Exploitation laitière : « J’ai adapté l’agroforesterie à mon système »
En 2011, le Gaec des trois chemins, en Loire-Atlantique, a planté 110 arbres en intraparcellaire pour le valoriser en bois d’œuvre sur une parcelle humide de trois hectares de cultures. Le bilan est jusque-là positif, aucune perte de rendement n'est à déplorer.
En 2011, le Gaec des trois chemins, en Loire-Atlantique, a planté 110 arbres en intraparcellaire pour le valoriser en bois d’œuvre sur une parcelle humide de trois hectares de cultures. Le bilan est jusque-là positif, aucune perte de rendement n'est à déplorer.
« En tant qu’éleveur et chasseur, j’aime les arbres. Je n’imagine pas une parcelle de pâturage sans haie autour. Et même pour les parcelles dédiées aux cultures, avec un pulvérisateur de 24 mètres de large, l’idée de planter des arbres en agroforesterie pour produire du bois d’œuvre nous intéressait », assure Olivier Dupas, un des deux associés du Gaec des trois chemins, à Ligné.
Le Gaec franchit le pas en 2011 pour une parcelle de trois hectares dédiée uniquement aux cultures. Les sols limoneux de l’exploitation gardent l’eau en hiver et une grande partie de l’exploitation est drainée. Mais pour cette parcelle, des études montrent que le drainage coûterait très cher. « Comme nous en sommes propriétaires, nous avons eu l’idée de tester l’agroforesterie pour voir son effet sur la structure du sol. » Sur cette parcelle, 110 arbres ont été plantés sur deux lignes espacées de 25 mètres, avec un arbre tous les 6 mètres, et une bande de 25 mètres sans arbre en bout de ligne. « Notre objectif est de produire du bois d’œuvre qui pourrait nous rapporter 8 000 à 10 000 euros par hectare dans trente à cinquante ans. »
La parcelle ayant un potentiel limité, deux espèces locales seulement ont été plantées, du frêne élevé, qui aime l’humidité, et du chêne sessile. « Les frênes poussent très bien et droits. Mais les chênes sessiles partaient dans tous les sens, ce qui n’est pas bon pour faire du bois d’œuvre et aurait gêné les engins. Nous les avons donc remplacés par des chênes chevelus. »
Pas de gêne du travail sur la culture
Pour l’instant, la parcelle produit comme avant. Malgré la perte sous les arbres de deux bandes de 1,50 mètre de large sur 300 mètres de long, les rendements n’ont pour l’instant pas été affectés. « Nous obtenons en moyenne 60-70 q/ha en blé et 8-10 tMS en maïs, comme avant. Mais le rendement va sans doute baisser d’ici trente ans », suppose Olivier Dupas, si les arbres font concurrence à la culture.
La parcelle reçoit du blé, un couvert de ray-grass italien et trèfle rouge, enfoui ou récolté selon l’état des stocks de fourrages, puis un maïs. « Nous n’avons rien changé à nos pratiques, mais adapté l’agroforesterie à notre système, souligne Olivier. Mon frère, qui s’occupe des cultures, ne perd pas une minute par rapport à avant. Même quand les arbres seront grands, nous ferons en sorte que les tracteurs et l’ensileuse passent dessous sans problème. »
L’objectif étant que les arbres poussent droit sans impacter les cultures, l’agriculteur taille dur. « J’enlève près des deux tiers de la ramure, même si on me dit qu’il faut garder au moins la moitié des feuilles pour la photosynthèse. Et, avant le semis du maïs, nous passons le chisel à 35-50 cm de profondeur au ras des arbres, pour faire plonger les racines et qu’il n’y ait pas de concurrence avec le maïs. »
Des erreurs de débutants
« Au début, j’ai fait l’erreur à la plantation de ne pas semer de prairie pérenne sur la ligne d’arbres. La bande a été envahie de rumex et de chardon que j’ai dû détruire. Un couvert de ray-grass sauvage et brome a repoussé, qui ne pose plus de problème. »
Les arbres attirent aussi un peu plus de nuisibles : des escargots, des mulots ou encore des sangliers attirés par les vers de la bande enherbée et qui adorent se frotter contre les frênes. « Pour l’instant, ils ne font pas trop de dégâts. Mais les buses qui viennent se percher cassent parfois la cime tendre des frênes, ce qui oblige à un rattrapage par la taille pour que l’arbre continue à monter. »
Ne pas sous-estimer le travail de taille
L’investissement s’est élevé à 850 €. L’achat des arbres (chêne 3,60 € HT/pièce, frêne 2,30 € HT/pièce) et des accessoires (piquets de 1,80 m, protections gibier de 1,50 m (3,20 €/pièce), paille de lin pour le paillage) a coûté 1 200 € HT. Le Gaec a perçu 50 % de subvention du conseil général. Se sont ajoutés 250 € de frais de dossier pour la chambre d’agriculture.
Le temps de travail a été d’une demi-journée pour la préparation du sol, une journée à trois personnes pour la plantation et aujourd’hui six heures par an pour la taille et une demi-heure en fin d’été pour broyer l’herbe sous les arbres avec un broyeur d’accotement, pour éviter le développement d’adventices. « Pour l’instant, je taille à pied en février-mars avec une scie télescopique, précise Olivier Dupas. Mais quand les arbres seront grands, je devrai intervenir avec une tronçonneuse et sur un engin. »
Les primes PAC du Gaec n’ont pas été modifiées car la densité de plantation est inférieure à 100 arbres par hectare. Les arbres entrent aussi dans le décompte des SIE. « Mais depuis 2021, comme nous n’avions pas bénéficié du Feader pour l’agroforesterie, les arbres ne sont plus considérés comme agroforesterie mais comme des arbres alignés, note Olivier Dupas. Nous avons perdu 3 à 4 % de SIE. Nous sommes toujours supérieurs à 5 %, mais nous sommes descendus à 7-8 % de SIE. »
Suivre l’effet agronomique
En 2015, la parcelle a été suivie par la chambre d’agriculture dans le cadre d’une étude réalisée sur dix parcelles du nord du département. Une fosse pédologique a été creusée près des arbres et le sol a été analysé au niveau structure, texture, composition, pH… Un inventaire faune et flore a également été réalisé. « L’objectif, explique Véronique Blondy, de la chambre d’agriculture, est de refaire ces analyses en 2025-2030 pour voir l’évolution du taux de matière organique, de la structure, de la circulation de l’eau… » En parallèle, Olivier Dupas note tout ce qui concerne la parcelle, les rendements, le temps de travail… pour faire un vrai bilan d’ici vingt ans.