Des Salers bien à leur place dans une grande exploitation de cultures
À la SARL du Bois de Nevert, dans la Somme, le troupeau Salers d’une centaine de vaches valorise des prairies au sein d’une grande exploitation de cultures. Les surfaces en prairies ont progressé. Le système est orienté actuellement sur des vêlages de printemps avec vente de broutards.
À la SARL du Bois de Nevert, dans la Somme, le troupeau Salers d’une centaine de vaches valorise des prairies au sein d’une grande exploitation de cultures. Les surfaces en prairies ont progressé. Le système est orienté actuellement sur des vêlages de printemps avec vente de broutards.
Nathalie et Guillaume Hemeryck sont installés à Arrest, dans la Somme. Leur exploitation est de très grande taille, avec des cultures à forte valeur ajoutée (lin, pommes de terre, betteraves sucrières, ray-grass semences). L’élevage est une activité parmi les autres, il représente une petite part du chiffre d’affaires, et une encore plus petite part de l’EBE — environ 5 %. Mais les éleveurs aiment beaucoup s’occuper de leurs animaux, et savent que pour en obtenir un résultat technique et économique valable, Il faut y être tous les jours pour avoir le coup d’œil qui fait la différence.
Guillaume Hemeryck, ingénieur de formation et ancien conseiller de gestion, a une approche managériale du troupeau. « On avait auparavant de bons résultats économiques en lait, et on voulait reproduire ce niveau de performances avec les allaitantes », reconnait-t-il.
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Leur choix a été, à partir des cinquante Salers qui étaient déjà là quand le troupeau laitier a été supprimé en 2008, de partir sur une très bonne base génétique : la plupart des génisses ont été achetées chez Alban Crèvecœur (Seine-Martitime) en plusieurs étapes. L’IA a été pratiquée pendant vingt ans sur environ 80 % du cheptel et les taureaux viennent de chez Alban Crèvecoeur ou de chez Benoit David (Seine-Maritime). Le troupeau est soumis au contrôle de performances. Le bilan génétique de 2019 fait état d’un IVMat de 106,1 en ascendance maternelle (avec ISEVR à 103,3 ; DMsev à 101,2, DSsev à 106,6).
« Nous réformons toutes les femelles non pleines à l’issue de la période de reproduction. Il arrive que quelques génisses soient écartées à cause de leur caractère. Et puis nous subissons aussi quelques réformes obligatoires pour cause de boiterie », explique Guillaume Hemerick. L’élevage est en effet touché par la maladie de Mortellaro. « Avant cette maladie, nous perdions rarement des vaches. C’est très difficile de lutter contre cette maladie car il apparaît impossible de s’en débarrasser, malgré nos efforts et les traitements par pédicure. »
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Guillaume Hemeryck ne se lève jamais pour surveiller les vêlages, et il aide au vêlage peut-être une ou deux fois par an. En moyenne sur dix ans, l’IVV moyen est de 378 jours, et la mortalité jusqu’au sevrage de 7 %. Le troupeau a été conduit en vêlage à 2 ans pendant une période et cela fonctionnait bien. « Nous avons arrêté pour ne pas avoir à rentrer les primipares en été : il faudrait disposer de stock pour elles et mobiliser un salarié et un télescopique. Mais les génisses de première année font presque toutes la croissance nécessaire pour le permettre. Avec le changement de saison de vêlage, probablement allons nous y revenir. »
Plus de surfaces pour les prairies et peu de fauche
L’actualité de l’élevage est en effet à l’organisation des vêlages entre le 1er mars et le 15 mai, avec une période de reproduction du 20 mai au 20 juillet (à 100 % en monte naturelle). Les éleveurs ont développé la place des prairies dans leur système d’élevage au fil des années. « C’est une bonne direction pour l’élevage à long terme à nos yeux. Nous cherchons à être cohérents et irréprochables par rapport à notre rôle dans la société », explique Guillaume Hemeryck.
Tous les lisiers et fumiers des bovins sont épandus sur les cultures, et beaucoup de paille est échangée contre des fumiers pour couvrir leurs besoins en engrais organiques. Les prairies pour leur part reçoivent juste 50 unités d’azote minéral pour démarrer.
Les pâtures occupent d’abord les surfaces incontournables : des coteaux, des craies à silex et des fonds de vallée (environ 60 ha en tout). Mais 25 autres hectares de terres qui étaient cultivées ont été ressemées en prairies à un moment où le troupeau était deux fois plus grand. Guillaume Hemeryck s’attache maintenant à remettre aussi en herbe des bandes pour constituer des îlots cohérents et déplacer plus facilement les lots d’animaux. Au final, il a encore 14 îlots pour 95 hectares à faire pâturer. Il a refait des clôtures, aménagé des points d’eau (pour éviter le vol d’électrificateurs ou de pompe à panneaux solaires, il les perche au sommet d’un piquet de 5 m de haut).
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« J’ai appris le pâturage tournant un peu tout seul, en me documentant. Je fais un planning prévisionnel et je sors à 6 cm de hauteur d’herbe. Les lots tournent à peu près tous les trois jours au printemps, et au maximum tous les huit jours. » Les premières génisses sortent dès le 25 février, et toutes les surfaces sont déprimées si c’est possible. De mi-mars à fin avril, les travaux des cultures l’accaparent et il n’est pas évident d’être suffisamment réactif dans ces conditions. Malgré cela, il arrive à passer partout deux ou trois fois par semaine.
