« Conserver le bon niveau génétique de notre troupeau caprin »
Au Gaec Cabri Spiceen, aux Épesses en Vendée, la pratique des lactations longues remonte à une trentaine d’années. Niveau génétique, trésorerie et organisation du travail y sont gagnants.
Depuis la création du cheptel en 1977 par Louis Nacivet, les mises bas du Gaec Cabri Spiceen en Vendée sont groupées sur le premier trimestre. Or en 1989, sur un effectif de 180 chèvres, 90 % des 62 mises à l’insémination artificielle se retrouvent vides. Après réalisation d’une saillie naturelle sur ces chèvres, une vingtaine demeure non gestante. Le goût pour l’amélioration et la valorisation génétique l’incite à conserver ces chèvres non gravides en lactation longue. Cette expérience se révélant concluante, il décide de la poursuivre.
Outre la conservation d’animaux à fort potentiel laitier et avec un bon niveau génétique, la pratique des lactations longues permet à l’éleveur de poursuivre la livraison de lait à la laiterie. Cette rentrée d’argent soutient une trésorerie très utile pour régler les factures d’aliments et diverses charges sans trop « piocher » dans les réserves.
Âge, conformation et qualité
Aujourd’hui, le cheptel du Gaec Cabri Spiceen compte 410 chèvres réparties en six lots (quatre lots de 65 chèvres, un de 70 et un de 80). Afin d’optimiser la sélection du cheptel, les lots sont modifiés au mois de juillet avant la période de reproduction, et un lot de 65 chèvres n’est pas mis à la reproduction. Ce sont des lactations longues choisies. Ces chèvres sont sélectionnées selon plusieurs critères : âge élevé, problèmes de conformation ou de mise bas, défauts de composition ou de qualité du lait (TB, TP, concentration cellulaire du lait), génétique (chute des index).
Les autres chèvres du troupeau (trois lots de 65 chèvres, et ceux de 70 et 80 chèvres) sont mises à la reproduction autour du 15 août. 170 chèvres sont inséminées en semence congelée (réparties dans les 5 lots) et 65 en semence fraîche en provenance des meilleurs boucs de l'élevage. Les 110 dernières chèvres sont saillies naturellement (1 bouc par lot) et les boucs restent dans les lots jusqu’à fin septembre pour assurer les retours en chaleur.
Vente de reproducteurs
« Nous réalisons deux échographies, une début octobre et une mi-novembre, afin de valider la gestation de nos chèvres. Celles qui sont vides (ou pseudo-gestantes) à la dernière échographie poursuivront leur lactation (lactations longues subies) », explique Antoine Rapin qui a repris l'exploitation en 2014.
Après les mises bas, 120 chevrettes sont conservées pour le renouvellement du cheptel (dont 30 % sont issues d’insémination artificielle en semence congelée). Compte tenu du bon niveau génétique du troupeau, 150 à 200 chevrettes ainsi qu’une vingtaine de boucs sont vendus chaque année.
Certaines lactations longues sont vendues fin décembre. Les plus basses en lait partent à la réforme, celles ayant une production correcte, mais de faibles index sont vendues dans un autre élevage.
Maintenir la trésorerie
Pour les éleveurs, ce fonctionnement à ses avantages et ses inconvénients. Ils peuvent ainsi conserver des chèvres à fort potentiel laitier et éviter une perte de génétique, livrer du lait en hiver quand le prix est le plus élevé et éviter une importante baisse hivernale de la trésorerie. La monotraite réduit l’astreinte et leurs animaux s’adaptent rapidement à la monotraite et au retour à la bitraite. En revanche, il faut au moins un lot de 65 chèvres pour justifier la traite en lactation longue pour le passage du laitier et ils observent une augmentation de la concentration cellulaire du lait.
« Globalement, notre troupeau a une bonne persistance laitière, et cela se retrouve aussi chez nos chèvres en lactation longue », souligne l'éleveur satisfait.
Monotraite pendant 2 mois pour les lactations longues
La pratique de la monotraite sur le lot des chèvres en lactation longue a débuté en 2004 pour limiter le temps et la charge de travail.
Les éleveurs font passer leurs chèvres à une traite par jour (le matin) de fin octobre jusqu’aux mises bas mi-janvier. Cela favorise le tarissement des chèvres pleines et réduit l’astreinte de traite pour les lactations longues.
L’alimentation des lactations longues en monotraite est gérée de manière quasi identique au reste de l’année. La quantité d’ensilage de maïs est un peu réduite pour éviter les refus et celle de tourteau de colza gras aussi pour éviter le sur-engraissement. L’organisation de l’alimentation est légèrement adaptée pour fermer des portes de la chèvrerie à 17 h 00. Les distributions de concentrés de l’après-midi sont avancées à 16 h 30 en même temps que la dernière repousse de fourrages.
Le retour des lactations longues à deux traites quotidiennes s’effectue sans problème particulier et s’accompagne souvent d’une augmentation de la production laitière par chèvre.
l'avis de Maxime Blanchard, conseiller Seenovia
« Allonger les lactations sans réduire la performance »
« Au Gaec Cabri Spiceen, la pratique des lactations longues est un choix technique ayant des répercussions économiques et humaines favorables. Cela a vraiment permis de conserver dans l’élevage des animaux à haut potentiel laitier et avec une très bonne génétique. La bonne persistance laitière facilite l’allongement de la durée de lactation sans gêner la performance globale. Économiquement, la conservation des chèvres en lactation pendant la période de l’année où le prix du lait est élevé conforte la marge brute de l’atelier. Le choix de gérer les lactations longues en monotraite pendant deux mois offre une option très intéressante aux éleveurs en matière de temps de travail et, donc, de qualité de vie à une période de l’année où cela est très appréciable. »