Des leviers pour améliorer l’autonomie protéique de la filière poulet de chair
Pour répondre à la demande croissante de matières premières locales et non OGM, différentes voies sont explorées pour trouver des alternatives au tourteau de soja importé.
Pour répondre à la demande croissante de matières premières locales et non OGM, différentes voies sont explorées pour trouver des alternatives au tourteau de soja importé.
Le profil en acides aminés du soja est particulièrement bien adapté à la volaille. Cela explique qu’en moyenne dans les formules de poulet il apporte 50 % des besoins en protéines, alors qu’il n’y contribue qu’à hauteur de 13 % pour les autres productions animales. Mais son utilisation soulève des questions d’ordre économique, environnemental et social (dépendance aux importations, déforestation dans les zones de production, défiance pour les produits OGM). Les importations françaises de tourteaux de soja ont régulièrement baissé depuis 2002 mais la courbe tend à se stabiliser autour de 3 millions de tonnes par an. « Une tonne sur trois est destinée à la filière volaille. Et sur les 14 % de soja non OGM, une grande partie (39 %) part dans l’aliment poulet », détaille Patricia Le Cadre, de Céréopa.
L’enjeu de l’autonomie protéique pour la filière volaille devient d’autant plus prégnant avec l’accélération de la demande du consommateur pour des produits non OGM et issus d’une production locale. En 2017, 31 % des aliments du commerce destinés au poulet étaient bio et/ou non OGM. Le Céréopa a réalisé une étude prospective pour estimer cette part d’ici 2022 selon trois scénarios : tendanciel à 39 % (la demande augmente au même rythme que les années précédentes), contrasté à 54 % (le segment de la RHD s’ouvre au non OGM et local, 100 % des poulets label rouge passent en non OGM…) ou de rupture à 74 % (scandale sanitaire…). Dans le scénario intermédiaire (contrasté), la part d’aliment bio et non OGM représente plus de la moitié de l’aliment poulet. Comment, dans ce contexte, trouver des matières premières pour répondre à cette demande, sans entrer en compétition avec les autres filières animales ? Une des contraintes étant d’avoir des matières premières suffisamment concentrées en protéines pour s’adapter aux spécificités des cahiers des charges label rouge (taux de céréales minimum).
De nouveaux procédés technologiques
Il existe différents leviers pour gagner en autonomie protéique tout en améliorant la durabilité : augmenter la production française de matières premières protéiques (soja, protéagineux), identifier de nouvelles sources de protéines (insectes, algues), réduire les besoins en protéines (via la sélection et la nutrition). Il s’agit aussi d’augmenter la concentration protéique de matières premières déjà disponibles en France en ayant recours à de nouveaux procédés de traitement des matières premières. Tous font l’objet de travaux de recherche mais c’est probablement ce dernier levier qui semble la meilleure solution en poulet, tout du moins à court terme. Le programme Casdar Vocalim, piloté par l’Itavi, a mis en avant deux matières premières particulièrement intéressantes pour la volaille : le tourteau de colza et le tourteau de tournesol HiPro + (après process de blutage (1) et de dépelliculage). « L’intégration de ces matières premières permettrait de réduire les importations de soja non OGM et d’améliorer de 17 % l’autonomie protéique de la filière poulet (de 45 à 62 %), en prenant l’hypothèse du scénario d’évolution contrasté pour 2023 », détaille Patricia Le Cadre en s’appuyant sur le modèle Prospective aliment Céréopa. « Le coût total des matières premières est également réduit. Cette meilleure valorisation devrait permettre de rémunérer le coût du process. » Même s’il reste des freins à lever (matières premières disponibles en quantité), l’utilisation de ces tourteaux secondaires enrichis semble très prometteuse. « Les travaux se poursuivent pour vérifier que cette solution d’amélioration de l’autonomie protéique se fait sans dégrader les autres indicateurs de la durabilité », explique Léonie Dusart de l’Itavi. « L’impact positif sur le bien-être animal a été montré in vivo (réduction des pododermatites grâce à l’apport de fibres). Le rendement filet ne semble pas pénalisé. » Il reste à valider les effets sur l’environnement (baisse des rejets en phosphore et en azote, baisse des zones déforestées mais moins bonne utilisation des surfaces agricoles du fait de rendements moins bons).