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Rustic
Sélectionner pour diminuer les réformes subies

Le projet Rustic a observé les principales causes de réforme et analysé la longévité fonctionnelle et la persistance laitière avec l’espoir d’en faire de nouveaux critères de sélection génétique.

Qu’est-ce qui fait qu’un animal a une carrière longue ? Pour mieux connaître les causes de sorties des animaux, le projet Rustic a mis en place un observatoire afin de savoir ce qui relève du choix des éleveurs (sélection) de ce qui est subi (pour des questions sanitaires notamment). Cet observatoire, décliné pour les caprins et les ovins laitiers et allaitants, voulait ainsi mettre en relation les causes de réforme et les résultats du contrôle de performance. Pas si simple cependant de récupérer ces données. Il a d’abord fallu créer des grilles et des outils d’enregistrement, déterminer le niveau de précision attendu puis le tester dans une cinquantaine d’élevages volontaires dans chaque filière. « Nous avons voulu apporter un retour aux éleveurs pour que leurs données puissent être valorisées, sur le plan sanitaire notamment, insiste Renée de Cremoux de l’Institut de l’élevage. La comparaison avec les taux et causes de réforme d’autres éleveurs a par exemple été bien appréciée. L’idée est que chaque éleveur puisse avoir une idée précise de ses trois causes principales de réforme pour, si nécessaire, identifier des facteurs de risque et engager des actions de prévention. La synthèse doit être un support d’échange avec les vétérinaires et les conseillers. »

Un carnet pour remplir les causes de sorties

En caprin, l’outil de saisie développé par Capgenes a permis d’enregistrer les causes de sortie de près de 6 000 chèvres et boucs dans une cinquantaine d’élevages de novembre 2016 à fin 2018. Alors que les chèvres quittent plus régulièrement le troupeau, on observe aussi qu’il y a beaucoup de sorties des boucs en mars quand les mises bas sont finies. En dehors de la vente de reproducteurs, les chèvres sont éliminées du troupeau d’abord à cause des caractères laitiers (persistance laitière et quantité) puis de troubles de la reproduction (problème de fertilité, de gestation, à la mise bas…). Viennent ensuite les mammites, les troubles digestifs, les troubles locomoteurs, l’âge… « Mais il existe une grande variabilité dans les réponses, observe Virginie Clément de l’Institut de l’élevage. Il n’est pas toujours facile de remplir la grille avec des causes qui peuvent être multiples ou assez proches ».

Des enquêtes téléphoniques ont confirmé que certains motifs de sorties étaient absents ou mal formulés. Le fait de s’appuyer sur les symptômes pour enregistrer les informations de sortie est jugé trop complexe lorsque la cause est identifiée. La réalisation pratique de l’enregistrement nécessite d’être simplifiée (en cas de sortie en lot pour de la réforme ou de la vente par exemple). Par ailleurs, « on ne réforme jamais un animal pour une seule cause, expliquait un des éleveurs interrogés, il n’est donc pas toujours facile de hiérarchiser ».

Un système portable d’enregistrement par mot-clé plutôt que par liste déroulante pourrait être développé, de même que la possibilité d’entrer plusieurs causes de sortie. Le premier bilan montre qu’il y a un équilibre à trouver entre le besoin d’avoir des informations précises et la facilité de remplissage de la grille. « Même avec 30 % de remplissage, c’est déjà bien, positive Sophie Mattalia de l’Institut de l’élevage. En bovin laitier où la même expérience commence par le carnet sanitaire, on s’attend à avoir 10 à 15 % de carnets bien remplis ». « On ne va pas s’arrêter là et nous voulons intégrer à terme une partie de la grille sur Siecl et Caplait », assure Vincent Gousseau de Capgenes.

Les chèvres vivent un peu moins de quatre ans en moyenne

Au-delà de l’aptitude d’une femelle à vivre longtemps, la sélection génétique pourrait chercher une longévité fonctionnelle, c’est-à-dire la capacité d’une femelle à vivre longtemps pour une autre raison que son niveau de production. « Ce caractère est un composite qui synthétise un ensemble d’autres critères, explique Isabelle Palhiere de l’Inra. C’est un critère simple, facile à mesurer, synthétique et objectif ». D’ailleurs les bovins laitiers ont indexé ce caractère depuis 1997 et les bovins allaitants depuis 2014. Par contre, ce caractère est complexe et très peu héritable. Premières difficultés, il y a beaucoup de femelles encore vivantes à intégrer dans l’index. « Si on ne les intègre pas, le bouc sera indexé alors qu’il ne sera plus au catalogue, résume la chercheuse. Heureusement, des modèles statistiques permettent d’estimer le risque de réformer l’animal qu’il soit mort ou encore vivant ». Cette analyse de survie permet d’avoir des index plus précoces et plus précis.

En caprin, une modélisation à partir de 830 000 Alpines et 666 000 Saanen nées entre 1990 et 2011 et ayant toute leur carrière connue et terminée a permis de calculer a posteriori des critères de longévité. En moyenne, les chèvres au contrôle laitier vivent environ 1 400 jours, soit un peu moins de quatre ans. Et au cours de ces 1 400 jours de vie, elles ne produisent du lait que pendant 800 jours environ (voir tableau). Cette longévité diminue dans les élevages français puisque chaque nouveau millésime de chèvres perd 10 jours de vie productive depuis vingt ans. D’ailleurs, seules 10 % des chèvres font plus de six lactations.

