les méthodologies choisies derrière la notation ? Et quel type d’affichage choisir et selon quelles modalités ? Les questions et les discussions ont été nombreuses.
L’enjeu : guider le consommateur
Dans une vidéo d’introduction, le ministre Julien Denormandie a rappelé que « l’alimentation représente 40 % de l’empreinte environnementale d’un foyer » et que la mise en place d’un « étiquetage environnemental permettra de guider encore plus les consommateurs ». La conscience environnementale progresse auprès des consommateurs surtout avec la crise Covid, l’émergence de la tendance One Health et la pression du climat. Le consommateur a accès aux informations mais via un foisonnement d’allégations et d’étiquettes, alors qu’il ne passe qu’une dizaine de secondes dans le rayon pour choisir un produit. L’enjeu est donc de retranscrire un sujet complexe sur un affichage clair afin d’apporter rapidement du discernement au consommateur.
Fabrice Boissier, directeur général délégué à l’Ademe, explique : « Pour réinventer des systèmes alimentaires plus vertueux pour l’environnement, l’affichage environnemental peut être une aide. Le consommateur est intelligent, et il a ses goûts et ses préférences alimentaires. Mais on peut le guider. Pour cela, cet affichage environnemental doit être : lisible et compréhensible, objectif et fiable. Tromper le consommateur est la dernière chose à faire ! De même, les auto-allégations sont à exclure, question de confiance. »
Trop de logos tue les logos ?
« Est-ce que trop de labels tuent les labels ? Je ne pense pas, dans le sens où ce ne sont pas des publicités mais des outils informatifs, estime Laure Verdeau, directrice de l’Agence Bio. Et on l’a vu, les consommateurs ont de plus en plus besoin d’informations. Certes, les démarches se multiplient, on en a recensé une quarantaine, certains qui tendent vers le bio, d’autres avec des valeurs ajoutées en plus par rapport à l’AB… Et on s’en réjouit et ça nous aide aussi à faire évoluer le cahier des charges de la bio. »
Natacha Sautereau, responsable du pôle durabilité à l’Itab, précise encore : « Au niveau de la Pac et de l’écoconditionnalité, un produit bio est déjà considéré comme un produit vert. Est-il donc pertinent de lui accoler un affichage en plus ? C’est un des sujets sur lesquels nous réfléchissons, via des méta-analyses notamment. »
Affichage environnemental : quels critères prendre en compte ?
« La prise en compte de l’évaluation de l’impact environnemental d’un produit alimentaire est une question complexe, car l’agriculture va générer du carbone, des pollutions, impacter la biodiversité et la consommation des ressources mais aussi générer des services rendus à l’environnement. Donc comment rendre visibles ces bénéfices qui sont des biens non marchands ? », résume Natacha Sautereau, responsable du pôle durabilité à l’Itab.
Lisa Faulet, chargée de mission alimentation à l’association de consommateurs CLCV : « Il y a une forte attente des consommateurs pour un affichage environnemental mais au-delà du cycle de vie d’un produit, ils s’intéressent aussi fortement à la liste des ingrédients, le local, la réduction des emballages, la rémunération des producteurs, le bien-être animal… Ces critères sont primordiaux mais flous et non mis en avant dans l’affichage environnemental. »
Sabine Bonnot, référente du pôle durabilité-transitions à l’Itab, confirme : « Il est plus facile de quantifier l’impact environnemental d’un smartphone fabriqué en Asie du Sud-Est qu’une côte de bœuf. Il y aura des choix politiques à faire quant aux indicateurs complémentaires et leur pondération. »
Les limites de la méthode ACV
Actuellement, l’étiquetage environnemental reposerait sur la base de données Agribalyse de l’Ademe et sur la méthode ACV (analyse du cycle de vie). Les limites sont néanmoins nombreuses. Anne-Claire Asselin, experte empreinte environnementale et méthode ACV, explique ainsi : « L’ACV ne suffit pas, selon moi, pour trois raisons : les bénéfices favorables de l’agriculture bio et des systèmes extensifs mis en avant dans la notation finale, les résidus de pesticides ne sont absolument pas pris en compte. Et le carbone est seulement un des sujets parmi d’autres et on se concentre trop dessus. »
Sabine Bonnot, référente du pôle durabilité-transitions à l’Itab, confirme : « Les pesticides ne comptent qu’entre 1 ‰, et 1% de la note finale. Bien que soutenus par la Commission européenne, le bien-être animal et les questions sociales telles que la rémunération des agriculteurs ne font pas partie des critères de l’expérimentation française. Et le calcul carbone tend à l’intensification des systèmes et ainsi ne prend pas bien en compte l’impact du transport par exemple. Donc l’enjeu carbone ne doit pas écraser les autres enjeux environnementaux. »
