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Un stage au milieu des chèvres libanaises

Des Charentes au Liban. C’est le voyage que vient d’effectuer Maxime Poupard dans le cadre d’un stage étudiant. Une aventure née lors de Capr’Inov.

"Les voyages donnent une ouverture d’esprit. Pour les jeunes, c’est un bel enrichissement. » En prononçant ces phrases, on comprend tout de suite, chez Laurent Poupard, éleveur caprin à Longèves en Charente-Maritime, que la curiosité, ailleurs que sur l’exploitation, a du bon. Et c’est ce qui s’est passé pour son fils Maxime et le Liban. « Lors du dernier Capr’Inov, à Niort, en novembre j’ai rencontré un des juges, Jihad Daher. Je lui ai demandé s’il prenait des stagiaires étrangers. Dans le cadre de mes études, à la MFR du Marais Poitevin (Deux-Sèvres), je dois réaliser des stages. Il m’a dit non mais pourquoi pas. Lorsque j’en ai parlé à Cédric Proust, le directeur de la MFR, il m’a mis en confiance. Il connaissait le pays », raconte le jeune homme avec des yeux pétillants. Bien sûr, il a fallu lever quelques appréhensions, quelques interrogations sur la barrière de la langue, le climat politique du pays, rassurer Béa, la maman. « Nous avons l’image du Liban en guerre. Or, ce n’est plus le cas. De plus, Jihad parle français », lance le père. Celui-ci lui propose d’accompagner son fils. Une proposition qui convient à toute la famille, qui a payé elle-même, le séjour.

Des inséminations à 70 % de réussite réalisées par Jihad

Puis, tout s’est enchaîné très vite. Maxime Poupard a rappelé Jihad Daher 15 jours plus tard. Échanges pour préparer le stage, renseignements sur les vols, vaccinations, bagages et en début d’année, direction Annaya, village situé à environ 50 km au Nord-Est de Beyrouth. L’hébergement est rudimentaire. Qu’importe, « l’essentiel est là », rapporte Laurent Poupard. La ferme White Farm est située à 1 000 m au-dessus du niveau la mer, sur un flanc de montagne. On produit des fromages de chèvres sous la marque Goûtblanc. Jihad Daher est ingénieur agronome, non issu du milieu agricole.

Une expérience humaine et une découverte

Autodidacte, il a appris le métier dans sa chèvrerie, à petite taille au départ, et par le biais de la lecture. Il a aussi donné des cours de sciences à la faculté de Beyrouth. « Sa richesse, c’est sa connaissance », souligne Laurent Poupard. Il est venu en France pour acquérir des connaissances en insémination artificielle. Il achète des paillettes à travers le monde, réalise les IA avec un taux de réussite de 70 %. Il vient en France pour le Space, Cournon et le Sial. « Il a 10 ans d’avance sur nous », concède Laurent Poupard tout émerveillé devant ce personnage très humble, très accessible. Ce passionné de chèvre va chez d’autres éleveurs pour réaliser des échographies ou donner des conseils pour le développement. « L’élevage de chèvres se développe au Liban », explique Laurent Poupard.

1 300 chèvres Saanen sur caillebotis

L’immersion dans l’exploitation caprine se fait dès le lendemain. Et les yeux du père et du fils s’écarquillent au fil des jours et des découvertes. Ils ont l’impression d’être dans une autre dimension. À Longèves, on élève 400 chèvres. Là, l’exploitation emploie 27 salariés, compte 4 ha de terres, loués à des moines, avec une réserve d’eau, un bâtiment avec 1 000 chevreaux, (température à 24 °C « chauffé avec de la pulpe d’olives et des coquilles de noix ») et deux autres bâtiments pour 480 et 800 chèvres Saanen, « tout est sur caillebotis » et une fromagerie. Enfin, un quatrième bâtiment est utilisé pour la fabrication des aliments. « Il achète les matières premières, comme la paille, la luzerne, le maïs, l’orge, le soja. Les aliments sont broyés en farine, ensachés et distribués aux chèvres quotidiennement », raconte Maxime. Une pratique qui surprend son père. « Certes, il y a une simplification du travail et cela offre une meilleure capacité d’ingestion des aliments. Chez nous, on ne pratique pas comme cela. On travaille sur la rumination. Dans nos échanges très ouverts et très fraternels avec Jihad, il nous amène à nous interroger. Quel est le but de la rumination ? ». Ici, le principe est simple, pour une meilleure production, il faut que les aliments soient ingérés rapidement, donc une alimentation rapide et efficace. De plus, les chèvres ne trient rien. « Et cela n’impacte pas la qualité du lait », renchérit Laurent Poupard.

Ici, ce sont trois traites par jour et trois périodes de mises bas par an. « Il y a deux salles de traite dans chaque bâtiment, en double équipement : deux pompes à lait et deux pompes à vide. Il faut anticiper s’il y a une panne, car ici le dépannage peut mettre 15 jours », raconte Maxime. Deux groupes électrogènes (si l’un tombe en panne) permettent également de parer aux coupures d’électricité. « Ici, on a de la lumière toutes les six heures. C’est un choix du gouvernement. »

Une source d’inspiration pour les éleveurs

Pendant ses 15 jours de stage, Maxime a travaillé comme un ouvrier. « J’ai vu la production, la transformation, les bureaux. J’aime la vision du travail de Jihad. À travers ses voyages, ses rencontres, il apprend plein de choses, les rassemble pour mettre en pratique à sa façon. Cela me donne envie de partir faire un stage dans un autre pays. » Une source d’inspiration pour le futur éleveur caprin. Bien sûr, il y a eu des visites touristiques, l’accueil dans la famille de Jihad Daher. « Des moments forts, inoubliables. Des gens accueillants ». Une autre vision du monde, avec « même si on sait que cela existe, des gens qui vivent dans la misère avec 300 € par mois », constate le père.

De ce séjour, Laurent Poupard rend hommage à sa femme Béa et son fils Quentin. « Ils ont géré les mises bas. C’était la pleine période. 200 chevreaux sont nés. On s’appelait très régulièrement. Je suis parti avec une certaine appréhension, car je laissais tout derrière moi. J’ai aussi pu compter sur des amis, des voisins. L’entraide, la solidarité a pleinement joué. » Maxime a lui aussi apprécié le geste de ses amis. « Des copains sont venus donner un coup de main, alors qu’ils avaient du travail sur leurs exploitations. » Une belle aventure que les parents ont pu partager, l’un à Beyrouth, l’autre à Longèves, avec chacun des enfants, en partageant des moments forts et inoubliables.

La France est un gage de qualité pour les fromages

La fromagerie est aux normes françaises, alors que rien n’oblige Jihad Daher à le faire. « L’hygiène est irréprochable. Pour les Libanais, l’image de la France, c’est la liberté, le système social qui est très envié et la qualité de nos produits. Être aux normes françaises est un gage de qualité. » Le pasteurisateur fait 2 500 litres à l’heure.

Ses fromages, sous vide, sont vendus dans les boutiques haut de gamme avec une étiquette « norme française » indiquant que cela est réalisé suivant la méthode française. On les trouve aussi en grandes surfaces « à côté de nos marques St-Loup et Soignon », précise Maxime. « Il prend de plus en plus de parts de marché face à certaines marques françaises », ajoute Laurent Poupard. Les fromages sont aussi exportés au Qatar, en Côté-d’Ivoire, en Jordanie, aux Émirats. Après trois ans de productions, il vend chaque mois, 170 000 € de produits finis. Maintenant, il se lance dans une gamme de lait UHT.

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