La sélection sur la longévité sera longue

Pour une chèvre, le risque d’être réformée est lié en premier lieu à son numéro de lactation (quatre fois plus élevé en sixième lactation qu’en première), à son stade de lactation (on reforme davantage à 230- 240 jours de lactation quand on a les résultats de reproduction), à la campagne (selon que la laiterie demande ou non du lait) et au cheptel car chaque éleveur a ses propres pratiques en matière de réforme. La production laitière est aussi un facteur important et plus particulièrement pour les 10 % à 20 % les moins bonnes du troupeau que les éleveurs réforment davantage. Les pratiques de réformes vont aussi différer selon que le troupeau est en phase de croissance ou en rythme de croisière.

Au-delà de ces aspects environnementaux, les critères de longévité pouvant faire l’objet d’une sélection génétique n’ont qu’une faible hérédité, de l’ordre de 6 à 7 % seulement (contre 15 à 16 % en bovin laitier). « La sélection sur la seule longévité fonctionnelle va être difficile ou longue », prévient Isabelle Palhière. Les généticiens peuvent aussi s’inquiéter de la baisse du taux de renouvellement qui ralentira le progrès génétique. Même si, en réalité, la sélection sur la longévité fonctionnelle risque plutôt d’être un compromis entre une pression de sélection plus élevée sur les caractères de production et moins de réformes subies sur défauts fonctionnels…

Avant de débuter une sélection sur la longévité fonctionnelle, l’Inra a vérifié le lien qui existait avec les caractères en sélection. Il apparaît que la sélection sur les caractères laitiers n’a pas d’impact sur la longévité fonctionnelle. En contrepartie, les cellules et la morphologie de la mamelle sont liées favorablement à la longévité fonctionnelle. En parallèle de ces travaux, pour vérifier qu’une sélection sur la longévité ne posait pas de problèmes, l’unité expérimentale de l’Inra de Bourges a constitué deux lignées de chèvres avec des index extrêmes sur la longévité et les mesure sur un grand nombre de caractères tout au long de leur carrière.

20 heures de superordinateurs pour calculer l’index

La sélection sur la persistance laitière est intéressante car elle permettrait d’agir sur la forme de la courbe de lactation, en recherchant par exemple des courbes plus plates, avec des pics moins marqués, ce qui serait associé à une répartition plus homogène des besoins alimentaires. Pour cela, il faut trouver le critère qui résume le mieux possible la forme de la courbe de lactation. « Le coefficient de variation et la pente de la courbe de lactation semblent les plus pertinents pour travailler sur la persistance laitière », recommande Virginie Clément. Le coefficient de variation est, pour une chèvre donnée, l’écart type des productions aux contrôles laitiers par rapport à la moyenne des productions au contrôle. La pente de la courbe représente, elle, le coefficient de régression entre la production laitière et le temps (après le pic, c’est-à-dire après 50 jours).

Une autre approche, dite « modèle contrôles élémentaires » consiste à utiliser les données de chaque contrôle laitier plutôt qu’une valeur moyenne à la lactation. Elle permet une meilleure prise en compte des effets environnementaux qui sont différents à chaque contrôle. Avec cette approche, une indexation des chèvres permettrait de calculer un index par chèvre et par jour de contrôle.

C’est efficace mais cela demande beaucoup de ressources informatiques. Pour le calculer sur l’ensemble des chèvres françaises, il faut faire tourner les super-ordinateurs de l’Inra pendant une vingtaine d’heures. Ce nouvel index est légèrement corrélé à d’autres caractères : positivement à la longévité mais, hélas, négativement avec la fertilité. « Ce ne sera pas simple pour Capgenes de trouver la bonne formule pour intégrer cet index, observe Vincent Gousseau de Capgenes. Il faudra faire attention à ne pas pénaliser la fertilité qui reste un critère important. » D’ailleurs, les chèvres Saanen sont plus persistantes mais un peu moins fertiles. D’autre part, l’objectif de sélection sera difficile à définir car « certains éleveurs caprins recherchent plutôt des pics de production alors que d’autres veulent des courbes plates », renchérit Isabelle Palhière.

En simulant économiquement une amélioration de la persistance laitière, les ingénieurs Idele ont calculé un gain de revenu de 8 à 11 % pour les livreurs de lait en race Alpine. Ce gain s’explique par une augmentation du lait produit quelle que soit la période de mise bas ainsi qu’une légère amélioration du prix du lait pour les mises bas de saison. Par contre, en race Saanen, les simulations montrent une diminution du lait produit quelle que soit la période de mise bas. La légère amélioration du prix du lait ne la compense pas et les revenus chutent de 8 à 10 %. Des résultats pas faciles à interpréter et qui montrent les limites de la simulation.

Les supports du séminaire de restitution du projet Casdar Rustic des 3 et 4 octobre à Toulouse sont accessibles sur idele.fr/no_cache/recherche/publication/idelesolr/recommends/casdar-rustic-leprojet-rustic.html

Combien ça rapporte ?

Un troupeau robuste est plus rentable

L’Institut de l’élevage a tenté de chiffrer les gains espérés en augmentant la longévité fonctionnelle des animaux et donc en baissant la proportion de réformes subies. En se basant sur les cas-types d’élevage caprin, les ingénieurs ont fait l’hypothèse extrême de passer d’un taux de renouvellement de 30 % à 19 %, toutes choses égales par ailleurs. Avec moins de réformes et moins de chevrettes à élever, le troupeau contient plus de chèvres adultes et moins de primipares, ce qui laisse espérer une meilleure production laitière. Pour un livreur spécialisé avec 220 chèvres, les simulations ont montré une hausse du revenu disponible de 12 %. Pour un fromager avec 140 chèvres, les revenus augmenteraient théoriquement de 6 %.

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