L’éleveur fait des stocks sur pied, et essaie de faucher assez peu car le fourrage le moins cher est l’herbe pâturée et ses besoins pour l’hiver sont couverts avec une vingtaine d’hectares d’ensilage d’herbe. Il n’y a pas de nourrisseur pour les veaux dans les prés. L’an dernier, des broutards ont dû être rentrés fin juin-début juillet, mais les deux années précédentes se sont passées sans avoir affouragé aucun lot au pré.
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Pour l’ensilage d’herbe, Guillaume Hemeryck fait appel à une entreprise, et le fourrage est rajouté sur le dessus du silo à chaque coupe. Une quinzaine d’autres hectares produisent des fourrages que les Salers valorisent, mais qui sont là pour répondre à des contraintes agronomiques ou réglementaires : un peu de luzerne, des repousses d’orge de printemps, la paille du ray-grass semence. Trois ou quatre hectares de maïs grain sont maintenus dans l’assolement pour la finition des vaches. Pour la complémentation du troupeau, du tourteau de colza est acheté par camion entier (le dernier a duré trois ans) ainsi qu’un peu de pulpes sèches.
Faire vêler un maximum de vaches
« La Salers pêche malheureusement par sa valorisation commerciale dans notre région, observe l’éleveur. Elles ont été vendues entre 3,70 et 3,80 euros l’an dernier alors qu’elles présentent un format adapté à la demande. » Elles sont majoritairement vendues à l’organisation de producteurs NatUp. Les broutards pour leur part sont vendus en direct à un voisin engraisseur, en un lot homogène en âge et poids. « Je retire du lot trois ou quatre animaux, les 'petits derniers' et les 'à problèmes'. Ils partent à huit ou neuf mois, le jour de leur sevrage. »
« Notre objectif aujourd’hui est de faire vêler un maximum de vaches et de vendre des broutards. Peut-être ensuite quelques bœufs compléteront le système », énonce Guillaume Hemeryck. Ses enfants, qui aiment l’élevage, écriront probablement la suite de l’histoire des Salers. En attendant, deux des salariés de l’exploitation, Baptiste et William (sur les six équivalents temps plein) participent pour une partie de leur temps au travail d’astreinte sur le troupeau. « Nous organisons le fonctionnement du troupeau pour qu’il soit globalement en cohérence avec le coût de la main-d’œuvre. » Guillaume Hemeryck supervise le tout et a beaucoup de travail sur les cultures. Il a par ailleurs des responsabilités à l’extérieur (présidence de la coopérative Terre de Lin) qui mobilisent une grande partie de son temps.
Cohérence des choix par rapport au coût de la main-d’œuvre
Un bâtiment à logettes de 130 places
Nathalie et Guillaume Hemeryck ont conservé le bâtiment à logettes de 130 places des vaches laitières qui date de 1998, et les Salers s’y sont très vite adaptées et s’y plaisent bien. Il n’y a pas eu de réglages à faire sur les logettes. « Nous ne paillons plus les logettes. Nous plaçons des barrières pour délimiter quatre lots de vaches et un lot de génisses », explique Guilaume Hemeryck. Les veaux disposent de deux parcs, l’un dans l’ancienne salle de traite et l’autre à l’opposé dans un décrochement. Ils vont et viennent à leur guise. « Ce type de logement donne des animaux plus dociles. Le problème est que les racleurs automatiques qui passent cinq fois par jour ne permettent pas de faire vêler dans ce bâtiment. » Après plusieurs changements de stratégie (voir avis d’expert), les éleveurs sont revenus à des vêlages de printemps donc le logement dans ce bâtiment ne posera plus de problème. Les vêlages se dérouleront dans les 10 hectares de prairies attenants aux bâtiments.
Chiffres clés
98 ha de blé, 4 de féverole (alimentation humaine)
3,5 ha de maïs grain
20 ha de ray-grass porte-graines
22,5 ha de betteraves sucrières
40 ha de pommes de terre fécule
2 ha de fourrières de lin (surfaces pour faire demi-tour)
10 ha de SIE (trèfle, luzerne)
77 ha de prairies
Avis d’expert - Daniel Platel, chambre d’agriculture de la Somme
« Un système remodelé très souvent et très vite »
Résultats techniques et économiques (moyenne sur 10 ans)
117 vêlages
219 UGB
83 ha de SFP (63 à 108 ha)
77 ha de prairies (63 ha à 105 ha)
IVV moyen : 378 jours
Mortalité jusqu’au sevrage : 7 %
Charge sanitaire/UGB : 46 euros
Poids carcasse des 347 vaches réformées : 395 kg à 6,1 an à 3,56 euros/kg C
Poids moyen des 566 taurillons : 420 kg à 18,6 mois à 3,59 euros/kg C
Production brute : 416 kg de viande vive/UGB
Coût de concentré/UGB : 100 euros
Coût alimentaire/UGB : 290 euros (0,69 euro/kg de viande vive)
Marge brute : 417 euros/UGB et 1 089 euros/ha de SFP
Par comparaison, la marge brute d’un blé est depuis 10 ans d’environ 1 150 euros sur cette exploitation, mais les prairies n’ont pas le même potentiel agronomique, si non elles seraient cultivées.