Dans les Deux-Sèvres
Une chèvrerie neuve pour bien vivre du lait
Éleveurs de 430 chèvres à Villiers-sur-Chizé, Dimitri et Sophie Gallard veulent optimiser leur production tout en préservant leur qualité de vie.
« Notre objectif n’est pas forcément de remplir la chèvrerie et de produire le plus de lait possible. Nous cherchons juste à produire notre référence, avec le moins de chèvre possible pour réduire les coûts de production, et à bien valoriser tous nos produits, lait et génétique », explique Dimitri Gallard, éleveur à Villiers-sur-Chizé. Alors qu’il était installé depuis 2006 avec 320 chèvres sur 35 hectares, sa femme Sophie a rejoint l’exploitation en 2012. « J’ai fait un BTS PA et ça a toujours été mon souhait de m’installer, mais la structure de l’exploitation ne le permettait pas dans un premier temps » confie-t-elle. Elle a donc travaillé plusieurs années en fromagerie, à la DDA et à la MSA le temps de mûrir ce projet d’installation. « Mais on était arrivé au bout du système : les conditions de travail dans le vieux bâtiment étaient vraiment pénibles, on y passait trop de temps et ça devenait difficile de se faire remplacer, il fallait se moderniser » complète Dimitri.
Le projet d’installation de Sophie s’accompagne donc de la construction d’une chèvrerie de 468 places, dans laquelle une grande attention a été portée à l’amélioration du bien-être humain et animal. « C’est un espace où nous allions être amenés à travailler en couple, sept jours sur sept et avec des enfants en bas âge » expliquent les éleveurs de 33 et 34 ans. D’où un bâtiment bien intégré à l’environnement, agréable à vivre et facile à entretenir. C’est aussi la volonté d’avoir un outil compétitif qui guide les éleveurs avec l’objectif qu’il soit possible pour une personne de faire le travail seul et de se faire remplacer. Le bâtiment, en bois pour améliorer l’ambiance, concède, avec 1,8 m2 par chèvre, une superficie plus importante par animal. Un large couloir central permet le passage d’un tracteur pour la distribution des fourrages et le paillage à la dérouleuse, ainsi que la distribution des concentrés par automate.
Un rythme de travail calqué sur le rythme des enfants
L’installation de traite, un roto de traite par l’intérieur 48 places, vise à permettre une traite assez rapide en limitant les manipulations des animaux. Ce système, qui permet d’observer et d’intervenir sur tous les animaux correspond aussi à un objectif de qualité du lait. Le temps de traite, limité à 1h15, 1h45 avec la préparation, le nettoyage et l’entretien répond à un objectif important d’organisation du travail et de la vie de famille. Il permet en effet à Sophie, en charge de la traite, de s’occuper des enfants une fois cette tâche accomplie. Le rythme de travail est ici basé sur le rythme des enfants et de l’école. Tout compris, le bâtiment équipé a coûté près de 1 200 euros par place, avec beaucoup d’auto-construction (bardage, aménagement, terrassement, portails…). Le transfert des animaux dans le nouveau bâtiment s’est bien passé, car il a été fait en douceur en amenant les multipares une semaine avant le tarissement.
Avec ce nouveau bâtiment, le troupeau s’est progressivement agrandi par renouvellement interne, de 320 à 430 laitières. Par contre, la SAU est restée à 35 hectares, dont 20 en surfaces fourragères et 15 en céréales. La disponibilité fourragère constitue donc une des principales fragilités du système. 13 hectares de luzerne et 7 ha de mélange ray-grass – trèfle sont produits, récoltés en foin ou enrubannage pour les premières coupes. Pour remédier à cette disponibilité en surface fourragère insuffisante, les éleveurs achètent des fourrages sur pied à des voisins (luzerne, trèfle) pour un quart de leurs besoins entre 60 et 70 euros par tonne. Ils réalisent aussi des échanges de fourrages contre fumier. « Pour consolider le système, il faudrait augmenter la SAU d’un tiers », concède les éleveurs. Une éventualité qui se profile à moyen terme, la majorité des agriculteurs voisins ayant entre 55 et 60 ans.