Solène Chambard, responsable Développement Durable à l’Adepale : « Agribalyse a ses points forts et a le mérite d’exister mais les données sont à affiner entre ce qu’elle affiche et les recettes réelles fournies par nos adhérents. »
Différentes démarches en expérimentation
Julien Denormandie le reconnaît : comme le reconnaît Julien Denormandie : « Certes, la méthode basée sur l’ACV et le choix des indicateurs peuvent surprendre et sont critiqués. Il y a des limites méthodologiques à corriger avec d’autres outils pour mettre en place des indicateurs plus justes, des outils plus opérationnels et une prise en compte réelle de l’impact environnemental. »
La loi Climat prévoit ainsi une période de 18 mois pour expérimenter différents projets. « Cette expérimentation est pilotée par l’Ademe, et suite à l’appel à projets, une vingtaine de démarches tests ont été lancées, par des centres techniques comme l’Itab, des distributeurs comme Les Mousquetaires, des applis comme Yuka, la RHD avec Elior…, précise Fabrice Boissier, directeur général délégué à l’Ademe. L’objectif est d’apprendre collectivement, d’expérimenter et collecter des informations. »
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Car ces démarches prennent parfois en compte des critères tels que le bien-être animal ou la rémunération des producteurs. Ecoscore par exemple s’intéresse aussi aux emballages. Jean-Michel Péard, cofondateur du réseau Invitation à la Ferme, a expliqué que son réseau de fermes qui fabrique yaourts et fromages bio et fermiers, a mis en place son propre affichage environnemental de l’empreinte carbone de ses produits : le Laicolo-score repose sur un bilan Cap’2Er de l’Institut de l’Elevage (impact de la production laitière) auquel s’ajoute un outil créé par le réseau qui mesure l’impact carbone de la transformation du lait jusqu’à la livraison des produits en point de vente.
Les modalités de l’affichage environnemental en réflexion
- Un affichage obligatoire ou volontaire ?
Fabrice Boissier, directeur général délégué à l’Adem : « générer une dynamique collective comme avec le Nutri-score, appeler à la responsabilité de tout un chacun serait le mieux. Mais si rien ne fonctionne alors oui, en venir à la contrainte. »
- Un affichage unique ?
Lisa Faulet, chargée de mission alimentation à l’association de consommateurs CLCV : « Si l’affichage environnemental n’est pas obligatoire et n’est pas unique et harmonisé, les consommateurs seront perdus, il doit pouvoir être comparé. »
Pierre Slamich, cofondateur de Open Food Facts, membre du consortium Ecoscore : « Oui, la comparaison doit pouvoir se faire et vite. Aujourd’hui, on le voit sur Nutriscore, avec la massification, les consommateurs ne sortent plus leur application pour scanner les codes-barres mais comparent directement les produits par leur logo et notes dans le rayon. »
- Travailler par filière ?
Pierre Slamich, cofondateur de Open Food Facts, membre du consortium Ecoscore : « Il y aurait sûrement un intérêt de travailler par filière, car chacune a ses spécificités. Cela faciliterait d’autant plus la comparaison rapide entre produits d’une même catégorie. »
Qui paiera le coût ?
Autre problématique à ne pas oublier : le coût. « Car dans l’agroalimentaire est représenté par une majorité de TPE/PME et lorsqu’on se lance dans l’affichage environnemental par soi-même, le coût est de 1 000 à 10 000 € par produit », rappelle Sabine Bonnot, référente du pôle durabilité-transitions à l’Itab.
Jean-Michel Péard, cofondateur du réseau Invitation à la Ferme, a confirmé : la mise en place de Laicolo-score a coûté 60 000 €, dont une partie supportée par l’Ademe et l’autre par les 40 fermes. Solène Chambard, responsable Développement Durable à l’Adepale, avertit aussi : « Notre budget pour notre expérimentation est un peu plus élevé que celui de Laicolo-score mais nous sommes plusieurs syndicats. Le coût d’un tel affichage à supporter pour une seule PME sera vraiment très lourd. »
Et après ?
Lisa Faulet, chargée de mission alimentation à l’association de consommateurs CLCV, avertit : « Sur l’affichage environnemental qui sera choisi, il y aura besoin de beaucoup d’accompagnement des consommateurs sur la compréhension et l’utilisation, pour prouver la fiabilité et la transparence. »