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Des chiffres sur le semis automnal de prairie sous couvert

Les sécheresses et les épisodes caniculaires plus fréquents en fin d’été, habituelle période de semis des prairies, peuvent inciter à retarder ce travail de quelques semaines pour bénéficier d’une météo plus favorable. La prairie est alors semée simultanément avec une autre culture.

semis de luzerne sous couvert de méteil
© S.Bourgeois-archives

Pas facile de réussir un semis de prairie quand la fin de l’été est à la fois sèche et caniculaire. Ce qui est malheureusement de plus en plus fréquent. « Début septembre, on peut avoir des journées favorables au travail du sol associées à un peu d’humidité résiduelle. Donc on sème. Les plantules germent. Puis sont souvent confrontées à une période caniculaire courant septembre. Laquelle fait sécher des plantules à peine germées », expliquait Patrice Pierre spécialiste des fourrages et prairies à l’Institut de l’élevage à l’occasion d’une journée organisée fin janvier à la ferme expérimentale des Bordes, dans l’Indre. Pour tenter de contourner cette difficulté, le semis de prairie sous un couvert est une alternative. C’est classiquement utilisé au printemps pour des luzernes ou des prairies multiespèces semées sous le couvert d’une avoine ou d’une orge de printemps. « On n’a rien inventé en cela. C’était autrefois souvent pratiqué. »

Semer la prairie début octobre

À la ferme expérimentale de Thorigné d’Anjou, dans le Maine-et-Loire, la technique moins fréquemment usitée du semis de prairie multiespèce à l’automne sous le couvert d’une céréale d’hiver ou d’un méteil a également été testée. En décalant le semis de la prairie multiespèce de début septembre à début octobre, la volonté est de s’adapter aux risques de sécheresses et canicules de fin d’été à la fois plus fréquentes, plus intenses et souvent plus persistantes dans la durée. Pour protéger les jeunes plantules dans le cadre de ces semis tardifs par rapport au calendrier habituel, l’idée est donc de semer les prairies sous le couvert d’une autre culture. Laquelle peut être une céréale d’hiver ou un mélange de céréales et protéagineux immatures (MCPI). Et de faire le comparatif côté rendement avec une prairie semée classiquement début septembre sans le couvert d’une culture. Ces différents essais ont eu lieu sur des parcelles où le mélange céréalier triticale + pois a ensuite été récolté en ensilage ou en grain.

Itinéraire témoin ou semis sous couvert

Qu’il s’agisse de la parcelle témoin ou de celle où la prairie (mélange ray-grass anglais, fétuque élevée, trèfle blanc, trèfle hybride, lotier corniculé) est semée à 27 kg/ha simultanément à un mélange céréale + protéagineux, le semis a lieu début octobre. Sur le plan pratique, la prairie multiespèce et le couvert céréale + protéagineux sont semés le même jour. « Les premières années on semait en deux passages. D’abord le mélange céréalier puis la prairie. Désormais on utilise un semoir double caisson qui permet de tout semer en un passage », précise Patrice Pierre. Le principe du semoir double caisson est celui d’un semoir à disques, utilisés pour semer le mélange céréales + pois. Dans le second caisson sont placées les semences de fourragères, lesquelles descendent par des cannelures qui les positionnent dans l’entre-rang. Avec immédiatement derrière un passage de rouleau pour rappuyer le lit de semence.

En cours de printemps, le mélange triticale + pois qui accompagne la prairie est récolté sous forme d’ensilage quand le grain est au stade laiteux-pâteux, ce qui a permis d’obtenir 11,7 tMS/ha. Les plantules de fourragères ne se sont guère développées sous le couvert du mélange céréalier mais sont cependant suffisamment enracinées pour supporter la chaleur de l’été. La prairie ne se développe véritablement qu’à compter du moment où l’ensilage est récolté. Si le sol trop sec est à ce moment-là est facteur limitant, elle redémarre aux premières pluies, avec une pousse qui en fin d’automne avoisine 1,5 à 2 tMS/ha, soit un chiffre voisin de celui obtenu par une prairie semée dans des conditions satisfaisantes en fin d’été. L’année suivante, les tonnages sont assez proches dans les deux cas de figure, mais au final la prairie semée sous couvert aura en deux ans produit nettement plus de biomasse.

« Pour l’avoir également mis en place chez des éleveurs, l’autre intérêt vu à cette technique est la meilleure portance comparativement à un semis de fin d’été qu’il est le plus souvent trop risqué de faire pâturer en fin d’automne si on ne veut pas hypothéquer son devenir », soulignait Patrice Pierre. L’autre avantage mis en avant par les éleveurs concerne la gestion du salissement de la parcelle par les mauvaises herbes et en particulier par les dicots. De par sa croissance vigoureuse de début de printemps, le mélange céréalier a tendance à les étouffer.

 

 

Un des points faibles de cette technique est en revanche une mise en place plus délicate des légumineuses fourragères. C’est lié à ce côté tarif du semis de début octobre. La première année les légumineuses sont donc moins développées, mais compenseraient au cours des années qui suivent. Et Patrice Pierre de souligner également que cette technique a été testée en Anjou, où la météo hivernale est globalement douce, donc favorable. « Ce n’est probablement pas généralisable partout ! »

Comme les mélanges céréales + protéagineux peuvent aussi être récoltés en grains, cet itinéraire a lui aussi été testé. Moissonné courant juillet, ce mélange a donné autour de 30 qtx/ha. Soit un rendement nettement inférieur à un mélange triticale + pois semé sans prairie. La baisse de rendement semble alors concerner davantage le pois que le triticale. « Je véhicule plutôt l’idée d’aller vers une valorisation fourragère que vers une récolte en grain », en conclut Patrice Pierre.

Autre possibilité : sursemer au printemps

Si le fait de semer simultanément en octobre la prairie et le mélange céréalier est une possibilité, on peut également envisager de sursemer la prairie courant mars dans le mélange céréalier semé en octobre lorsque la végétation n’est pas encore trop développée. « La difficulté est alors souvent liée à un problème de portance du sol. Il n’est pas forcément facile de passer début mars avec un tracteur et un semoir tout en réalisant ce travail dans de bonnes conditions », précisait Patrice Pierre. Et d’ajouter que si l’hiver est doux comme c’est de plus en plus fréquent, la végétation est souvent déjà bien développée. Faire du sursemis dans un mélange incluant du pois présente alors le risque évident d’arracher une partie de ces derniers. Par ailleurs du sursemis dans un couvert incluant de l’orge semé pur ou en association permet rarement de réaliser ce travail dans de bonnes conditions compte tenu de la précocité de démarrage de cette céréale.

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