Un quart des fourrages achetés sur pied
Les 15 ha de blé et orge sont livrés à leur coopérative d’approvisionnement. Ils y sont pour partie incorporés dans les aliments composés rachetés pour les animaux et pour partie échangés contre du maïs grain. La ration des chèvres est donc constituée au pic de lactation de 1,7 kilo de foin de luzerne, 500 g de maïs grain, 900 g d’optilun, aliment composé à base de graine de lin extrudé à 25 % de matière azotée et 500 g d’un aliment composé de production. Plus tard dans la lactation, cette ration évolue avec une partie du foin remplacé par de l’enrubannage. Au global le niveau de consommation des chèvres s’établit à 511 kilos de matière sèche par an en fourrages, 394 kilos d’aliments composés et 172 kilos d’aliment simple.
Avec un volume de lait livré à leur coopérative, la Coopérative laitière de la Sèvre, de 381 200 litres sur les 12 derniers mois, la production laitière moyenne des chèvres s’équilibre à 1 042 litres pour une lactation de 300 jours en moyenne en 2014. La production laitière des chèvres a ainsi augmenté de plus d’un tiers depuis l’installation de Dimitri. Avec 40,1 de taux butyreux et 34,8 de taux protéique et 34 % du lait produit en très bonne qualité, le lait a été payé en moyenne 646 €/1000L. « Après avoir été inquiets il y a quelques années nous avons confiance dans la politique de notre laiterie qui axe son développement sur des produits de haute valeur ajoutée et au lait cru » commente Dimitri.
La vente de reproducteurs pour valoriser tous les produits
Depuis la construction du nouveau bâtiment, les chevrettes sont élevées sur granulés de paille dans l’ancienne chèvrerie. Cette litière qui permet de limiter les dégagements de jus et d’ammoniac et de ne pas avoir à manipuler les animaux pour curer pendant toute la période d’élevage leur a permis de réduire les problèmes sanitaires. Elles arrivent dans la chèvrerie vers 9-10 mois pour une première mise bas vers 11 mois. « Les mises bas sont concentrées en février-mars, et janvier pour les chevrettes. Nous essayons de les grouper pour faciliter la conduite ». Toutes les chevrettes sont élevées et celles qui ne sont pas conservées sont vendues en reproductrices. Elles sont commercialisées auprès de Chevrettes de France vers quatre semaines, pour un prix moyen de 100 euros. De même, les mâles issus d’inséminations artificielles sont conservés pour être vendus en reproducteurs. La vente de reproducteurs leur permet de bien valoriser tous les produits et d’avoir des rentrées de trésorerie à des moments où il n’y en a pas trop… « Aujourd’hui nos projets sont de bien valoriser tous nos produits, et solidifier la structure. À plus long terme, on envisagera peut-être de construire un bâtiment chevrette, voire mettre en place une activité de diversification… » concluent les éleveurs.
Avis d’expert
Une très bonne productivité laitière
"Le suivi Optichèvre permet aux éleveurs de suivre l’ensemble des postes de charges et produits de l’atelier lait en temps réel, la marge alimentaire journalière par chèvre, la marge brute annuelle par unité de main-d’œuvre et de se comparer au groupe. Chez Sophie et Dimitri Gallard, la marge alimentaire journalière moyenne était en 2014 de 1,68 euro par jour par chèvre contre 1,20 pour la moyenne du groupe suivi à la coopérative laitière de la Sèvre. L’atelier était à moins de 550 g de concentrés par litre, du fait de leur très bonne productivité laitière, ce qui est un très bon résultat. Ils se distinguent également par une très bonne qualité du lait au regard du groupe. Par contre, le prix moyen du lait pourrait encore être amélioré en adaptant mieux la production à la grille de paiement saisonnière de la laiterie. Un décalage des mises bas plus tard au printemps permettrait de bénéficier d’un meilleur prix. Pour compléter cette approche, le BTPL réalise le coût de production de l’atelier lait, ce qui permet un travail de fond sur les charges de structure de l’exploitation et leur affectation."