Vivre avec la paratuberculose caprine
Difficile de se débarrasser de la paratuberculose quand on l’a dans son cheptel… Mais des mesures préventives, des analyses adaptées à la situation et une vaccination ciblée peuvent limiter son expression.
« La meilleure façon de lutter contre la paratuberculose, c’est de ne pas l’avoir dans son cheptel, interpelle Petr Kralik, de l’Institut de recherche vétérinaire de République tchèque. Car une fois qu’on l’a, il est très difficile de s’en débarrasser, cela coûte en argent et en temps et il faut apprendre à vivre avec. » Ce constat a servi d’introduction à une journée organisée par le GDS du Cher et le Laboratoire départemental d’analyses du Cher pour faire le point sur cette maladie encore mal comprise. Étudiée sur 105 cheptels caprins français, la présence de cette maladie a été détectée sur au moins une chèvre dans 63 % des cheptels mais l’étude des bilans sanitaires vétérinaires en Poitou-Charentes indiquait que la maladie ne s’exprime que dans 20 % des cheptels caprins.
Infection chronique de l’intestin grêle transmise par une mycobactérie, la paratuberculose conduit à un amaigrissement des animaux sans perte d’appétit, une chute de la production laitière et un mauvais état général de l’animal. « Mais à la différence des bovins, la maladie ne se manifeste pas par des diarrhées ce qui la rend plus difficile à détecter car il n’y a pas de signes cliniques évidents » commente Emmanuel Guery, vétérinaire au laboratoire d’analyses du Cher. Cette difficulté à la détecter rapidement fait qu’elle va se répandre facilement dans le troupeau.
Isoler les jeunes pour les protéger
La maladie touchant le système digestif, la principale voie de contamination se fait par les matières fécales qui contaminent l’environnement. Le pâturage par exemple peut conduire à une contamination des prairies avec une mycobactérie qui peut survivre 15 à 24 semaines dans la végétation… Mais les animaux s’infectent généralement pendant les premières semaines de vie, soit par voie placentaire - quand une mère a déclaré la maladie, il y a près d’une chance sur deux pour que son fœtus soit atteint - soit en ingérant des produits infectés (lait, colostrum, matière fécale…) L’animal est le plus sensible avant 18 mois.
La gestion de la maladie repose donc sur trois piliers : des mesures préventives de protection des chevrettes de renouvellement, la surveillance clinique et analytique pour écarter rapidement les forts excréteurs, et la vaccination des élevages fortement touchés par la maladie. Un ensemble de bonnes pratiques peuvent être mises en place sur les exploitations pour éviter que les animaux ne se contaminent : séparer les jeunes le plus rapidement possible des mères, et les isoler du reste du troupeau (bâtiment séparé si possible), ne donner que du colostrum et du lait sûrs (ne pas utiliser de mélanges, facteurs de risques, et éventuellement utiliser du lait et colostrum artificiel), désinfecter annuellement le bâtiment, ne pas épandre le fumier sur les prairies…
La vaccination pour limiter l’excrétion
Des tests en laboratoires réguliers à l’échelle du troupeau doivent permettre d’identifier les cheptels en situation favorable ou défavorable vis-à-vis de la paratuberculose. Ces tests peuvent être réalisés sur le lait de tank, le filtre de lactoduc ou des chiffonnettes en salle de traite. La réaction appropriée va dépendre de la situation du troupeau vis-à-vis de la paratuberculose : dans un troupeau globalement sain, des analyses individuelles permettront d’éliminer les quelques positifs avant qu’ils ne contaminent plus d’animaux. Par contre, dans un élevage déjà largement atteint, on ne pourra pas réformer le troupeau entier et préférera éliminer les animaux les plus excréteurs en priorité.
Enfin dans les troupeaux fortement touchés par le dépérissement de chèvres adultes, la vaccination couplée aux mesures de gestion permet de limiter l’expression clinique de la maladie et donc l’excrétion. Comme il est impossible de protéger à 100 % les animaux, mieux vaut encore vacciner là où l’excrétion est la plus forte. Une étude a été réalisée avec le vaccin Gudair en Poitou-Charentes. Des lots d’animaux vaccinés à un mois et non vaccinés ont été comparés dans deux troupeaux. Sur les deux ans de suivi, il y a eu beaucoup plus de réformes et de lésions dans le lot non vacciné. Une enquête réalisée auprès de 13 éleveurs a permis de faire ressortir que la maladie était à l’origine de la perte de 13 % des chèvres. La vaccination aurait permis de réduire ces pertes de 86 % en moyenne.
Des plans de contrôles combinant plusieurs méthodes de diagnostic
Une recherche PCR sur prélèvements de grand mélange et d’environnement (lait de tank, filtre de lactoduc, chiffonnette en salle de traite) peut être réalisée pour faire une première estimation, à coût modéré de la présence de paratuberculose dans le troupeau. Une fois ce premier résultat obtenu, on pourra réaliser des analyses individuelles ou de petit mélange si la situation du cheptel le nécessite. À l’échelle individuelle, le test Elisa recherche les anticorps dans le sang, il présente l’avantage d’être peu cher mais ne permet pas de distinguer un animal vacciné d’un animal infecté. La PCR recherche directement l’ADN du germe dans les fécès, il est plus onéreux mais permet d’identifier de manière plus sure la présence de la maladie sur un individu ou un petit groupe d’animaux. Il n’y a donc pas de méthode optimale, le choix du test le plus adapté dépend de l’objectif recherché et les deux peuvent être complémentaires.
Un exemple de plan de contrôle peut consister à faire deux fois par an une recherche directe de paratuberculose par PCR sur lait et filtre, couplée à une PCR de mélange sur un échantillon de fèces des animaux en mauvais état et des animaux plus sensibles (périodes de mise bas…). Si ces analyses sortent positives, on pourra réaliser des tests Elisa individuels sur toutes les chèvres pour identifier les animaux responsables, puis confirmer les suspicions par PCR pour identifier les forts excréteurs. Avant d’introduire un animal sur son exploitation, mieux vaut réaliser une PCR mais ce n’est pas suffisant : il faut savoir si l’animal provient ou non d’un cheptel à risque car l’excrétion dans les fécès n’est pas permanente. L’Elisa est également envisageable mais elle ne permet pas de détecter les animaux porteurs qui ne produisent pas encore d’anticorps. On prendra également des précautions à l’achat de jeunes animaux car jusqu’à l’âge de deux ans, l’infection est silencieuse et on ne détecte pas la maladie avec les tests.