Comment améliorer l'autonomie protéique en bovin lait en cinq points clés
La chasse au gaspillage est un préalable, l'herbe est incontournable et la voie fourrage est privilégiée, pour améliorer l'autonomie protéique tout en veillant aux résultats économiques.
La chasse au gaspillage est un préalable, l'herbe est incontournable et la voie fourrage est privilégiée, pour améliorer l'autonomie protéique tout en veillant aux résultats économiques.
Améliorer l'autonomie protéique de l'élevage laitier passe par une réduction des besoins en MAT (matière azotée totale) du troupeau et/ou par une augmentation de la production de MAT sur l'exploitation. Pour produire plus de protéines, il est économiquement plus performant de le faire via les fourrages plutôt que via les concentrés, a rappelé l'Institut de l'élevage lors d'une journée de restitution Cap protéine (programme de recherche et développement pour l'autonomie protéique).
1 - Chercher l'efficacité protéique et adapter la conduite d'élevage
Pour réduire les besoins en MAT de l'élevage, un préalable est de vérifier que l'on ne gaspille pas la protéine. Au niveau de la ration d'abord, les fourrages peuvent être mieux valorisées, en ajustant les quantités en fonction du pâturage, et en apportant suffisament d'eau d'abreuvement. La ration de base doit être bien équilibrée et bien couvrir les besoins des animaux. L'objectif est un ratio PDIE/UFL compris entre 97 et 103 g. Si la ration est à plus de 110 g, il y a un excès protéique et on peut déjà réduire le correcteur azoté. L'efficacité protéique peut aussi être améliorée en veillant à l'équilibre entre acides aminés, notamment méthionine et lysine.
Au niveau du troupeau, il peut être judicieux de réduire le nombre d'animaux improductifs qui consomment des concentrés. Dans les systèmes très pâturants, caler les vêlages sur la période de pousse de l'herbe permet de réduire fortement le besoin en correcteur. Adapter la génétique du troupeau et le niveau de production des vaches au potentiel du système fourrager est aussi une voie.
2 - Améliorer la qualité des prairies et des fourrages
Les apports de MAT peuvent progresser par une meilleure conduite des prairies et des fourrages, avant même d'augmenter des surfaces en herbe ou autres cultures fourragères riches en protéines.
Pour les prairies, il y a déjà à gagner dans la conduite du pâturage : mesurer l'herbe, conduire les vaches au fil ou en pâturage tournant dynamique, pour profiter au maximum du pâturage sans sur-pâturer. On peut aussi améliorer la valeur et le rendement de l'herbe avec le choix des espèces et variétés, la fertilisation et l'amendement du sol. Pour l'herbe conservée, les méteils ensilés, la luzerne..., la qualité progresse avec les fauches plus précoces, le soin apporté à la récolte ou à la qualité du stockage.
3 - Valoriser davantage le pâturage
Sans forcément semer des surfaces supplémentaires, les prairies peuvent offrir davantage. Il est possible de pâturer presque toute l'année. Les essais menés dans les fermes expérimentales à Trévarez (Finistère), à la Blanche Maison (Manche) et à Thorigné d'Anjou (Maine-et-Loire) ont montré que l'herbe d'hiver présente de bonnes valeurs alimentaires. Certes la productivité est plus faible au premier cycle qui suit le pâturage hivernal, mais il n'y a pas d'effet délétère sur la production totale d'herbe, ni d'effet sur la composition botanique des prairies. « C'est un bon levier, avec des économies de concentrés et de fourrage, de temps de travail et d'énergie », a résumé Raphaël Boré, de l'Institut de l'élevage. À condition d'adapter le chargement à la portance des sols et d'investir dans de bons chemins, une entrée distincte de la sortie des paddocks, des abreuvements suffisants et bien placés. L'été, avec le changement climatique, le pâturage s'arrête parfois. Ce coup d'arrêt peut être limité par la mise en place d'abris pour les animaux, de points d'abreuvement suffisants et d'une conduite adaptée pour favoriser la résistance et le redémarrage de l'herbe.
4 - Réduire le maïs ensilage plante entière
Pour vraiment réduire les concentrés achetés, mieux vaut diminuer la part de maïs ensilage au profit de l'herbe et/ou d'autres fourrages riches en protéines (luzerne, trèfle violet, méteils, colza fourrager...), quitte à développer une production de concentré fermier énergétique (maïs grain, épi, betterave, céréale).
Un essai mené par Arvalis à La Jaillière (44), sur la complémentarité herbe ensilée et maïs épi, avait conclu à l'intérêt économique positif de cette stratégie quand les prix des aliments achetés sont élevés par rapport au prix du lait. « Il est possible d’accroître fortement le niveau d’autonomie protéique de la ration tout en maintenant des performances de production élevées, à condition de valoriser de l’herbe de qualité (fauche très précoce avec un épi à 10 cm, pour 19-20 % de MAT), préfanée (35 % MS) et bien conservée. Les épis de maïs complets ensilés complémentent bien les fourrages riches en protéines, mais attention à l'éclatement du grain qui doit être maximal, et à sa conservation (optimum à 50-60 % MS, silo pas trop large pour avancer rapidement le front d'attaque). Enfin, l'amidon est peu accessible quand il vient d'être ensilé, il faut donc attendre 45 à 60 jours avant de le distribuer», a exposé Hugues Chauveau, d'Arvalis.
5 - Valoriser les graines de protéagineux et de soja
Avec les graines de protéagineux - féverole, pois et lupin -, la teneur en amidon ne doit pas dépasser 25 % de la ration, ce qui limite leur incorporation. La ferme expérimentale des Trinottières les a testées crues, broyées et aplaties, en substitution partielle de leurs tourteaux, pour des vaches à 31,5 kilos de lait par jour. Les performances laitières sont restées similaires. La graine de lupin étant la plus riche en MAT et la plus pauvre en amidon, elle permet d'améliorer nettement l'autonomie protéique. Le toastage de ces graines ne semble pas avoir d'effet significatif sur les performances laitières.
« La graine de soja toastée a été testée dans deux lycées agricoles en substitution de leur tourteau (soja pour l'un, colza pour l'autre). Dans les deux cas, la production laitière a progressé, mais les taux ont été dilués », a indiqué Raphaël Boré.
Pour des éleveurs qui ne recherchent par le bénéfice agronomique de ces cultures, l'intérêt est faible. Les rendements sont aléatoires, fragilisés par le changement climatique en l'absence d'irrigation. Les protéagineux et le soja demandent du travail supplémentaire et leur intérêt économique est variable, dépendant des prix des céréales et des matières premières. C'est pourquoi, cette production est plutôt envisagée pour des céréaliers dans le cadre de la mise en place d'une filière au niveau régional ou national, plutôt qu'à l'échelle d'un élevage.
Définition
L'autonomie protéique est le rapport entre la MAT produite sur l'exploitation et les besoins en MAT du troupeau.
Des écarts d'autonomie importants entre systèmes
En France, l'élevage bovin lait est à 70 % d'autonomie protéique en moyenne en 2020, avec des écarts entre systèmes. « Mais les écarts sont aussi très importants intra-système. Il existe donc des marges de progrès dans chaque système », insiste Clémence Corre, de l'Institut de l'élevage.
Côté web
Cap protéine a son site internet qui agrège une masse d'informations et de témoignages d'éleveurs. Ce vaste programme de recherche et développement a mobilisé 21 sites expérimentaux, 19 plaformes de démonstration et 330 fermes pilotes.